Название: Pièces choisies
Автор: Valentin Krasnogorov
Издательство: ЛитРес: Самиздат
Жанр: Драматургия
isbn:
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MICHEL. Étrange oubli. Pourtant, je vous ai envoyé à ce propos une lettre, à laquelle vous n’avez même pas daigné répondre.
LE DOCTEUR. Je n’ai le souvenir d’aucune lettre.
MICHEL. Donc, vous souffrez d’amnésie. Le coup fut très fort, les conséquences lourdes. Vous avez été simplement obligé de prendre immédiatement des mesures.
LE DOCTEUR. (Ajoutant les données sur la fiche médicale.) Avez-vous été gravement blessé ?
MICHEL. Le côté droit a été sérieusement endommagé.
LE DOCTEUR. (Ajoutant les données sur la fiche médicale.) « Le côté droit a été endommagé… »
MICHEL. Et les deux phares cassés.
LE DOCTEUR. (En colère.) Qui a le côté endommagé ? Vous ou la voiture ?
MICHEL. La voiture, bien sûr.
LE DOCTEUR. Et que vous est-il arrivé ? Vous vous êtes cogné la tête ?
MICHEL. Pourquoi, tout à coup ? Je vais très bien. Pas une égratignure.
LE DOCTEUR. Alors, pourquoi devais-je prendre immédiatement des mesures ?
MICHEL. Et qui me paiera une compensation ?
LE DOCTEUR. Une compensation ? Pour quoi ? Ce n’est tout de même pas moi qui conduisais le poids-lourd.
MICHEL. Non. Mais vous êtes mon agent d’assurances. Quand avez-vous l’intention de me régler la réparation ?
LE DOCTEUR. Mon cher, je ne suis pas agent d’assurances. Je suis médecin libéral. Docteur. Vous comprenez ? Docteur.
MICHEL. (Perplexe.) Docteur ?
LE DOCTEUR. Docteur, docteur. (Il lui parle doucement et patiemment.) Vous êtes venu voir le docteur. Le docteur, pas l’agent d’assurances.
MICHEL. Oui, c’est vrai… J’avais complètement oublié. Pardon.
LE DOCTEUR. (Préoccupé.) Je sens que votre maladie est des plus sérieuses. Des plus sérieuses.
MICHEL. Mais on peut en guérir ?
LE DOCTEUR. Comment vous dire… C’est une chance que vous soyez venu me voir moi précisément. Un autre médecin pour rien au monde ne vous soignerait.
MICHEL. Oui, vous l’avez déjà dit.
LE DOCTEUR. Donc ça, vous vous en souvenez ?
MICHEL. Bien sûr.
LE DOCTEUR. C’est bien. Et d’une manière générale, vous souvenez-vous de quelque chose ?
MICHEL. Je me souviens de tout. De mon enfance, de l’école, du travail. Mais je peux complètement oublier ce qu’il m’est arrivé une semaine ou une heure plus tôt. Et puis soudain me rappeler. Et oublier à nouveau. C’est affreux.
LE DOCTEUR. Tout va bien, tout va bien, rien n’est irréparable.
MICHEL. Comment s’appelle ma maladie ?
LE DOCTEUR. C’est une des formes de la sclérose. Difficile de dire pour l’instant, laquelle précisément. Il en existe beaucoup. (Ajoutant les données sur la fiche médicale.) Comment vous sentez-vous physiquement ?
MICHEL. Normal.
LE DOCTEUR. Quel comportement votre femme a-t-elle à votre égard ?
MICHEL. Normal.
LE DOCTEUR. Quand avez-vous eu des rapports intimes avec elle pour la dernière fois ?
MICHEL. (Après une longue réflexion.) Je ne me rappelle pas.
LE DOCTEUR. (Se prenant par la tête de désespoir.) Mon cher, soyons honnête, vous êtes un cas un peu difficile. Faisons une petite pause.
MICHEL. Pourquoi ?
LE DOCTEUR. Parce que je suis fatigué. Et je suis pris d’un mal de tête.
MICHEL. (Compatissant.) Je peux vous donner un comprimé…
LE DOCTEUR. (Il hurle.) Pas la peine ! Avalez-le vous-même ! (Se reprenant.) Excusez-moi, je suis effectivement fatigué. Où en étions-nous ?
MICHEL. Vous demandez à faire une petite pause.
LE DOCTEUR. Quelle pause ? Ah ! oui… Attendez, je vous prie, dans la salle d’attente. Je vous appellerai.
MICHEL se dirige vers la sortie, mais revient.
MICHEL. À propos, c’est au sujet des relations intimes… Dites, ma maladie n’est pas contagieuse ?
LE DOCTEUR. Fondamentalement, non. Quoique… (Il réfléchit. Une idée désagréable lui vient à l’esprit. Son visage s’assombrit.) Récemment il a été émis l’hypothèse que certaines formes de sclérose seraient dues à des virus et seraient contagieuses.
MICHEL. Donc, vous voulez dire…
LE DOCTEUR. (L’interrompant.) Éloignez-vous de moi. (Il met à la hâte un masque de protection et se regarde, inquiet, dans un miroir.)
MICHEL. Vous n’avez toujours pas répondu à ma question.
LE DOCTEUR. Mais allez-vous me laisser tranquille, ne serait-ce que cinq minutes ?
MICHEL sort. Le DOCTEUR prend sur l’étagère un gros livre médical de référence et commence à le feuilleter fébrilement, puis le jette de côté. Il prend la bouteille thermos et se verse du café, tente de le boire mais est gêné par le masque de protection. Il l’ôte, avale de petites gorgées et petit à petit retrouve son calme. Il remarque la note laissée sur le bureau par MICHEL et, tout en la regardant, compose le numéro.
LE DOCTEUR. Allo ? Irène ? Excusez-moi, c’est à nouveau le docteur. Je voulais vous dire, que, bien que vous m’ayez traité d’insolent, vous avez une voix très agréable. Ce n’est rien. C’était un malentendu. Seulement voilà, un de mes patients affirmait que vous étiez sa femme. Michel Grelot. Comment ?! Vous êtes effectivement sa femme ? Mais vous aviez dit que vous n’aviez pas de mari ! Pardon, je ne voulais absolument pas vous offenser. Dire à une femme qu’elle n’a pas de mari, ça n’est quand même pas lui faire offense. Oui… Oui… Je comprends. Je comprends. Je comprends. (La conversation est interrompue.) C’est à n’y rien comprendre.
Entre MICHEL.
MICHEL. Vous permettez ?
LE DOCTEUR. (Remettant son masque à la hâte.) Je vous en prie.
MICHEL. (Il s’avance vers le Docteur et lui dit à mi-voix à l’oreille.) СКАЧАТЬ