Les beaux messieurs de Bois-Doré. George Sand
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Название: Les beaux messieurs de Bois-Doré

Автор: George Sand

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066084059

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СКАЧАТЬ ne tenait pas à ce que le muet fût noyé, ce qui n'avait aucune raison d'arriver; mais il souhaitait que l'enfant périt, chose qui paraissait très-possible. Il ne demandait pas au ciel d'abandonner cette pauvre créature; il ne raisonnait pas son cruel instinct; il le subissait, malgré lui, comme un mal bizarre, insurmontable. Il sentait de plus en plus cet enfant lui inspirer une terreur superstitieuse.

      —Si ce que j'éprouve est une révélation de ma destinée, pensait-il, elle s'agite et se décide en cet instant. Si l'enfant meurt, je suis sauvé; s'il est sauvé, je suis perdu.

      L'enfant fut sauvé.

      Lucilio rejoignit le cheval, prit le petit cavalier par le collet de sa souquenille, et alla le jeter sur la talus, dans les bras de sa mère, qui avait suivi, en courant et en criant, les péripéties de ce petit drame.

      Puis il retourna tranquillement chercher le trop simple Squilindre, qui s'acharnait contre le barrage de l'étang, et, le forçant à rebrousser chemin, le remit sain et sauf aux mains du carrosseux éperdu.

      Toute la maison était accourue aux cris de la Morisque, et l'on fut attendri de la voir, «toute pleurante,» embrasser les genoux de Lucilio, et lui parler en arabe avec effusion, en s'étonnant qu'il ne lui répondit pas un mot, bien qu'il eût l'air d'entendre cette langue et qu'il l'entendit fort bien.

      Le marquis embrassa Lucilio en lui disant tout bas:

      —Eh! mon pauvre ami! pour un homme tourmenté par la main du bourreau jusque dans la moelle des os, vous êtes encore un vigoureux nageur! Dieu, qui sait que vous ne vivez que pour le bien, a voulu faire en vous des miracles. Or ça, allez vitement changer de tout, et vous, Adamas, faites sécher et réchauffer ce petit diable, qui n'a pas l'air plus effrayé que s'il sortait de son lit. Je souhaite que, tout à l'heure, après mon repas, vous me l'ameniez avec sa mère; faites-les donc aussi propres que vous pourrez.—Mais où donc est passé M. de Villareal?

      Ce prétendu Villareal était rentré dans le château, et, seul dans sa chambre, il priait le Dieu vindicatif auquel il croyait de ne point trop le punir de l'âpreté avec laquelle il avait désiré, sans cause, la mort du polit bohémien.

      Nous appelons ainsi l'enfant, pour faire comme les gens qui l'entouraient en cet instant; mais, lorsque, après le dîner, M. de Bois-Doré passa dans une ancienne salle de son castel, qu'Adamas décorait du titre pompeux de salle des audiences, et quelquefois de salle de justice; quand ce vieux ministre de l'intérieur du marquis lui présenta la Morisque et son enfant, le premier mot du marquis fut pour s'écrier, après un moment de silence imposant:

      —Plus je considère ce garçonnet, plus je m'assure qu'il n'est ni Égyptien, ni Morisque, mais bien plutôt Espagnol de bonne race, et peut-être même de sang français.

      Il ne fallait pas être bien sorcier pour faire cette découverte; néanmoins, elle fut écoutée avec grand respect par Adamas, qui, en sa qualité d'introducteur, restait présent à la conférence. M. d'Alvimar et Lucilio étaient invités par le marquis à former l'assistance.

      —Voyez, continua Bois-Doré naïvement satisfait de sa pénétration, en écartant la grosse chemise blanche de l'enfant: sa figure est brûlée du soleil, mais pas plus que celle de nos paysans en temps de moisson; son cou est blanc comme neige, et voilà des pieds et des mains si petits, que jamais serf ou vilain n'en eut de pareils. Allons, mon petit lutin, n'ayez point honte, et, puisque vous entendez le français, à ce que l'on dit, répondez-nous Comment vous nomme-t-on?

