Histoire des salons de Paris. Tome 5. Abrantès Laure Junot duchesse d'
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Название: Histoire des salons de Paris. Tome 5

Автор: Abrantès Laure Junot duchesse d'

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/44664

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СКАЧАТЬ style="font-size:15px;">      Fouché revit souvent l'Impératrice et madame de Rémusat. Il fallait suivre une marche pour laquelle des conseils étaient nécessaires. Madame de Rémusat, convaincue que tout se faisait par ordre de l'Empereur, suivait les avis de Fouché; et la pauvre Joséphine, au désespoir, ne savait comment il se pouvait que Napoléon fût devenu tout à coup si peu confiant pour elle…

      Le duc d'Otrante avait conseillé, comme le moyen le plus digne, d'écrire une lettre au Sénat, dans laquelle l'Impératrice reconnaissant que l'Empereur se devait avant tout à la nation qu'il gouvernait, et devant assurer sa tranquillité à venir par une succession qui devait lui donner l'assurance de n'être pas troublée dans les temps futurs, déclarerait qu'il fallait que pour cet effet l'Empereur eût des fils à présenter à la France, et que, n'étant pas assez heureuse pour pouvoir lui en donner, elle descendait d'un trône qu'elle ne pouvait occuper, pour laisser la place à une plus heureuse.

      Tel était le texte de la lettre que l'Impératrice devait écrire au Sénat avant de partir pour la Malmaison. Elle ne devait pas dire un mot qui pût faire présumer son dessein, et laisser une lettre d'adieu à l'Empereur.

      Le matin même du jour où le brouillon de cette lettre, ou plutôt du message au Sénat, eut été donné par Fouché à Joséphine, madame de Rémusat fut témoin d'une scène si cruelle; elle vit un tel désespoir dans cette femme résignée à se donner elle-même le coup de couteau qui l'égorgerait, que des réflexions très-sérieuses vinrent se mêler à son chagrin… Pour la première fois il lui parut étrange que l'Empereur, qui lui témoignait constamment de l'estime et de l'intérêt, ne lui eût jamais parlé de toute cette affaire, où il savait qu'elle prenait une grande part, s'il savait quelque chose.

      Une fois que le doute apparaît dans une affaire quelle qu'elle soit, il devient presque aussitôt une certitude, si jamais il ne s'est offert à vous. Madame de Rémusat devint inquiète sans oser le témoigner à Joséphine, mais se promettant bien qu'elle ne ferait rien sans un plus ample informé. Elle s'attendait à une démarche de l'Empereur dans cette même journée, puisque c'était le lendemain matin, à neuf heures, que le message de l'Impératrice devait être porté au Sénat par M. d'Harville ou M. de Beaumont; mais la journée s'écoula, et pas un mot, pas une action même la plus indifférente, ne parut indiquer que l'Empereur sût la moindre chose du grand acte de dévouement de l'Impératrice… Ce silence éclaira madame de Rémusat, et lui fit voir que Joséphine était la victime de quelque machination infernale… La soirée se passa comme le jour entier; et lorsque Joséphine rentra dans son appartement intérieur, elle avait reçu de l'Empereur le même bonsoir que chaque jour.

      – «Ah! dit-elle à madame de Rémusat, je ne pourrai jamais écrire cette lettre!..»

      Et elle lui montrait le brouillon de sa lettre au Sénat!..

      – «Madame veut-elle me permettre de lui demander une faveur? Veut-elle me promettre de ne point envoyer, de ne pas écrire même cette lettre, avant que je me sois rendue près d'elle?»

      Joséphine le lui promit avec d'autant plus de plaisir que, pour elle, c'était un répit de quelques heures; et madame de Rémusat prit congé d'elle en l'engageant à se calmer.

      «Non, se dit-elle en traversant les salons de l'appartement de Joséphine, non, cela est impossible!.. L'Empereur ne peut être assez dur pour ne donner aucun réconfort à cette infortunée, au moment où il lui enlève une couronne et son amour. Non, cela ne se peut!.. l'Empereur ne sait rien.»

