Les beaux messieurs de Bois-Doré. George Sand
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Название: Les beaux messieurs de Bois-Doré

Автор: George Sand

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

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isbn: 4064066084059

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СКАЧАТЬ arbres poussent avec vigueur. Trop serrés pour être imposants, ils étendent sur l'eau une voûte de feuillage.

      Autour du hameau, le sol est fertile. De magnifiques noyers et une quantité d'arbres fruitiers de haute taille en font un nid de verdure.

      La majeure partie des terres appartenait à M. de Bois-Doré. Il affermait les bonnes; les mauvaises étaient son pays de chasse.

      M. d'Alvimar, après avoir exploré cette petite contrée, qui, par son isolement et l'absence de communications, lui faisait espérer aussi l'absence de rencontres inquiétantes, rentra dans le hameau et se demanda s'il irait rendre visite au recteur.

      Il était échappé à M. de Beuvre de dire devant lui à Bois-Doré:

      —Et votre nouveau paroissial? fait-il toujours des sermons dans le goût de la Ligue?

      Ce mot avait donné l'éveil à l'Espagnol.

      —Si cet ecclésiastique est zélé pour la bonne cause, pensait-il, il peut m'être utile de l'avoir pour ami; car ce de Beuvre est un huguenot, et le Bois-Doré, avec sa tolérance, ne vaut pas mieux. Qui sait si je pourrai vivre en bonne intelligence avec de pareilles gens?

      Il commença par visiter l'église, et il fut scandalisé de son délabrement et de sa nudité, qui attestaient l'incurie de l'ancien desservant, l'indifférence du châtelain et la tiédeur des paroissiens.

      Bois-Doré, dont l'abjuration réelle ou prétendue n'avait fait aucun bruit, n'avait pas songé à signaler son retour à l'orthodoxie par des dons à l'église du village et des largesses au chapelain. Ses vassaux, qui haïssaient les huguenots, n'avaient pas salué son retour définitif, en 1610, par des réjouissances bien sincères; mais leurs suspicions avaient vite fait place à un grand attachement, vu qu'à la place d'un régisseur qui les pressurait, ils avaient trouvé un seigneur débonnaire et prodigue de bienfaits.

      On était donc médiocrement dévotieux au hameau de Briantes; et les paysans ayant contesté je ne sais quelle dîme à je ne sais quelle moinerie, l'archevêque leur avait envoyé un homme très-bien stylé, tant pour ramener ces mauvaises gens aux bons principes, que pour surveiller les opinions du châtelain.

      Le pieux Sciarra s'agenouilla dans l'église et murmura quelque formule de prière; mais il ne se sentit pas disposé à prier avec le cœur, et il sortit bientôt pour se rendre chez le recteur.

      Il n'eut pas la peine d'aller chez lui; car il le vit sur la place, causant avec Bellinde, et il eut le loisir de l'examiner.

      C'était un homme encore jeune, d'une figure bilieuse, doucereuse et dissimulée. Probablement, les préoccupations du monde temporel étaient aussi vives chez lui que chez d'Alvimar; car il n'eut pas plus tôt aperçu, sortant de l'église, cet élégant et grave étranger, qu'il ne songea plus qu'à se demander qui ce pouvait être.

      Il savait fort bien déjà qu'un hôte nouveau était arrivé la veille au manoir, car il n'avait guère d'autre occupation que de s'enquérir des faits concernant le marquis; mais comment un homme aussi pieux que l'indiquait cette matinale visite d'Alvimar à l'église pouvait-il frayer avec un converti aussi douteux que Bois-Doré?

      Tandis qu'il essayait de se renseigner à cet égard auprès de la gouvernante du château, il remarqua qu'il ne pouvait pas se détourner une seule fois sans rencontrer les yeux de cet étranger fixés sur les siens.

      Il fit donc quelques pas avec la Bellinde pour se mettre hors de sa vue, en homme qui ne voulait pas risquer un salut avant de savoir à qui il avait affaire.

      D'Alvimar, qui comprit ou devina sa préoccupation, resta à l'attendre dans le petit cimetière qui entourait l'église, résolu, d'après l'inspection de sa physionomie, à lui adresser la parole et à se lier avec lui.

      Il était là, songeant à sa destinée, problème dont il était constamment obsédé, et que la vue des tombes éparses semblait lui rendre plus irritant que de coutume.

      D'Alvimar croyait à l'Église, mais il ne croyait pas au vrai Dieu. L'Église était pour lui l'institution de discipline et de terreur par excellence, l'instrument de torture dont un Dieu implacable et farouche se servait pour établir son autorité. S'il y eût bien réfléchi, il se fût volontiers persuadé que le miséricordieux Jésus était entaché d'hérésie.

      L'idée de la mort lui était odieuse. Il craignait l'enfer, et, par un effet naturel des mauvaises croyances, il ne pouvait pas conformer sa vie à la rigidité de ses principes.

      Il n'avait de ferveur que pour la discussion; seul avec lui-même, il trouvait son cœur sec, son esprit tendu et troublé par l'ambition mondaine. Il se le reprochait en vain. La pensée de la damnation ne saurait être féconde, et les terreurs ne sont pas des remords.

      —Il faudra donc mourir! se disait-il en regardant les renflements du gazon qui couvrait, comme les sillons d'un champ, la tombe de ces obscurs villageois; mourir peut-être sans fortune et sans pouvoir, comme les misérables serfs qui n'ont pas même laissé un nom à inscrire sur ces petites croix de bois pourri! Ni crédit ni renommée en ce monde! Des colères, des déceptions, d'inutiles travaux, d'inutiles efforts... des crimes, peut-être!... tout cela pour arriver au seuil de l'éternité, sans avoir pu servir la gloire de l'Église en cette vie et sans avoir mérité mon pardon dans l'autre!

      Tout en pensant à la destinée, il en vint à se persuader que l'influence du diable avait gâté la sienne.

      Il songea un instant à se confesser à ce prêtre dont l'œil lui avait paru intelligent, et puis il eut peur de confier les secrets qui dévoraient sa vie et son repos.

      Au milieu de ces idées noires, il vit enfin arriver M. Poulain, qui vint à lui en le saluant avec déférence.

      La connaissance fut bientôt faite.

      Ces deux hommes sentirent, dès les premiers mots, qu'ils étaient aussi ambitieux l'un que l'autre.

      Le recteur emmena d'Alvimar chez lui et l'invita à déjeuner.

      —Je ne pourrai vous offrir, lui dit-il, qu'un repas bien pauvre; ma cuisine ne ressemble pas à celle du château. Je n'ai ni valets ni vassaux à mes ordres pour servir de pourvoyeurs à mes festins. La frugalité de ma table vous permettra donc de garder assez d'appétit pour faire honneur encore à celle du marquis, dont la cloche ne sonnera pas avant deux ou trois heures d'ici.

      Il y avait, dans ce début, un sentiment d'aigreur jalouse contre le château qui n'échappa pas à l'Espagnol. Il se hâta d'accepter le déjeuner du recteur, certain d'apprendre là tout ça qu'il devait espérer ou craindre de l'hospitalité du marquis.

       Table des matières

      M. Poulain commença par dire du bien du châtelain.

      C'était un très-bon homme; il avait de bonnes intentions; il donnait beaucoup aux pauvres, on ne pouvait le nier: malheureusement, il manquait de lumières, il distribuait ses aumônes à tort et à travers, sans consulter l'intermédiaire naturel entre le château et la chaumière, à savoir le recteur paroissial. Il était un peu fou, inoffensif par lui-même, dangereux par sa position, par sa richesse, par les exemples СКАЧАТЬ