      —Mario, répondit l'enfant sans hésiter.

      —Mario? C'est là un nom italien!

      —Je ne sais pas, moi.

      —De quel pays êtes-vous?

      —Je suis Français, je crois.

      —Où êtes-vous né?

      —Je ne m'en souviens pas.

      —Je le crois bien, dit le marquis en riant; mais demandez-le à votre mère.

      Mario se tourna vers la Morisque et ouvrit la bouche pour lui parler.

      Il avait un air d'expression et de bonheur de se sentir accueilli paternellement par ce beau monsieur qui le tenait entre ses jambes, et dont il touchait timidement, du bout de ses petits doigts, les beaux habits de soie et le joli petit chien enrubané.

      Mais, dès qu'il eut rencontré les yeux de sa mère, il parut comprendre un avertissement de grande importance; car il quitta doucement M. de Bois-Doré, et, se rapprochant de la Morisque, il baissa les yeux sans rien dire.

      Le marquis lui adressa d'autres questions auxquelles il ne répondit pas davantage, quoique, par un doux et tendre regard, il semblât lui demander furtivement pardon de son impolitesse.

      —Je crois, mon ami Adamas, dit le marquis, que tu m'as un peu surfait ton histoire, en prétendant que ce garçonnet parlait couramment notre langue. Il est vrai qu'il la prononce assez bien et qu'il a dit plusieurs mots sans trop d'accent étranger; mais je crois qu'il n'en sait pas davantage. Puisque tu sais si bien l'espagnol (pour moi, j'avoue en savoir fort peu), fais-le donc s'expliquer.

      —Inutile, monsieur la marquis, dit Adamas sans se déconcerter, je vous jure que le petit drôle parle français comme un clerc: seulement, il est intimidé devant vous, voilà toute l'affaire.

      —Mais non! dit le marquis; c'est un petit lion qui n'a peur de rien. Il est sorti de l'eau aussi riant qu'il y est entré, et il voit bien que nous sommes de bonnes gens.

      Mario parut très-bien comprendre; car son œil aimable disait oui, tandis que l'œil intelligent et craintif de la Morisque, s'arrêtant sur d'Alvimar, semblait dire non, quant à celui-là.

      —Voyons, voyons, reprit le bon M. Sylvain en reprenant Mario dans ses jambes, je veux que nous soyons bons amis. J'aime les enfants, et celui-ci me plaît. N'est-ce pas, maître Jovelin, que voilà une figure qui n'est pas faite pour tromper, et un regard d'enfant qui va droit au cœur? Il y a du mystère là-dessous, et je veux le savoir. Écoute, maître Mario, si tu me réponds la vérité, je te donnerai... Que veux-tu que je te donne?

      L'enfant, obéissant à l'impétuosité naïve de son âge, s'élança sur Fleurial, le beau petit chien blanc qui, lorsque son maître était assis, ne quittait pas son giron.

      Il semblait que Mario était résolu à tout pour l'avoir; mais un nouveau regard de Mercédès l'avertit de se contenir, et il remit le petit chien sur les genoux du marquis, à la grande satisfaction de celui-ci, qui avait craint de s'être trop avancé.

      L'enfant secoua la tête d'un air triste et fit signe qu'il ne voulait rien.

      Jusque-là, d'Alvimar n'avait rien dit; tout en faisant sa prière après la scène du fossé, il avait repassé dans la mémoire, rapidement, mais avec certitude, toutes les circonstances de sa vie. Rien ne s'y était formulé qui pût avoir rapport, même indirectement, avec une femme et un enfant dans la situation où ceux-ci se trouvaient.

      L'émotion qu'il avait ressentie était donc une pure hallucination; il s'était repenti de ne l'avoir pas surmontée tout de suite; il avait repris possession de sa raison.

      Pendant le dîner, le marquis ne lui avait point parlé du récit d'Adamas sur le СКАЧАТЬ