Les beaux messieurs de Bois-Doré. George Sand
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Название: Les beaux messieurs de Bois-Doré

Автор: George Sand

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

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isbn: 4064066084059

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СКАЧАТЬ IV s'élargirent en casaque légère sur la poitrine des jeunes favoris de Louis XIII. Les braies en cerceau firent place à la culotte large et flottante, obéissant à toutes les inflexions du corps.

      Bois-Doré eut quelque peine à admettre ces innovations, et à se séparer de ses inflexibles fraises godronnées, pour se mettre un peu plus à l'aise dans les rotondes légères. Il regretta fort les passements; mais, peu à peu, les rubans et les dentelles le séduisirent, et, après un court voyage qu'il fit à Paris, on le vit revenir habillé à la mode des jeunes gens du bel air, et affecter leur désinvolture nonchalante et brisée, s'étendant sur les fauteuils, prenant des poses lasses, se relevant en trois temps quand il était assis; en un mot, faisant, avec sa haute taille et ses traits accentués, ce personnage de petit marquis fadasse, que, trente ans plus tard, Molière trouva complet dans son ridicule et mur pour la satire.

      Cette manière d'être aida Bois-Doré à cacher la pesanteur réelle de ses années sous un déguisement qui faisait de lui une sorte de fantôme comique.

      D'Alvimar le trouva même effrayant à première vue. Il ne comprenait rien à cette profusion de boucles d'ébène sur cette face ridée, à ces gros sourcils terribles sur des yeux si doux, à ce fard éclatant qui avait l'air d'un masque follement posé sur une figure respectable et bienveillante.

      Quant au costume, il était, par sa recherche, par la quantité de galons, de broderies, de rosettes et de panaches, on ne peut plus ridicule en plein jour, à la campagne, outre que les couleurs tendres et pâles, que notre marquis affectionnait, juraient davantage avec l'aspect léonin de sa moustache hérissée et de sa crinière d'emprunt.

      Mais l'accueil que lui fit le vieux gentilhomme détruisit agréablement, chez d'Alvimar, l'effet rébarbatif de cette mascarade.

      M. de Beuvre s'était levé pour présenter l'ami de Guillaume au marquis, et pour lui rappeler qu'il était chargé de lui pour plusieurs jours.

      —C'est un plaisir et un honneur que je réclamerais pour moi-même, dit M. de Beuvre, si j'étais dans ma propre maison; mais je ne dois pas oublier que je suis chez ma fille, et, d'ailleurs, cette maison est moins riche et moins ornée que la vôtre mon cher Sylvain, et nous ne voulons pas priver M. de Villareal des douceurs qui l'y attendent.

      —J'accepte l'hyperbole, répondit Bois-Doré, si elle peut éblouir M. de Villareal au point de le faire rester longtemps sous ma garde.

      Et, ouvrant ses deux grands bras couverts de manchettes jusqu'aux coudes, il embrassa le prétendu Villareal en lui disant avec un bon rire qui montrait ses grandes dents blanches:

      —Fussiez-vous le diable, monsieur, du moment que vous m'êtes confié, vous devenez pour moi comme un frère.

      Il se garda bien de dire «comme un fils.» Il eût craint de révéler le chiffre de ses années, chiffre qu'il croyait mystérieux, depuis qu'il l'avait oublié lui-même.

      Villareal d'Alvimar se fût bien passé de cette accolade, de la part d'un catholique de si fraîche date, d'autant plus que les parfums dont le marquis était imprégné lui ôtèrent le peu d'appétit qu'il avait, et qu'après l'avoir embrassé, il lui serra vigoureusement les mains entre ses doigts secs, armés de bagues énormes. Mais d'Alvimar devait songer avant tout à sa propre sûreté, et il sentit, à l'accent cordial et résolu de M. Sylvain, qu'il était réellement placé en des mains loyales et dévouées.

      Il prit donc son parti de reconnaître la double hospitalité dont il était l'objet, en se montrant sous son meilleur jour, et, lorsqu'il sortit de table, les deux vieux gentilshommes étaient enchantés de lui.

      Il eût pourtant bien souhaité de prendre quelque repos; mais le châtelain le provoqua aux échecs et ensuite au billard avec Bois-Doré, qui se fit battre.

      D'Alvimar aimait le jeu et n'était pas indifférent au gain de quelques écus d'or.

      Les heures s'écoulaient dans une intimité pour ainsi dire escomptée, puisque ces amusements n'amenèrent aucun entretien assez suivi pour mettre ces trois personnes à même de se connaître.

      Madame de Beuvre, qui s'était retirée après le repas, reparut vers quatre heures, au moment où elle vit faire dans le préau les préparatifs du départ de ses hôtes.

      Elle leur proposa de prendre l'air dans les jardins avant de se séparer.

       Table des matières

      On était alors à la fin d'octobre. Les jours, devenus courts, étaient encore doux et clairs, l'été de Saint-Martin s'étant prolongé jusque-là. Les arbres, tout à fait dépouillés, dessinaient leur belle silhouette sur le soleil rouge qui se couchait derrière les noires broussailles de l'horizon.

      On marchait sur un lit de feuilles sèches dans les allées de buis et d'ifs taillés qui donnaient aux jardins de ce temps-là une raideur propre et digne.

      Dans les fossés, de belles vieilles carpes suivaient les promeneurs, habituées à recevoir les miettes de pain que leur apportait Lauriane.

      Un petit loup apprivoisé la suivait aussi comme un chien, mais asservi et brutalisé par le grand épagneul favori de M. de Beuvre, animal jeune et folâtre, qui ne montrait aucune aversion pour ce compagnon suspect, et qui le roulait et le mordillait avec la brusquerie superbe d'un enfant de qualité daignant jouer avec un vilain.

      D'Alvimar, au moment d'offrir son bras à la belle Lauriane, s'arrêta en voyant M. de Bois-Doré s'approcher d'elle dans la même intention.

      Mais, à son tour, le courtois marquis recula.

      —C'est votre droit, lui dit-il: un hôte tel que vous doit primer tous les amis; mais sachez le prix du sacrifice que je vous fais.

      —J'en sens tout le prix, répondit d'Alvimar, au bras de qui Lauriane appuya légèrement sa petite main; et, de toutes les bontés que vous avez pour moi, j'estime celle-ci être la plus grande.

      —Je vois avec plaisir, reprit Bois-Doré en marchant à la gauche de madame de Beuvre, que vous entendez la galanterie française comme le feu roi, notre Henri, de douce mémoire.

      —J'espère l'entendre mieux, s'il vous plaît.

      —Oh! ce serait beaucoup promettre!

      —Nous autres Espagnols, nous l'entendons, du moins, autrement. Nous croyons que l'attachement fidèle à une seule femme est préférable à la galanterie envers toutes.

      —Oh! alors, mon cher comte... Vous êtes comte, n'est-ce pas, ou duc?... Pardon, mais vous êtes grand d'Espagne, je le sais, je le vois... Vous donnez dans la fidélité parfaite du roman? Rien de plus beau, mon cher hôte, rien de plus beau, sur ma parole!

      M. de Beuvre appela Bois-Doré à quelques pas de là pour lui montrer je ne sais quel arbre nouvellement planté, et d'Alvimar profita de cette interruption pour demander à Lauriane si M. de Bois-Doré avait voulu se moquer de lui.

      —Nullement, répondit-elle; il faut que vous sachiez que notre cher marquis fait sa nourriture favorite du roman de M. d'Urfé, et qu'il le sait quasi par cœur.

      —Comment СКАЧАТЬ