Teverino. George Sand
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Название: Teverino

Автор: George Sand

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066088002

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СКАЧАТЬ pour moi que vous ne le croyez pas.

      —Je puis vous en dire autant. Faut-il en conclure que si nous sommes seulement amis, c'est parce que nous n'avons pas grande opinion l'un de l'autre?

      «Elle est piquée, pensa Léonce, et voilà que nous sommes au moment de nous haïr ou de nous aimer.»

      —M'est avis, dit le curé en fermant son bréviaire, que nous voici bien assez loin, et que nous pourrions, s'il plaisait à Vos Seigneuries, mettre quelque chose sous la dent.

      —D'autant plus, dit Léonce, que voici à deux pas, au-dessus de nous, un plateau de rochers avec de l'ombre, et d'où l'on doit découvrir une vue admirable.

      —Quoi, là-haut? s'écria le curé qui était un peu chargé d'embonpoint; vous voulez grimper jusqu'à la Roche-Verte? Nous serions bien plus à l'aise dans ce bosquet de sapins, au bord de la route.

      —Mais nous n'aurions pas de vue! dit lady G... en passant son bras d'un air folâtre sous celui du vieux prêtre, et peut-on se passer de la vue des montagnes?

      —Fort bien quand on mange, répondit le curé, qui, pourtant, se laissa entraîner.

      Le jockey conduisit la voiture à l'ombre, dans le bosquet, et bientôt de nombreux serviteurs se présentèrent pour l'aider à chasser les mouches et à faire manger ses chevaux. C'étaient les petits pâtres, épars sur tous les points de la montagne, qui, en un clin d'oeil, se rassemblèrent autour de nos promeneurs, comme une volée d'oiseaux curieux et affamés. L'un prit les coussins du char-à-bancs pour faire asseoir les convives sur le rocher, l'autre se chargea du transport des pâtés de gibier, un troisième de celui des vins; chacun voulait porter ou casser quelque chose. Le déjeuner champêtre fut bientôt installé sur la Roche-Verte, et, en voyant qu'il était splendide et succulent, le curé s'essuya le front et laissa échapper un soupir de jubilation de sa poitrine haletante. On fit la part des petits pages déguenillés, celle des serviteurs aussi, car on avait de quoi satisfaire tout le monde. Léonce n'avait pas fait les choses à demi; on eût dit qu'il avait prévu à quel estomac de prêtre il aurait affaire. Sabina redevint très-enjouée, et avoua que, pour la première fois depuis longtemps, elle avait beaucoup d'appétit. Léonce ayant servi tout le monde, commençait à manger à son tour, lorsque les enfants, assis en groupe à quelque distance, se prirent à s'agiter, à bondir et à crier en faisant de grands mouvements avec leurs bras, comme pour appeler quelqu'un du fond du ravin: «La fille aux oiseaux! la fille aux oiseaux!»

       Table des matières

       Table des matières

      —Taisez-vous, sotte engeance, dit le curé: n'attirez point cette folle par ici; nous n'avons que faire de ses jongleries.

      Mais les enfants ne l'entendaient point et continuaient à appeler et à faire des gestes. Sabina, se penchant alors sur le bord du rocher, vit un spectacle fort extraordinaire. Une jeune montagnarde grimpait la pente escarpée qui conduisait à la Roche-Verte, et cette enfant marchait littéralement dans une nuée d'oiseaux qui voltigeaient autour d'elle, les uns béquetant sa chevelure, d'autres se posant sur ses épaules, d'autres, tout jeunes, sautillant et se traînant à ses pieds, dans le sable. Tous semblaient se disputer le plaisir de la toucher ou le profit de l'implorer, et remplissaient l'air de leurs cris de joie et d'impatience. Quand la jeune fille fut plus près et qu'on put la distinguer à travers son cortège tourbillonnant, Léonce et Sabina reconnurent la blonde aux joues vermeilles et aux cheveux d'or pâle qu'ils avaient vue dans l'église une heure auparavant.

