Название: Bel-Ami / Милый друг
Автор: Ги де Мопассан
Издательство: Издательство АСТ
Серия: Bilingua подарочная: иллюстрированная книга на языке оригинала с переводом
isbn: 978-5-17-158401-6
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Il répondit avec conviction:
– Ah! ça oui, par exemple.
Elle voulut rentrer à pied sous prétexte que la lune était admirable, et elle s'extasiait en la regardant.
C'était une nuit froide et sereine du commencement de l'hiver. Les passants et les chevaux allaient vite, piqués par une claire gelée. Les talons sonnaient sur les trottoirs.
En le quittant, elle demanda:
– Veux-tu nous revoir après-demain?
– Mais oui, certainement.
– À la même heure?
– À la même heure.
– Adieu, mon chéri.
Et ils s'embrassèrent tendrement.
Puis il revint à grands pas, se demandant ce qu'il inventerait le lendemain, afin de se tirer d'affaire. Mais, comme il ouvrait la porte de sa chambre, il fouilla dans la poche de son gilet pour y trouver des allumettes, et il demeura stupéfait de rencontrer une pièce de monnaie qui roulait sous son doigt.
Dès qu'il eut de la lumière, il saisit cette pièce pour l'examiner. C'était un louis de vingt francs!
Il se pensa devenu fou.
Il le tourna, le retourna, cherchant par quel miracle cet argent se trouvait là. Il n'avait pourtant pas pu tomber du ciel dans sa poche.
Puis, tout à coup, il devina, et une colère indignée le saisit. Sa maîtresse avait parlé, en effet, de monnaie glissée dans la doublure et qu'on retrouvait aux heures de pauvreté. C'était elle qui lui avait fait cette aumône. Quelle honte!
Il jura:
– Ah bien! je vais la recevoir après-demain! Elle en passera un joli quart d'heure!
Et il se mit au lit, le cœur agité de fureur et d'humiliation.
Il s'éveilla tard. Il avait faim. Il essaya de se rendormir pour ne se lever qu'à deux heures; puis il se dit: «Cela ne m'avance à rien, il faut toujours que je finisse par découvrir de l'argent.» Puis il sortit, espérant qu'une idée lui viendrait dans la rue.
Il ne lui en vint pas, mais en passant devant chaque restaurant un désir ardent de manger lui mouillait la bouche de salive. À midi, comme il n'avait rien imaginé, il se décida brusquement: «Bah! je vais déjeuner sur les vingt francs de Clotilde. Cela ne m'empêchera pas de les lui rendre demain.»
Il déjeuna donc dans une brasserie pour deux francs cinquante. En entrant au journal il remit encore trois francs à l'huissier.
– Tenez, Foucart, voici ce que vous m'avez prêté hier soir pour ma voiture.
Et il travailla jusqu'à sept heures. Puis il alla dîner et prit de nouveau trois francs sur le même argent. Les deux bocks de la soirée portèrent à neuf francs trente centimes sa dépense du jour.
Mais comme il ne pouvait se refaire un crédit ni se recréer des ressources en vingt-quatre heures, il emprunta encore six francs cinquante le lendemain sur les vingt francs qu'il devait rendre le soir même, de sorte qu'il vint au rendez-vous convenu avec quatre francs vingt dans sa poche.
Il était d'une humeur de chien enragé et se promettait bien de faire nette tout de suite la situation. Il dirait à sa maîtresse: «Tu sais, j'ai trouvé les vingt francs que tu as mis dans ma poche l'autre jour. Je ne te les rends pas aujourd'hui parce que ma position n'a point changé, et que je n'ai pas eu le temps de m'occuper de la question d'argent. Mais je te les remettrai la première fois que nous nous verrons.»
Elle arriva, tendre, empressée, pleine de craintes. Comment allait-il la recevoir? Et elle l'embrassa avec persistance pour éviter une explication dans les premiers moments.
Il se disait, de son côté: «Il sera bien temps tout à l'heure d'aborder la question. Je vais chercher un joint.»
Il ne trouva pas de joint et ne dit rien, reculant devant les premiers mots à prononcer sur ce sujet délicat.
Elle ne parla point de sortir et fut charmante de toutes façons.
Ils se séparèrent vers minuit, après avoir pris rendez-vous seulement pour le mercredi de la semaine suivante, car Mme de Marelle avait plusieurs dîners en ville de suite.
Le lendemain, en payant son déjeuner, comme Duroy cherchait les quatre pièces de monnaie qui devaient lui rester, il s'aperçut qu'elles étaient cinq, dont une en or.
Au premier moment il crut qu'on lui avait rendu, la veille, vingt francs par mégarde; puis il comprit, et il sentit une palpitation de cœur sous l'humiliation de cette aumône persévérante.
Comme il regretta de n'avoir rien dit! S'il avait parlé avec énergie, cela ne serait point arrivé.
Pendant quatre jours il fit des démarches et des efforts aussi nombreux qu'inutiles pour se procurer cinq louis, et il mangea le second de Clotilde.
Elle trouva moyen, bien qu'il lui eût dit, d'un air furieux: «Tu sais, ne recommence pas la plaisanterie des autres soirs, parce que je me fâcherais», de glisser encore vingt francs dans la poche de son pantalon, la première fois qu'ils se rencontrèrent.
Quand il les découvrit, il jura «Nom de Dieu!» et il les transporta dans son gilet pour les avoir sous la main, car il se trouvait sans un centime.
Il apaisait sa conscience par ce raisonnement: «Je lui rendrai le tout en bloc. Ce n'est en somme que de l'argent prêté.»
Enfin le caissier du journal, sur ses prières désespérées, consentit à lui donner cent sous par jour. C'était tout juste assez pour manger, mais pas assez pour restituer soixante francs.
Or, comme Clotilde fut reprise de sa rage pour les excursions nocturnes dans tous les lieux suspects de Paris, il finit par ne plus s'irriter outre mesure de trouver un jaunet dans une de ses poches, un jour même dans sa bottine, et un autre jour dans la boîte de sa montre, après leurs promenades aventureuses.
Puisqu'elle avait des envies qu'il ne pouvait satisfaire dans le moment, n'était-il pas naturel qu'elle les payât plutôt que de s'en priver?
Il tenait compte d'ailleurs de tout ce qu'il recevait ainsi, pour le lui restituer un jour.
Un soir elle lui dit:
– Croiras-tu que je n'ai jamais été aux Folies-Bergère? Veux-tu m'y mener?
Il hésita, dans la crainte de rencontrer Rachel. Puis il pensa: «Bah! je ne suis pas marié avec elle après tout. Si l'autre me voit, elle comprendra la situation et ne me parlera pas. D'ailleurs nous prendrons une loge.»
Une raison aussi le décida. Il était bien aise de cette occasion d'offrir à Mme de Marelle une loge au théâtre sans rien payer. C'était là une sorte de compensation.
Il laissa d'abord Clotilde dans la voiture pour aller chercher le coupon afin qu'elle ne vît pas qu'on le lui offrait, puis il la vint prendre et ils entrèrent, salués par les contrôleurs.
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