Toutes les Oeuvres Majeures de Léon Tolstoï. León Tolstoi
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Название: Toutes les Oeuvres Majeures de Léon Tolstoï

Автор: León Tolstoi

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066446673

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СКАЧАТЬ qu’il le pourrait, pendant que Koutouzow, avec tout son train de campagne, s’écoulerait vers Znaïm.

      Après avoir réussi à franchir 45 verstes de montagnes sans chemins frayés, par une nuit orageuse, et avec des soldats affamés et mal chaussés, Bagration, ayant perdu en traînards le tiers de ses hommes, déboucha à Hollabrünn sur la route de Vienne à Znaïm, quelques heures avant les Français. Afin de donner à Koutouzow les vingt-quatre heures indispensables pour atteindre son but, ses quatre mille hommes, épuisés de fatigue, devaient arrêter l’ennemi à Hollabrünn et sauver ainsi l’armée, ce qui était en réalité impossible. Mais la fortune capricieuse rendit l’impossible possible. Le succès de la ruse qui avait livré aux Français, sans coup férir, le pont de Vienne, inspira à Murat la pensée d’en tenter une du même genre avec Koutouzow. Rencontrant le faible détachement de Bagration, il s’imagina avoir devant lui l’armée tout entière. Sûr de l’écraser dès qu’il aurait reçu les renforts qu’il attendait, il lui proposa un armistice de trois jours, pendant lequel chacun d’eux conserverait ses positions respectives. Pour être plus sûr de l’obtenir, il confirma que les préliminaires de la paix étaient en discussion, et que par conséquent il était inutile de verser le sang. Le général autrichien Nostitz, placé aux avant-postes, le crut sur parole et, en se repliant, démasqua Bagration. Un autre parlementaire porta dans le camp russe les mêmes assurances mensongères. Bagration répondit qu’il ne pouvait ni accepter, ni refuser l’armistice, et qu’il devait avant tout en référer au général en chef, auquel il allait envoyer son aide de camp. Cette proposition était le salut de l’armée; aussi Koutouzow dépêcha-t-il immédiatement à l’ennemi l’aide de camp Wintzengerode, chargé non seulement d’accepter l’armistice, mais aussi de poser les conditions d’une capitulation. Il expédia en même temps d’autres ordres en arrière, pour presser la marche de l’armée, que l’ennemi ignorait encore parce qu’elle s’opérait derrière les faibles troupes de Bagration, restées immobiles devant des forces huit fois plus considérables. Les prévisions de Koutouzow se réalisèrent. Ses propositions ne l’engageaient à rien et lui faisaient gagner un temps précieux; car la faute de Murat ne pouvait tarder à être découverte. Aussitôt que Bonaparte, établi à Schœnbrünn, à 25 verstes de Hollabrünn, reçut le rapport de Murat contenant les projets d’armistice et de capitulation, il comprit qu’on l’avait joué et lui écrivit la lettre suivante:

      Au prince Murat.

      «Schœnbrünn, 25 brumaire (16 novembre), an 1805, huit heures du matin.

      «Il m’est impossible de trouver des termes pour vous exprimer mon mécontentement. Vous ne commandez que mon avant-garde, et vous n’avez pas le droit de faire d’armistice sans mon ordre. Vous me faites perdre le fruit d’une campagne. Rompez l’armistice sur-le-champ et marchez à l’ennemi. Vous lui ferez déclarer que le général qui a signé cette capitulation n’avait pas le droit de le faire, qu’il n’y a que l’empereur de Russie qui ait ce droit.

      «Toutefois, cependant, que l’empereur de Russie ratifierait ladite convention, je la ratifierai, mais ce n’est qu’une ruse. Marchez, détruisez l’armée russe… vous êtes en position de prendre son bagage et son artillerie.

      «L’aide de camp de Russie est un…, les officiers ne sont rien quand ils n’ont pas de pouvoirs; celui-ci n’en avait point… les Autrichiens se sont laissé jouer sur le pont de Vienne, vous vous laissez jouer par un aide de camp de l’Empereur.

      «NAPOLÉON.»

