Название: Le corsaire rouge
Автор: James Fenimore Cooper
Издательство: Bookwire
Жанр: Языкознание
isbn: 4064066319045
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–N’avez-vous rien entendu? s’écria-t-elle.
–Les rats n’ont pas encore tout à fait déserté le moulin, répondit froidement la gouvernante.
–Le mouliin! ma chère Mrs Wyllys; voulez-vous persister à appeler ces ruines pittoresques un moulin?
–Je sens tout le tort que ce nom fatal doit faire à ses charmes, surtout pour des yeux de dix-huit ans; mais, en conscience, je ne puis lui donner un autre nom.
–Les ruines ne sont pas assez abondantes dans ce pays, ma chère gouvernante, reprit Gertrude en riant, tandis que ses yeux étincelants prouvaient l’intérêt qu’elle mettait à défendre son opinion favorite, pour que nous soyons en droit de les dépouiller, sans des preuves certaines, du peu de droits qu’elles peuvent avoir à notre vénération.
–Eh bien! le pays n’en est que plus heureux! Les ruines, dans une contrée, sont comme la plupart des signes de décrépitude qui se manifestent sur le corps humain, de tristes preuves d’excès et de passions en tout genre, qui ont hâté les ravages du temps. Ces provinces sont comme vous, ma Gertrude, dans leur fraîcheur et leur jeunesse, et comparativement aussi dans leur innocence. Espérons pour l’une et pour l’autre une longue, utile et heureuse existence.
–Grand merci pour moi et pour mon pays! mais cependant je ne puis admettre que ces ruines pittoresques aient été un moulin.
–Qu’elles soient ce que vous voudrez, voilà longtemps qu’elles occupent cette place, et, selon toute apparence, elles y resteront encore plus longtemps, ce qui est plus que nous ne pouvons dire de notre prison, comme vous appelez ce beau vaisseau à bord duquel nous devons nous embarquer.–Eh! mais Madame, si mes yeux ne se trompent pas, je vois les mâts se mouvoir lentement et dépasser les cheminées de la ville.
–Vous avez parfaitement raison, Wyllys; les matelots sont en irain de touer le vaisseau pour le mettre à flot, puis ils l’attacheront à ses ancres pour qu’il ne bouge pas jusqu’à ce qu’on soit prêt à déplier les voiles, afin de mettre en mer dans la matinée. C’est une manœuvre qu’on fait souvent, et que l’amiral m’a expliquée si clairement, qu’il me serait assez facile de la commander en personne, si cela convenait à mon sexe et à ma position.
–Alors ce mouvement doit nous rappeler que tous nos apprêts de départ ne sont pas encore terminés. Quelque charmant que soit ce lieu, Gertrude, il faut le quitter à présent, au moins pour quelques mois.
–Oui, ajouta Mrs de Lacey en suivant à pas lents la gouvernante qui prenait déjà les devants; des flottes entières ont été souvent touées à leurs ancres, pour attendre que le vent et la marée fussent favorables. Aucune personne de notre sexe ne connaît les dangers de l’Océan, nous exceptées, qui avons été unies par le plus étroit de tous les nœuds à des officiers de rang et de mérite; et nulle autre ne peut jouir délicieusement de la véritable grandeur de cette noble profession. C’est un charmant spectacle qu’un vaisseau fendant les vagues avec sa poupe, et s’élançant sur son propre sillage, comme le coursier écumant qui court toujours sur la même ligne, quoiqu’il se précipite de toute sa vitesse.
La réponse de Mrs Wyllys ne parvint pas jusqu’aux oreilles des deux indiscrets cachés dans la tour. Gertrude avait suivi ses compagnes; mais après avoir fait quelques pas, elle s’arrêta pour jeter un dernier regard sur ses murs délabrés. Un profond silence régna pendant plus d’une minute.
–Cassandre, dit-elle enfin à la jeune négresse qui était auprès d’elle, il y a, dans l’arrangement de ces pierres, quelque chose qui m’aurait fait désirer qu’elles eussent été quelque chose de plus qu’un moulin.
–Y avoir des rats dedans, reprit cette fille avec sa simplicité naïve; vous avoir entendu ce que bonne Mrs Wyllys dire.
Gertrude se retourna, sourit, et donna un petit coup sur la joue noire de sa suivante, avec des doigts que le contraste faisait paraître blancs comme la neige, comme pour la gronder de vouloir détruire la douce illusion dont elle aimait à se bercer; puis, courant rejoindre sa tante et sa gouvernante, elle se mit à descendre la colline en bondissant avec la légèreté d’une jeune Atalante.
Les deux habitants passagers de la tour restèrent aux écoutes aussi longtemps qu’ils purent apercevoir le plus léger pli de sa robe flottante, et alors ils se retournèrent en face l’un de l’autre et se regardèrent quelque temps en silence, chacun d’eux s’efforçant de lire dans les yeux de son voisin.
–Je suis prêt à prêter serment devant le lord chancelier, s’écria tout à coup l’avocat, que ces ruines n’ont jamais été un moulin!
–Votre opinion a éprouvé un changement bien subit!
–Ma justice a été éclairée, aussi vrai que j’espère d’être juge. La question a été traitée par un avocat puissant, et j’ai vécu pour reconnaître mon erreur.
–Et pourtant il y a des rats dans la tour.
–Des rats de terre, ou des rats d’eau? demanda promptement l’étranger en jetant sur son compagnon un de ces regards vifs et perçants que ses yeux avaient toujours en réserve.
–Mais l’un et l’autre, à ce que je crois, répondit Wilder d’un ton sec et caustique; certainement du moins de la première espèce, ou la renommée fait injure aux gens de robe.
L’avocat sourit, et il ne parut se fâcher en aucune manière d’une allusion aussi libre à sa noble et honorable profession.
–Vous autres gens de mer, dit-il, vous avez dans les manières une franchise si loyale et si amusante, qu’en honneur il n’y a pas moyen d’y résister. Je suis enthousiaste de votre noble profession, et j’en connais tant soit peu les termes. Quel plus beau spectacle, en effet, qu’un superbe vaisseau fendant la lame furieuse avec sa poupe, et s’élançant sur son sillage, comme un coursier rapide!
–Ou comme un serpent sinueux qui s’allonge sur ses propres replis.
Alors, comme s’ils éprouvaient un singulier plaisir à se rappeler ces images poétiques tracées par la digne veuve du vaillant amiral, ils se mirent à éclater de rire en même temps d’une manière si bruyante que la vieille tour en fut ébranlée comme au temps où le vent faisait tourner le moulin. L’avocat fut le premier à reprendre son sang-froid, car le jeune marin s’abandonnait à toute sa gaieté.
–Mais c’est un terrain sur lequel il est dangereux pour d’autres que la veuve d’un marin de s’aventurer, dit-il d’un ton redevenu en un instant aussi calme que ses rires avaient été immodérés. La jeune personne, celle qui a tant d’aversion pour les moulins, est nne charmante créature! il paraîtrait qu’elle est la nièce de la prétentieuse douairière.
Le jeune marin cessa de rire a son tour, comme s’il sentait tout à coup l’inconvenance de tourner en ridicule une si proche parente de la belle vision qui venait d’apparaître à ses yeux. Quelles que fussent ses pensées secrètes, il se contenta de répondre:
–Elle l’a dit elle-même.
–Et dites-moi, reprit СКАЧАТЬ