Название: Bel-Ami / Милый друг
Автор: Ги де Мопассан
Издательство: Издательство АСТ
Серия: Bilingua подарочная: иллюстрированная книга на языке оригинала с переводом
isbn: 978-5-17-158401-6
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Puis il se coucha, bercé par le sifflet des trains.
Il rentra de bonne heure le lendemain, portant un sac de gâteaux et une bouteille de madère achetée chez l'épicier. Il dut ressortir pour se procurer deux assiettes et deux verres; et il disposa cette collation sur sa table de toilette, dont le bois sale fut caché par une serviette, la cuvette et le pot à l'eau étant dissimulés par-dessous.
Puis il attendit.
Elle arriva vers cinq heures un quart, et, séduite par le papillotement coloré des dessins, elle s'écria:
– Tiens, c'est gentil chez vous. Mais il y a bien du monde dans l'escalier.
Il l'avait prise dans ses bras, et il baisait ses cheveux avec emportement, entre le front et le chapeau, à travers le voile.
Une heure et demie plus tard, il la reconduisit à la station de fiacres de la rue de Rome. Lorsqu'elle fut dans la voiture, il murmura:
– Mardi, à la même heure.
Elle dit:
– À la même heure, mardi.
Et, comme la nuit était venue, elle attira sa tête dans la portière et le baisa sur les lèvres. Puis, le cocher ayant fouetté sa bête, elle cria: «Adieu, Bel-Ami!» et le vieux coupé s'en alla au trot fatigué d'un cheval blanc.
Pendant trois semaines, Duroy reçut ainsi Mme de Marelle tous les deux ou trois jours, tantôt le matin, tantôt le soir.
Comme il l'attendait un après-midi, un grand bruit dans l'escalier l'attira sur sa porte. Un enfant hurlait. Une voix furieuse, celle d'un homme, cria:
– Qu'est-ce qu'il a encore à gueuler, ce bougre-là?
La voix glapissante et exaspérée d'une femme répondit:
– C'est c'te sale cocotte qui vient chez l'journalisse d'en haut qu'a renversé Nicolas sur l'palier. Comme si on devrait laisser entrer des roulures comme ça qui n'font seulement pas attention aux éfants dans les escaliers!
Duroy, éperdu, se recula, car il entendait un rapide frôlement de jupes et un pas précipité gravissant l'étage au-dessous de lui.
On frappa bientôt à sa porte, qu'il venait de refermer. Il ouvrit, et Mme de Marelle se jeta dans la chambre, essoufflée, affolée, balbutiant:
– As-tu entendu?
Il fit semblant de ne rien savoir.
– Non, quoi?
– Comme ils m'ont insultée?
– Qui ça?
– Les misérables qui habitent au-dessous.
– Mais non, qu'est-ce qu'il y a, dis-moi?
Elle se mit à sangloter sans pouvoir prononcer un mot.
Il dut la décoiffer, la délacer, l'étendre sur le lit, lui tapoter les tempes avec un linge mouillé: elle suffoquait; puis, quand son émotion se fut un peu calmée, toute sa colère indignée éclata.
Elle voulait qu'il descendît tout de suite, qu'il se battît, qu'il les tuât.
Il répétait:
– Mais ce sont des ouvriers, des rustres. Songe qu'il faudrait aller en justice, que tu pourrais être reconnue, arrêtée, perdue. On ne se commet pas avec des gens comme ça.
Elle passa à une autre idée:
– Comment ferons-nous, maintenant? Moi, je ne peux pas rentrer ici.
Il répondit:
– C'est bien simple, je vais déménager.
Elle murmura:
– Oui, mais ce sera long.
Puis, tout d'un coup, elle imagina une combinaison, et, rassérénée brusquement:
– Non, écoute, j'ai trouvé, laisse-moi faire, ne t'occupe de rien. Je t'enverrai un petit bleu demain matin.
Elle appelait des «petits bleus» les télégrammes fermés circulant dans Paris.
Elle souriait maintenant, ravie de son invention, qu'elle ne voulait pas révéler; et elle fit mille folies d'amour.
Elle était bien émue cependant, en redescendant l'escalier, et elle s'appuyait de toute sa force sur le bras de son amant, tant elle sentait fléchir ses jambes.
Ils ne rencontrèrent personne.
Comme il se levait tard, il était encore au lit, le lendemain vers onze heures, quand le facteur du télégraphe lui apporta le petit bleu promis.
Duroy l'ouvrit et lut:
«Rendez-vous tantôt, cinq heures, rue de Constantinople, 127. Tu te feras ouvrir l'appartement loué par Mme Duroy.
«Clo t'embrasse.»
À cinq heures précises, il entrait chez le concierge d'une grande maison meublée et demandait:
– C'est ici que Mme Duroy a loué un appartement?
– Oui, monsieur.
– Voulez-vous m'y conduire, s'il vous plaît.
L'homme, habitué sans doute aux situations délicates où la prudence est nécessaire, le regardait dans les yeux, puis, choisissant dans la longue file de clefs:
– Vous êtes bien M. Duroy?
– Mais oui, parfaitement.
Et il ouvrit un petit logement composé de deux pièces et situé au rez-de-chaussée, en face de la loge.
Le salon, tapissé de papier ramagé, assez frais, possédait un meuble d'acajou recouvert en reps verdâtre à dessins jaunes, et un maigre tapis à fleurs, si mince que le pied sentait le bois par-dessous.
La chambre à coucher était si exiguë que le lit l'emplissait aux trois quarts. Il tenait le fond, allant d'un mur à l'autre, un grand lit de maison meublée, enveloppé de rideaux bleus et lourds, également en reps, et écrasé sous un édredon de soie rouge maculé de taches suspectes.
Duroy, inquiet et mécontent, pensait: «Ça va me coûter un argent fou, ce logis-là. Il va falloir que j'emprunte encore. C'est idiot, ce qu'elle a fait.»
La porte s'ouvrit, et Clotilde se précipita en coup de vent, avec un grand bruit de robe, les bras ouverts. Elle était enchantée:
– Est-ce gentil, dis, est-ce gentil? Et pas à monter, c'est sur la rue, au rez-de-chaussée! On peut entrer et sortir par la fenêtre sans que le concierge vous voie. Comme nous nous aimerons, là dedans!
Il l'embrassait froidement, n'osant faire la question qui lui venait aux lèvres.
Elle avait posé un gros paquet sur le guéridon, au milieu de СКАЧАТЬ