      L’aide de camp porteur de cette terrible épître galopait ventre à terre. Napoléon, craignant de laisser échapper sa facile proie, arrivait avec toute sa garde pour livrer bataille, tandis que les quatre mille hommes de Bagration allumaient gaiement leurs feux, se séchaient, se chauffaient pour la première fois depuis trois jours et cuisaient leur gruau, sans qu’aucun d’eux pressentît l’ouragan qui allait fondre sur eux.

      XIV

      L’aide de camp de Napoléon n’avait pas encore rejoint Murat, lorsque le prince André, ayant obtenu de Koutouzow l’autorisation désirée, arriva à Grounth, à quatre heures du soir, auprès de Bagration. On y était dans l’ignorance de la marche générale des affaires: on y causait de la paix sans y ajouter foi; on y parlait de la bataille sans la croire prochaine. Bagration reçut l’aide de camp favori de Koutouzow avec une distinction et une bienveillance toutes particulières; il lui annonça qu’ils étaient à la veille d’en venir aux mains avec l’ennemi, lui laissant le choix, ou d’être attaché à sa personne pendant le combat, ou de surveiller la retraite de l’arrière-garde, ce qui était également fort important.

      «Du reste, je ne crois pas à un engagement pour aujourd’hui,» ajouta Bagration, comme s’il voulait tranquilliser le prince André, et intérieurement il se dit:

      «Si ce n’est qu’un freluquet de l’état-major, envoyé pour recevoir une décoration, il la recevra aussi bien à l’arrière-garde; mais s’il veut rester auprès de moi, tant mieux, un brave officier n’est jamais de trop!»

      Le prince André, sans répondre à sa double proposition, demanda au prince s’il voulait lui permettre d’examiner la situation et la dislocation des troupes, pour pouvoir s’orienter, le cas échéant. L’officier de service du détachement, un bel homme, d’une élégance recherchée, portant un solitaire à l’index, parlant mal mais très volontiers le français, se proposa comme guide.

      On ne voyait de tous côtés que des officiers trempés jusqu’aux os, à la recherche de quelque chose, et des soldats traînant après eux des portes, des bancs et des palissades.

      «Voyez, prince, nous ne parvenons pas à nous débarrasser de ces gens-là, dit l’officier d’état-major, en les désignant du doigt et en indiquant la tente d’une vivandière: les chefs sont trop faibles, ils leur permettent de se rassembler ici… je les ai tous chassés ce matin, et la voilà de nouveau pleine. Permettez, prince, une seconde, que je les chasse encore.

      — Allons-y, répondit le prince André, j’y prendrai un morceau de pain et de fromage, car je n’ai pas eu le temps de manger.

      — Si vous me l’aviez dit, prince, je vous aurais offert de partager mon pain et mon sel.»

      Ils quittèrent leurs chevaux et entrèrent dans la tente; quelques officiers, à la figure fatiguée et enluminée, étaient occupés à boire et à manger.

      «Pour Dieu, messieurs, leur dit l’officier d’état-major d’un ton de reproche accentué, qui prouvait que ce n’était pas la première fois qu’il le leur répétait, vous savez bien que le prince a défendu de quitter son poste et de se réunir ici;» et s’adressant à un officier d’artillerie de petite taille, maigre et peu soigné, qui s’était levé à leur entrée avec un sourire contraint, et s’était déchaussé pour donner à la vivandière ses bottes à sécher. «Et vous aussi, capitaine Tonschine! N’avez-vous pas honte? En votre qualité d’artilleur, vous devriez donner l’exemple, et vous voilà sans bottes; si on bat la générale, vous serez gentil, nu-pieds. Vous allez me faire le plaisir, messieurs, de retourner à vos postes, tous,» ajouta-t-il d’un ton de commandement.

      Le prince André n’avait pu s’empêcher de sourire en regardant Tonschine, qui, debout, silencieux et souriant, levait tour à tour ses pieds déchaussés, et dont les yeux, bons et intelligents, allaient de l’un à l’autre.

      «Les soldats disent qu’il est plus commode d’être déchaussé, répondit humblement le capitaine Tonschine, en cherchant à sortir СКАЧАТЬ