Monsieur Parent, et autres histoires courtes. Guy de Maupassant
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Название: Monsieur Parent, et autres histoires courtes

Автор: Guy de Maupassant

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066075880

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      Ce fut en lui quelque chose d'étrange, d'atroce, une poignante et violente sensation de froid dans tout son corps, dans tous ses membres, comme si ses os, tout à coup, fussent devenus de glace. Oh! s'il ressemblait à Limousin!.....et il continuait a regarder Georges qui riait maintenant. Il le regardait avec des yeux éperdus, troubles, hagards. Et il cherchait dans le front, dans le nez, dans la bouche, dans les joues, s'il ne retrouvait pas quelque chose du front, du nez, de la bouche ou des joues de Limousin.

      Sa pensée s'égarait comme lorsqu'on devient fou; et le visage de son enfant se transformait sous son regard, prenait des aspects bizarres, des ressemblances invraisemblables.

      Julie avait dit: «Un aveugle ne s'y tromperait pas.» Il y avait donc quelque chose de frappant, quoique chose d'indéniable! Mais quoi? Le front? Oui, peut-être? Cependant Limousin avait le front plus étroit! Alors la bouche? Mais Limousin portait toute sa barbe! Comment constater les rapports entre ce gras menton d'enfant et le menton poilu de cet homme?

      Parent pensait: «Je n'y vois pas, moi, je n'y vois plus; je suis trop troublé; je ne pourrais rien reconnaître maintenant... Il faut attendre; il faudra que je le regarde bien demain matin, en me levant.»

      Puis il songea: «Mais s'il me ressemblait, à moi, je serais sauvé! sauvé!»>

      Et il traversa le salon en deux enjambées pour aller examiner dans la glace la face de son enfant à côté de la sienne.

      Il tenait Georges assis sur son bras, afin que leurs visages fussent tout proches, et il parlait haut, tant son égarement était grand.

      «Oui... nous avons le même nez... le même nez... peut-être... ce n'est pas sûr... et le même regard.... Mais non, il a les yeux bleus.... Alors... oh! mon Dieu!... mon Dieu!... mon Dieu!... je deviens fou!... Je ne veux plus voir... je deviens fou!...»

      Il se sauva loin de la glace, à l'autre bout du salon, tomba sur un fauteuil, posa le petit sur un autre, et il se mit à pleurer. Il pleurait par grands sanglots désespérés. Georges, effaré d'entendre gémir son père, commença aussitôt à hurler.

      Le timbre d'entrée sonna. Parent fil un bond, comme si une balle l'eût traversé. Il dit: «La voilà... qu'est-ce que je vais faire?...» Et il courut s'enfermer dans sa chambre pour avoir le temps, au moins, de s'essuyer les yeux. Mais, après quelques secondes, un nouveau coup de timbre le fit encore tressaillir; puis il se rappela que Julie était partie sans que la femme de chambre fut prévenue. Donc personne n'irait ouvrir? Que faire? Il y alla.

      Voici que tout d'un coup il se sentait brave, résolu, prêt pour la dissimulation et la lutte. L'effroyable secousse l'avait mûri en quelques instants. Et puis il voulait savoir; il le voulait avec une fureur de timide et une ténacité de débonnaire exaspéré.

      Il tremblait cependant! Était-ce de peur? Oui... Peut-être avait-il encore peur d'elle? sait-on combien l'audace contient parfois de lâcheté fouettée?

      Derrière la porte qu'il avait atteinte à pas furtifs, il s'arrêta pour écouter. Son coeur battait à coups furieux; il n'entendait que ce bruit-là: ces grands coups sourds dans sa poitrine et la voix aiguë de Georges qui criait toujours, dans le salon.

      Soudain, le son du timbre éclatant sur sa tête, le secoua comme une explosion; alors il saisit la serrure, et, haletant, défaillant, il fit tourner la clef et tira le battant.

      Sa femme et Limousin se tenaient debout en face de lui, sur l'escalier.

      Elle dit, avec un air d'étonnement où apparaissait un peu d'irritation:

      —C'est toi qui ouvres, maintenant? Où est donc Julie?

      Il avait la gorge serrée, la respiration précipitée; et il s'efforçait de répondre, sans pouvoir prononcer un mot.

      Elle reprit:—Es-tu devenu muet? Je te demande où est Julie.

      Alors il balbutia:—Elle.... elle.... est..... partie....

      Sa femme commençait à se fâcher:

      —Comment, partie? Où ça? Pourquoi?

      Il reprenait son aplomb peu à peu et sentait naître en lui une haine mordante contre cette femme insolente, debout devant lui.

      —Oui, partie pour tout à fait... je l'ai renvoyée...

      —Tu l'as renvoyée?... Julie?... Mais tu es fou....

      —Oui, je l'ai renvoyée parce qu'elle avait été insolente... et qu'elle... qu'elle a maltraité l'enfant.

      —Julie?

      —Oui... Julie.

      —A propos de quoi a-t-elle été insolente?

      —A propos de toi.

      —A propos de moi?

      —Oui... parce que son dîner était brûlé et que tu ne rentrais pas.

      —Elle a dit...?

      —Elle a dit... des choses désobligeantes pour toi... et que je ne devais pas... que je ne pouvais pas entendre....

      —Quelles choses?

      —Il est inutile de les répéter.

      —Je désire les connaître.

      —Elle a dit qu'il était très malheureux pour un homme comme moi, d'épouser une femme comme toi, inexacte, sans ordre, sans soins, mauvaise maîtresse de maison, mauvaise mère, et mauvaise épouse....

      La jeune femme était entrée dans l'antichambre, suivie par Limousin qui ne disait mot devant cette situation inattendue. Elle ferma brusquement la porte, jeta son manteau sur une chaise et marcha sur son mari en bégayant, exaspérée:

      —Tu dis?... Tu dis?... que je suis...?

      Il était très pâle, très calme. Il répondit:

      —Je ne dis rien, ma chère amie; je te répète seulement les propos de Julie, que tu as voulu connaître; et je te ferai remarquer que je l'ai mise à la porte justement à cause de ces propos.

      Elle frémissait de l'envie violente de lui arracher la barbe et les joues avec ses ongles. Dans la voix, dans le ton, dans l'allure, elle sentait bien la révolte, quoiqu'elle ne pût rien répondre; et elle cherchait à reprendre l'offensive par quelque mot direct et blessant.

      —Tu as dîné? dit-elle.

      —Non, j'ai attendu.

      Elle haussa les épaules avec impatience.

      —C'est stupide d'attendre après sept heures et demie. Tu aurais dû comprendre que j'avais été retenue, que j'avais eu des affaires, des courses.

      Puis, tout à coup, un besoin lui vint d'expliquer l'emploi de son temps, et elle raconta, avec des paroles brèves, hautaines, qu'ayant eu des objets de mobilier à choisir très loin, très loin, rue de Rennes, elle avait rencontré Limousin à sept heures passées, boulevard Saint-Germain, en revenant, et СКАЧАТЬ