Le IIme livre des masques. Remy de Gourmont
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Название: Le IIme livre des masques

Автор: Remy de Gourmont

Издательство: Bookwire

Жанр: Документальная литература

Серия:

isbn: 4064066087180

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СКАЧАТЬ vivante, contée ou chantée. De vieux airs sonnent dans ces ballades d'un art pourtant si nouveau:

      La mer brille au-dessus de la baie, la mer brille comme

       une coquille. On a envie de la pêcher. Le ciel est gai, c'est

       joli Mai.

      C'est doux la mer au-dessus de la baie, c'est doux comme

       une main d'enfant. On a envie de la caresser. Le ciel est gai,

       c'est joli Mai.

      Voici une ronde (peut-être) qui fera encore mieux entendre sa musique oubliée:

      Un gentil page vint à passer, une reine gentille vint à

       chanter.—Roi! hou—tu les feras pendre, hou, hou, tu

       les feras tuer.

      Un gentil page vint à chanter, une reine gentille vint à

       descendre.—Roi! hou—tu les feras moudre, hou, hou, tu

       les feras tuer.

      Le grand gibet dans l'herbe tendre, la meule dorée dans le

       grand pré.—Roi! hou—tu feras moudre, hou, hou, tu

       les feras pendre.

      Un moine blanc vint à passer, un moine rouge vint à

       chanter:—Roi! hou tu les feras tondre, hou, hou, pour le

       moutier.

      L'émotion régit le second livre. C'est celui de l'amour, de la nature et du rêve: celui des paysages doux et nuancés, bleu et argent. La mer est d'argent, les saules sont d'argent, l'herbe est d'argent; l'air est bleu, la lune est bleue, les animaux sont bleus.

      L'Aube a roulé ses roues de glace dans l'horizon. La terre

       se découvre en gammes de jour pâle. Un mont reflète, hu-

       mide, les dernières étoiles, et les animaux bleus boivent l'herbe

       d'argent.

       ................................................................

      Et c'est gai, pur, un peu triste aussi comme quand on regarde l'étendue des campagnes, ou la mer, ou le ciel. Les choses ont une manière si solennelle de se coucher dans la brume, une telle attitude d'éternité quand elles sont couchées que nous devenons graves, tout au moins, à ce spectacle qui trouble la mobilité de nos pensées et les arrête et les fixe douloureusement; mais il y a une joie dans la vue de la beauté, qui, à certaines heures de la vie, peut dominer les autres sensations et nous préparer à l'état de grâce nécessaire à la communion parfaite. C'est le mysticisme dans sa fraîcheur la plus ingénue et dans son amour le plus éloquent. Ainsi la ballade: L'ombre comme un parfum s'exhale des montagnes. Je veux déclarer que cet hymne est beau comme un des beaux chants de Lamartine:

      Laisse nager le ciel entier dans tes yeux sombres et mêle

       ton silence à l'ombre de la terre: si ta vie ne fait pas une

       ombre sur son ombre, tes yeux et ta rosée sont les miroirs des

       sphères.

       ..............................................................

       A l'espalier les nuits aux branches invisibles, vois briller

       ces fleurs d'or, espoir de notre vie, vois scintiller sur nous—

       scels d'or des vies futures—nos étoiles visibles aux arbres

       de la nuit.

       ...............................................................

       Contemple, sois ta chose, laisse penser tes sens, éprends-

       toi de toi-même épars dans cette vie. Laisse ordonner le ciel

       à tes yeux, sans comprendre, et crée de ton silence la musique

       des nuits.

      La rime manque, parfois même l'assonance; on n'y prend garde. C'est, renouvelée par de belles images inédites, la grande poésie romantique. Mais, sans être unique, une émotion aussi profonde est rare dans les Ballades. Le poète a pour l'humour un penchant qu'il veut satisfaire même hors de propos et voici, après un livre sentimental (vieilles estampes en demi-teinte), toute une bizarre mythologie, Orphée, Silène, Hercule, restaurée avec quelque hardiesse, puis l'extraordinaire Louis XI, curieux homme, et Coxcomb, plus étrange encore, puis des ballades étranges encore et encore,—et pas une où il n'y ait quelque trait d'originalité, de poésie ou d'esprit. Nous avons donc le livre le plus varié et les gestes les plus dispersifs. On a peine, si tôt, à y bien retrouver son chemin, tant les pistes s'enroulent et s'enlacent sous les branches, disparaissent dans les buissons, dans les ruisseaux, dans les mousses élastiques, tant l'animal entrevu est singulier, rapide et mouvant. On a défini M. Paul Fort, dans une intention sans doute amicale: le génie pur et simple. Ironique, cela ne serait pas encore très cruel; sérieux, cela dit une partie de la vérité. Ce poète en effet est une perpétuelle vibration, une machine nerveuse sensible au moindre choc, un cerveau si prompt que l'émotion souvent s'est formulée avant la conscience de l'émotion. Le talent de Paul Fort est une manière de sentir autant qu'une manière de dire.

Hugues Rebell

       Table des matières

      Des hommes ne sont pas d'accord avec leur temps; ils ne vivent jamais de la vie du peuple; l'âme des foules ne leur apparaît pas bien supérieure à l'âme des troupeaux.

      Si l'un de ces hommes réfléchit sur lui-même et arrive à se comprendre et à se situer dans le vaste monde, peut-être va-t-il s'attrister, car il sent autour de lui une invincible étendue d'indifférence, une nature muette, des pierres stupides, des gestes géométriques: c'est la grande solitude sociale. Et, au fond de son ennui, il songe au plaisir simple d'être d'accord, de rire avec naïveté, de sourire d'un air discret, de s'émouvoir aux longues commotions. Mais aussi une fierté peut lui venir de son renoncement et de son isolement, soit qu'il ait adopté la pose du stylite, soit qu'il ait fermé sur ses plaisirs la porte d'un palais.

      M. Rebell a choisi ce dernier mode: il se présente à nous dans l'attitude de l'aristocrate heureux et dédaigneux.

      En un temps où, petits plagiaires de Sénèque le philosophe, les agents de change, les avocats populaires, les professeurs retirés dans un héritage, les millionnaires, les ambassadeurs, les ténors, les ministres et les banquistes, où toute la «noblesse républicaine», hypocritement joyeuse de vivre, s'attendrit avec soin sur le «sort des humbles», au moment même qu'elle leur met le pied sur la nuque, en ce temps-là, il est agréable d'entendre quelques paroles de franchise et M. Rebell dire: «Je veux jouir de la vie telle qu'elle m'a été donnée, selon toute sa richesse, toute sa beauté, toute sa liberté, toute son élégance; je suis un aristocrate.»

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