      Alors le curé se pencha aussi vers le ravin, et, par ses gestes, lui prescrivit de s'éloigner.

      La grosse figure et l'habit noir du prêtre firent sur elle l'effet de la tête de Méduse. Elle s'arrêta immobile, et les oiseaux, effarouchés, s'envolèrent sur les arbres qui bordaient le sentier.

      Cependant les instances de lady G... et la vue de son verre rempli d'un excellent vin de Grèce qu'on venait d'entamer calmèrent l'ire du saint homme, et il consentit à crier à la fille aux oiseaux:

      —Allons, venez faire vos pasquinades devant Leurs Seigneuries, bohémienne que vous êtes!

      La jeune fille tenait dans sa main une poignée de grains qu'elle jeta derrière elle le plus loin qu'elle put, et si adroitement, qu'elle sembla seulement faire un geste impératif aux oisillons qui recommençaient à la poursuivre. Ils s'abattirent tous dans le fourré qu'elle feignait de leur désigner, et, occupés qu'ils étaient à chercher leurs petites graines, ils eurent l'air de se tenir tranquilles à son commandement. Les autres enfants n'étaient pas dupes de ce petit manège, mais Sabina eut tout le plaisir d'y être trompée.

      —Eh bien, la voilà donc, cette pécheresse endurcie, dit Léonce, en tendant la main à la montagnarde pour l'aider à atteindre le plateau, qui était fort escarpé de ce côté-là. Mais elle le gravit d'un bond pareil à celui d'un jeune chamois, et, portant les deux mains à son front, elle demanda la permission de travailler.

      —Faites voir, faites vite voir, fainéante, dit le curé, ce qu'il vous plaît d'appeler votre travail.

      Alors elle s'approcha des enfants et les pria de bien tenir leurs chiens et ne pas bouger; puis elle ôta un petit mantelet de laine qui couvrait ses épaules, et, grimpant sur une roche voisine encore plus élevée que la Roche-Verte, elle fit tournoyer en l'air cette étoffe rouge comme un drapeau au-dessus de sa tête. A l'instant même, de tous les buissons d'alentour, vint se précipiter sur elle une foule d'oiseaux de diverses espèces, moineaux, fauvettes, linottes, bouvreuils, merles, ramiers, et même quelques hirondelles à la queue fourchue et aux larges ailes noires. Elle joua quelques instants avec eux, les repoussant, faisant des gestes, et agitant son mantelet comme pour les effrayer, attrapant au vol quelques-uns, et les rejetant dans l'espace sans réussir à les dégoûter de leur amoureuse poursuite. Puis, quand elle eut bien montré à quel point elle était souveraine absolue et adorée de ce peuple libre, elle se couvrit la tête de son manteau, se coucha par terre, et feignit de s'endormir. Alors on vit tous ces volatiles se poser sur elle, se blottir à l'envi dans les plis de ses vêtements, et paraître magnétisés par son sommeil. Enfin, quand elle se releva, elle réitéra son stratagème, et les envoya, à l'aide d'une nouvelle pâture, s'abattre sur des bruyères, où ils disparurent et cessèrent leur babil.

      Il y eut quelque chose de si gracieux et de si poétique dans toute sa pantomime, et son pouvoir sur les habitants de l'air semblait si merveilleux, que cette petite scène causa un plaisir extrême aux voyageurs. La négresse n'hésita pas à croire qu'elle assistait à un enchantement, et le curé lui-même ne put s'empêcher de sourire à la gentillesse des élèves, pour se dispenser d'applaudir leur éducatrice.

      —Voilà vraiment une petite fée, dit Sabina en l'attirant auprès d'elle, et je vous déclare, Léonce, que je suis réconciliée avec ses cils d'ambre. Mignon lui avait fait tort dans mon imagination. Je l'aurais voulue brune et jouant de la guitare; mais j'accepte maintenant cette Mignon rustique et blonde, et j'aime autant sa scène de magie СКАЧАТЬ