Название: Toutes les Oeuvres Majeures de Léon Tolstoï
Автор: León Tolstoi
Издательство: Bookwire
Жанр: Языкознание
isbn: 4064066446673
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À peine avait-il disparu, que Sonia, tout en pleurs et les joues en feu, se précipita dans la serre. Natacha allait s’élancer vers elle, mais le plaisir de rester invisible et d’observer, ce qui se passait, comme dans les contes de fées, la retint immobile. Sonia se parlait à elle-même tout bas, les yeux fixés sur la porte du salon. Nicolas entra.
«Sonia, qu’as-tu? Est-ce possible? Lui cria-t-il en courant à elle.
— Rien, je n’ai rien, laissez-moi!…»
Et elle fondit en larmes.
«Mais non, je sais ce que c’est!
— Eh bien! Si vous le savez, tant mieux pour vous, allez la rejoindre.
— Sonia, un mot! Peut-on se tourmenter ainsi et me tourmenter moi, pour une chimère,» lui dit-il en lui prenant la main.
Sonia pleurait sans retirer sa main. Natacha, clouée à sa place, retenait sa respiration; ses yeux brillaient.
«Qu’est-ce qui va se passer? Pensa-t-elle.
— Sonia, le monde entier n’est rien pour moi: toi seule tu es tout, et je te le prouverai!
— Je n’aime pas que tu parles à… dit Sonia.
— Eh bien! Je ne le ferai plus, pardonne-moi!…»
Et, l’attirant à lui, il l’embrassa.
«Ah! Voilà qui est bien!» se dit Natacha.
Nicolas et Sonia quittèrent la serre; elle les suivit à distance jusqu’à la porte et appela Boris.
«Boris, venez ici, dit-elle d’un air important et mystérieux. J’ai à vous dire quelque chose. Ici, ici!…»
Et elle l’amena jusqu’à sa cachette entre les fleurs. Boris obéissait en souriant: «Qu’avez-vous à me dire?»
Elle se troubla, regarda autour d’elle, et, ayant aperçu sa poupée qui gisait abandonnée sur une des caisses, elle s’en empara et la lui présenta: «Embrassez ma poupée!»
Boris ne bougeait pas et regardait sa petite figure animée et souriante.
«Vous ne le voulez pas? Eh bien, venez, par ici…»
Et, l’entraînant tout au milieu des arbres, elle jeta sa poupée.
«Plus près, plus près!» dit-elle en saisissant tout à coup le jeune homme par son uniforme.
Et, rougissante d’émotion et prête à pleurer, elle murmura: «Et moi, m’embrasserez-vous?»
Boris devint pourpre.
«Comme vous êtes étrange!» lui dit-il.
Et il se penchait indécis au-dessus d’elle.
S’élançant d’un bond sur une des caisses, elle entoura de ses deux petits bras nus et grêles le cou de son compagnon, et, rejetant ses cheveux en arrière, elle lui appliqua un baiser sur les lèvres; puis, s’échappant aussitôt et se glissant rapidement à travers les plantes, elle s’arrêta de l’autre côté, la tête penchée.
«Natacha, je vous aime, vous le savez bien, mais…
— Êtes-vous amoureux de moi?
— Oui, je le suis. Mais, je vous en prie, ne recommençons plus…, ce que nous venons de faire… Encore quatre ans… alors je demanderai votre main…»
Natacha se mit à réfléchir.
«Treize, quatorze, quinze, seize, dit-elle en comptant sur ses doigts. Bien, c’est convenu!…»
Et un sourire de confiance et de satisfaction éclaira son petit visage.
«C’est convenu! Reprit Boris.
— Pour toujours, à la vie à la mort!» s’écria la fillette en lui prenant le bras et en l’emmenant, heureuse et tranquille, dans le grand salon.
XIV
La comtesse, qui s’était sentie fatiguée, avait fait fermer sa porte et donné ordre au suisse d’inviter à dîner tous ceux qui viendraient apporter leurs félicitations. Elle désirait aussi causer en tête-à-tête avec son amie d’enfance, la princesse Droubetzkoï, qui était revenue depuis peu de Pétersbourg.
«Je serai franche avec toi, lui dit-elle en rapprochant son fauteuil de celui de la comtesse: il nous reste, hélas! Si peu de vieux amis, que ton amitié m’est doublement précieuse.»
Et, jetant un regard sur Véra, elle se tut.
La comtesse lui serra tendrement la main.
«Véra, vous ne comprenez donc rien?»
Elle aimait peu sa fille, et c’était facile à voir.
«Tu ne comprends donc pas que tu es de trop ici. Va rejoindre tes sœurs.
— Si vous me l’aviez dit plus tôt, maman, – répondit la belle Véra avec un certain dédain, mais sans paraître toutefois offensée, – je serais déjà partie…»
Et elle passa dans la grande salle, où elle aperçut deux couples assis, chacun devant une fenêtre et qui semblaient se faire pendants l’un à l’autre.
Elle s’arrêta un moment pour les regarder d’un air moqueur. Nicolas, à côté de Sonia, lui copiait des vers, les premiers de sa composition. Boris et Natacha causaient à voix basse; ils se turent à l’approche de Véra. Les deux petites filles avaient un air joyeux et coupable qui trahissait leur amour; c’était charmant et comique tout à la fois, mais Véra ne trouvait cela ni charmant ni comique.
«Combien de fois ne vous ai-je pas prié de ne jamais toucher aux objets qui m’appartiennent! Vous avez une chambre à vous.»
Et là-dessus elle prit l’encrier des mains de Nicolas.
«Un instant, un instant, dit Nicolas en trempant sa plume dans l’encrier.
— Vous ne faites jamais rien à propos: tout à l’heure, vous êtes entrés comme des fous dans le salon, et vous nous avez tous scandalisés.» En dépit, ou peut-être à cause de la vérité de sa remarque, personne ne souffla mot, mais il y eut entre les quatre coupables un rapide échange de regards. Véra, son encrier à СКАЧАТЬ