Le chateâu des Carpathes. Jules Verne
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Название: Le chateâu des Carpathes

Автор: Jules Verne

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

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isbn: 4064066078881

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СКАЧАТЬ pleuvra?... s'écria le colporteur. Il pleut donc sans nuages dans votre pays?

      —Les nuages viendront cette nuit... et de là-bas... du mauvais côté de la montagne.

      —A quoi voyez-vous cela?

      —A la laine de mes moutons, qui est rèche et sèche comme un cuir tanné.

      —Alors ce sera tant pis pour ceux qui arpentent les grandes routes...

      —Et tant mieux pour ceux qui seront restés sur la porte de leur maison.

      —Encore faut-il posséder une maison, pasteur.

      —Avez-vous des enfants? dit Frik.

      —Non.

      —Etes-vous marié?

      —Non.»

      Et Frik demandait cela parce que, dans le pays, c'est l'habitude de le demander à ceux que l'on rencontre.

      Puis, il reprit:

      «D'où venez-vous, colporteur?...

      —D'Hermanstadt.»

      Hermanstadt est une des principales bourgades de la Transylvanie. En la quittant, on trouve la vallée de la Sil hongroise, qui descend jusqu'au bourg de Petroseny.

      «Et vous allez?...

      —A Kolosvar.»

      Pour arriver à Kolosvar, il suffit de remonter dans la direction de la vallée du Maros; puis, par Karlsburg, en suivant les premières assises des monts de Bihar, on atteint la capitale du comitat. Un chemin d'une vingtaine de milles [Environ 150 kilomètres.] au plus.

      En vérité, ces marchands de thermomètres, baromètres et patraques, évoquent toujours l'idée d'êtres à part, d'une allure quelque peu hoffmanesque. Cela tient à leur métier. Ils vendent le temps sous toutes ses formes, celui qui s'écoule, celui qu'il fait, celui qu'il fera, comme d'autres porteballes vendent des paniers, des tricots ou des cotonnades. On dirait qu'ils sont les commis voyageurs de la Maison Saturne et Cie à l'enseigne du Sablier d'or. Et, sans doute, ce fut l'effet que le juif produisit sur Frik, lequel regardait, non sans étonnement, cet étalage d'objets, nouveaux pour lui, dont il ne connaissait pas la destination.

      «Eh! colporteur, demanda-t-il en allongeant le bras, à quoi sert ce bric-à-brac, qui cliquète à votre ceinture comme les os d'un vieux pendu?

      —Ça, c'est des choses de valeur, répondit le forain, des choses utiles à tout le monde.

      —A tout le monde, s'écria Frik, en clignant de l'œil,—même à des bergers?...

      —Même à des bergers.

      —Et cette mécanique?...

      —Cette mécanique, répondit le juif en faisant sautiller un thermomètre entre ses mains, elle vous apprend s'il fait chaud ou s'il fait froid.

      —Eh! l'ami, je le sais de reste, quand je sue sous mon sayon, ou quand je grelotte sous ma houppelande.»

      Évidemment, cela devait suffire à un pâtour, qui ne s'inquiétait guère des pourquoi de la science.

      «Et cette grosse patraque avec son aiguille? reprit-il en désignant un baromètre anéroïde.

      —Ce n'est point une patraque, c'est un instrument qui vous dit s'il fera beau demain ou s'il pleuvra...—Vrai?...

      —Vrai.

      —Bon! répliqua Frik, je n'en voudrais point, quand ça ne coûterait qu'un kreutzer. Rien qu'à voir les nuages traîner dans la montagne ou courir au-dessus des plus hauts pics, est-ce que je ne sais pas le temps vingt-quatre heures à l'avance? Tenez, vous voyez cette brumaille qui semble sourdre du sol?... Eh bien, je vous l'ai dit, c'est de l'eau pour demain.»

      En réalité, le berger Frik, grand observateur du temps, pouvait se passer d'un baromètre.

      «Je ne vous demanderai pas s'il vous faut une horloge? reprit le colporteur.

      —Une horloge?... J'en ai une qui marche toute seule, et qui se balance sur ma tête. C'est le soleil de là-haut. Voyez-vous, l'ami, lorsqu'il s'arrête sur la pointe du Rodük, c'est qu'il est midi, et lorsqu'il regarde à travers le trou d'Egelt, c'est qu'il est six heures. Mes moutons le savent aussi bien que moi, mes chiens comme mes moutons. Gardez donc vos patraques.

      —Allons, répondit le colporteur, si je n'avais pas d'autres clients que les pâtours, j'aurais de la peine à faire fortune! Ainsi, vous n'avez besoin de rien?...

      —Pas même de rien.»

      Du reste, toute cette marchandise à bas prix était de fabrication très médiocre, les baromètres ne s'accordant pas sur le variable ou le beau fixe, les aiguilles des horloges marquant des heures trop longues ou des minutes trop courtes—enfin de la pure camelote. Le berger s'en doutait peut-être et n'inclinait guère à se poser en acheteur. Toutefois, au moment où il allait reprendre son bâton, le voilà qui secoue une sorte de tube, suspendu à la bretelle du colporteur, en disant:

      «A quoi sert ce tuyau que vous avez là?...

      —Ce tuyau n'est pas un tuyau.

      —Est-ce donc un gueulard?»

      Et le berger entendait par là une sorte de vieux pistolet à canon évasé.

      «Non, dit le juif, c'est une lunette.»

      C'était une de ces lunettes communes, qui grossissent cinq à six fois les objets, ou les rapprochent d'autant, ce qui produit le même résultat.

      Frik avait détaché l'instrument, il le regardait, il le maniait, il le retournait bout pour bout, il en faisait glisser l'un sur l'autre les cylindres.

      Puis, hochant la tête «Une lunette? dit-il.

      —Oui, pasteur, une fameuse encore, et qui vous allonge joliment la vue.

      —Oh! j'ai de bons yeux, l'ami. Quand le temps est clair, j'aperçois les dernières roches jusqu'à la tête du Retyezat, et les derniers arbres au fond des défilés du Vulkan.

      —Sans cligner?...

      —Sans cligner. C'est la rosée qui me vaut ça, lorsque je dors du soir au matin à la belle étoile. Voilà qui vous nettoie proprement la prunelle.

      —Quoi... la rosée? répondit le colporteur. Elle rendrait plutôt aveugle...

      —Pas les bergers.

      —Soit! Mais si vous avez de bons yeux, les miens sont encore meilleurs, lorsque je les mets au bout de ma lunette.

      —Ce serait à voir.

      —Voyez en y mettant les vôtres...

      —Moi?...

      —Essayez.

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