      Et sans aller joindre sa voiture, elle monta l'escalier du pavillon de Flore, et s'en fut au salon de service. C'était, je crois, Lemarrois qui était de service. Je laisse à penser quel fut son étonnement en voyant madame de Rémusat au milieu de leur bivouac.

      – «Ce n'est pas pour vous que je viens, leur dit-elle… Il faut que je voie l'Empereur. Allez lui demander cinq minutes d'audience.

      – Mais il est couché.

      – C'est égal. Il faut que je le voie, il le faut absolument.»

      Lemarrois fut frapper à la porte de l'Empereur, et lui dit le message de madame de Rémusat.

      – «Madame de Rémusat! à cette heure! Que peut-elle vouloir?.. Mais j'ai envie de dormir; dites-lui, Lemarrois, de revenir demain matin, à sept heures, ou à huit au plus tard.»

      Lemarrois rapporta cette réponse à madame de Rémusat, qui dit à son tour: «Je ne puis m'en aller. C'est la gloire, le salut de l'Empereur… Allez lui dire, mon cher général, que ce n'est pas pour moi que je le veux voir… que c'est pour lui-même.»

      Le général Lemarrois revint avec l'ordre d'introduire madame de Rémusat. Elle trouva Napoléon coiffé d'un madras tourné autour de la tête et couché dans un petit lit qu'il affectionnait particulièrement… Il fit signe à madame de Rémusat de s'asseoir sur une chaise qui était auprès de lui… Elle était émue, et ce fut avec un violent battement de cœur qu'elle raconta brièvement à l'Empereur ce qui devait se passer le lendemain… À mesure qu'elle parlait, l'Empereur prenait, quoique couché, une de ces attitudes qui n'étaient qu'à lui et en lui, comme il avait un sourire unique, un regard unique.

      – «Mais quel peut être son but? s'écria-t-il enfin…

      – Évidemment il en a un, Sire: celui de vous plaire peut-être en allant au-devant de votre volonté… Car il ne peut avoir que celui-là…

      – Mais, interrompit Napoléon, si vous avez pu m'accuser un moment, vous ne le croyez plus maintenant, madame, j'espère, dit-il d'une voix plus sévère!.. je n'aime pas les détours… et je suis l'homme de la vérité, parce que je suis fort avant tout.»

      Madame Rémusat expliqua à l'Empereur comment elle était venue à lui.

      – «C'est parce que j'ai vu que Votre Majesté l'ignorait, lui dit-elle…

      – Cette pauvre Joséphine! dit Napoléon, comme elle a dû souffrir!..

      – Ah, Sire!.. vous ne pourrez jamais avoir la mesure des peines qui ont torturé son âme pendant ces jours qui viennent de s'écouler… et peut-être votre majesté appréciera-t-elle le silence que l'Impératrice a gardé.»

      Pour qui connaissait Joséphine comme l'Empereur, c'était un compliment cherché par celle qui était son guide et son conseil. Aussi Napoléon, qui ne voulait pas mettre encore ses projets au jour, eut-il soin de reporter à madame de Rémusat l'obligation presque entière du silence de l'Impératrice…

      – «Et comment l'avez-vous laissée? lui demanda-t-il.

      – Au désespoir et prête à se mettre au lit; j'ai recommandé à ses femmes de ne la point quitter dans la crainte d'un accident, mais elle s'est obstinée à vouloir demeurer seule… Elle va passer une triste et cruelle nuit.

      – Allez vous reposer, madame de Rémusat: vous devez en avoir besoin… Bonsoir, demain nous nous reverrons; croyez que je n'oublierai jamais le service que vous m'avez rendu ce soir.»

      Et la congédiant d'une main, il tira de l'autre sa sonnette avec violence…

      «Ma robe de chambre, dit-il d'une voix brève à Constant qui était accouru…»

      Il se donna à peine le temps de l'attacher: il prit un bougeoir et commença à descendre les marches d'un très-petit escalier qui conduisait aux appartements inférieurs et qui donnait dans son cabinet. Ce cabinet avait été jadis l'oratoire de Marie de Médicis.

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