Название: Bel-Ami / Милый друг
Автор: Ги де Мопассан
Издательство: Издательство АСТ
Серия: Bilingua подарочная: иллюстрированная книга на языке оригинала с переводом
isbn: 978-5-17-158401-6
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– Quand on demandera: «Êtes-vous prêts, messieurs?» vous répondrez d'une voix forte: «Oui!»
«Quand on commandera «Feu!» vous élèverez vivement le bras, et vous tirerez avant qu'on ait prononcé trois.
Et Duroy se répétait mentalement: «Quand on commandera feu, j'élèverai le bras, – quand on commandera feu, j'élèverai le bras, – quand on commandera feu, j'élèverai le bras.»
Il apprenait cela comme les enfants apprennent leurs leçons, en le murmurant à satiété pour se le bien graver dans la tête. «Quand on commandera feu, j'élèverai le bras.»
Le landau entra sous un bois, tourna à droite dans une avenue, puis encore à droite. Rival, brusquement, ouvrit la portière pour crier au cocher:
– Là, par ce petit chemin.
Et la voiture s'engagea dans une route à ornières entre deux taillis où tremblotaient des feuilles mortes bordées d'un liséré de glace.
Duroy marmottait toujours: «Quand on commandera feu, j'élèverai le bras.» Et il pensa qu'un accident de voiture arrangerait tout. Oh! si on pouvait verser, quelle chance! s'il pouvait se casser une jambe!..
Mais il aperçut au bout d'une clairière une autre voiture arrêtée et quatre messieurs qui piétinaient pour s'échauffer les pieds; et il fut obligé d'ouvrir la bouche, tant sa respiration devenait pénible.
Les témoins descendirent d'abord, puis le médecin et le combattant. Rival avait pris la boîte aux pistolets et il s'en alla avec Boisrenard, vers deux des étrangers qui venaient à eux. Duroy les vit se saluer avec cérémonie, puis marcher ensemble dans la clairière en regardant tantôt par terre et tantôt dans les arbres, comme s'ils avaient cherché quelque chose qui aurait pu tomber ou s'envoler. Puis ils comptèrent des pas et enfoncèrent avec grand'peine deux cannes dans le sol gelé. Ils se réunirent ensuite en groupe et ils firent les mouvements du jeu de pile ou face, comme des enfants qui s'amusent.
Le docteur Le Brument demandait à Duroy:
– Vous vous sentez bien? Vous n'avez besoin de rien?
– Non, de rien, merci.
Il lui semblait qu'il était fou, qu'il dormait, qu'il rêvait, que quelque chose de surnaturel était survenu qui l'enveloppait.
Avait-il peur? Peut-être? Mais il ne savait pas. Tout était changé autour de lui.
Jacques Rival revint et lui annonça tout bas avec satisfaction:
– Tout est prêt. La chance nous a favorisés pour les pistolets.
Voilà une chose qui était indifférente à Duroy.
On lui ôta son pardessus. Il se laissa faire. On tâta les poches de sa redingote pour s'assurer qu'il ne portait point de papiers ni de portefeuille protecteur.
Il répétait en lui-même, comme une prière: «Quand on commandera feu, j'élèverai le bras.»
Puis on l'amena jusqu'à une des cannes piquées en terre et on lui remit son pistolet. Alors il aperçut un homme debout, en face de lui, tout près, un petit homme ventru, chauve, qui portait des lunettes. C'était son adversaire.
Il le vit très bien, mais il ne pensait à rien qu'à ceci: «Quand on commandera feu, j'élèverai le bras et je tirerai.» Une voix résonna dans le grand silence de l'espace, une voix qui semblait venir de très loin, et elle demanda:
– Êtes-vous prêts, messieurs?
Georges cria:
– Oui!
Alors la même voix ordonna:
– Feu…
Il n'écouta rien de plus, il ne s'aperçut de rien, il ne se rendit compte de rien, il sentit seulement qu'il levait le bras en appuyant de toute sa force sur la gâchette.
Et il n'entendit rien.
Mais il vit aussitôt un peu de fumée au bout du canon de son pistolet; et comme l'homme en face de lui demeurait toujours debout, dans la même posture également, il aperçut aussi un autre petit nuage blanc qui s'envolait au-dessus de la tête de son adversaire.
Ils avaient tiré tous les deux. C'était fini.
Ses témoins et le médecin le touchaient, le palpaient, déboutonnaient ses vêtements en demandant avec anxiété:
– Vous n'êtes pas blessé?
Il répondit au hasard:
– Non, je ne crois pas.
Langremont, d'ailleurs, demeurait aussi intact que son ennemi, et Jacques Rival murmura d'un ton mécontent:
– Avec ce sacré pistolet, c'est toujours comme ça, on se rate ou on se tue. Quel sale instrument!
Duroy ne bougeait point, paralysé de surprise et de joie: «C'était fini!» Il fallut lui enlever son arme qu'il tenait toujours serrée dans sa main. Il lui semblait maintenant qu'il se serait battu contre l'univers entier. C'était fini. Quel bonheur! il se sentait brave tout à coup à provoquer n'importe qui.
Tous les témoins causèrent quelques minutes, prenant rendez-vous dans le jour pour la rédaction du procès-verbal, puis on remonta dans la voiture; et le cocher qui riait sur son siège repartit en faisant claquer son fouet.
Ils déjeunèrent tous les quatre sur le boulevard, en causant de l'événement. Duroy disait ses impressions.
– Ça ne m'a rien fait, absolument rien. Vous avez dû le voir du reste?
Rival répondit:
– Oui, vous vous êtes bien tenu.
Quand le procès-verbal fut rédigé on le présenta à Duroy qui devait l'insérer dans les échos. Il s'étonna de voir qu'il avait échangé deux balles avec M. Louis Langremont, et, un peu inquiet, il interrogea Rival:
– Mais nous n'avons tiré qu'une balle.
L'autre sourit:
– Oui, une balle… une balle chacun… ça fait deux balles.
Et Duroy, trouvant l'explication satisfaisante, n'insista pas. Le père Walter l'embrassa:
– Bravo, bravo, vous avez défendu le drapeau de la Vie Française, bravo!
Georges se montra, le soir, dans les principaux grands journaux et dans les principaux grands cafés du boulevard. Il rencontra deux fois son adversaire qui se montrait également.
Ils ne se saluèrent pas. Si l'un des deux avait été blessé, ils se seraient serré les mains. Chacun jurait d'ailleurs avec conviction avoir entendu siffler la balle de l'autre.
Le lendemain, vers onze heures du matin, Duroy reçut un petit bleu:
«Mon Dieu, que j'ai eu peur! Viens donc tantôt rue de Constantinople, que je t'embrasse, mon amour. Comme tu es brave – je t'adore. – СКАЧАТЬ