—Oui! oui! s'écria Madeleine, dont les yeux s'enflammèrent comme si elle eût pu comprendre parfaitement l'argument de Léonce, je défie bien M. le curé d'apprivoiser seulement une poule dans sa cour, et moi j'apprivoise les aigles sur la montagne.
—Les aigles, toi? dit le curé piqué au vif de voir Sabina éclater de rire; je t'en défie bien! Les aigles ne s'apprivoisent point comme des alouettes. Voilà ce qu'on gagne à de niaises pratiques et à des prétentions bizarres. On devient menteuse, et c'est ce qui vous arrive, petite effrontée.
—Ah, pardon, monsieur le curé, dit un jeune chevrier qui s'était détaché du groupe des enfants, et qui écoutait la conversation des nobles convives. Depuis quelque temps, Madeleine apprivoise les aigles: je l'ai vu. Son esprit va toujours en augmentant, et bientôt elle apprivoisera les ours, j'en suis sûr.
—Non, non, jamais, répondit l'oiselière avec une sorte d'effroi et de dégoût peinte dans tous ses traits. Mon esprit ne s'accorde qu'avec ce qui vole dans l'air.
—Eh bien, que vous disais-je? s'écria Léonce frappé de cette parole. Elle sent, bien qu'elle ne puisse en rendre compte ni aux autres, ni à elle-même, que d'indéfinissables affinités donnent de l'attrait à certains êtres pour elle. Ces rapports intimes sont des merveilles à nos yeux, parce que nous ne pouvons en saisir la loi naturelle, et le monde des faits physiques est plein de ces miracles qui nous échappent. Soyez-en certain, monsieur le curé, le diable n'est pour rien dans ces particularités; c'est Dieu seul qui a le secret de toute énigme et qui préside à tout mystère.
—A la bonne heure, dit le curé assez satisfait de cette explication. A votre sens, il y aurait donc des rapports inconnus entre certaines organisations différentes? Peut-être que celle petite exhale une odeur d'oiseau perceptible seulement à l'odorat subtil de ces volatiles?
—Ce qu'il y a de certain, dit Sabina en riant, c'est qu'elle a un profil d'oiseau. Son petit nez recourbé, ses yeux vifs et saillants, ses paupières mobiles et pâles, joignez à cela sa légèreté, ses bras agiles comme des ailes, ses jambes fines et fermes comme des pattes d'oiseau, et vous verrez qu'elle ressemble à un aiglon.
—Comme il vous plaira, dit Madeleine, qui paraissait être douée d'une rapide intelligence et comprendre tout ce qui se disait sur son compte. Mais, outre le don de me faire aimer, j'ai aussi celui de faire comprendre; j'ai la science, et je défie les autres de découvrir ce que je sais. Qui de vous dira à quelle heure on peut se faire obéir et à quelle heure on ne le peut pas? quel cri peut être entendu de bien loin? en quels endroits il faut se mettre? quelles influences il faut écarter? quel temps est propice? Ah! monsieur le curé, si vous saviez persuader les gens comme je sais attirer les bêtes, votre église serait plus riche et vos saints mieux fêtés.
—Elle a de l'esprit, dit le curé bourru, qui était au fond un bourru bienfaisant et enjoué, surtout après boire; mais c'est un esprit diabolique, et il faudra, quelque jour, que je l'exorcise. En attendant, Madelon, fais venir tes aigles.
—Et où les prendrai-je à cette heure? répondit-elle avec malice. Savez-vous où ils sont, monsieur le curé? Si vous le savez, dites-le, j'irai vous les chercher.
—Vas-y, toi, puisque tu prétends le savoir.
—Ils sont où je ne puis aller maintenant. Je vois bien, monsieur le curé, que vous ne le savez pas. Mais si vous voulez venir ce soir avec moi, au coucher du soleil, et si vous n'avez pas peur, je vous ferai voir quelque chose qui vous étonnera.
Le curé haussa les épaules; mais l'ardente imagination de Sabina s'empara de cette fantaisie.—J'y veux aller, moi, s'écria-t-elle, je veux avoir peur, je veux être étonnée, je veux croire au diable et le voir, si faire se peut!
—Tout doux! lui dit Léonce à l'oreille, vous n'avez pas encore ma permission, chère malade.
—Je vous la demande, je vous l'arrache, docteur aimable.
—Eh bien, nous verrons cela; j'interrogerai la magicienne, et je déciderai comme il me conviendra.
—Je compte donc sur votre désir, sur votre promesse de m'amuser. En attendant, n'allons-nous pas retourner à la villa pour voir comment mylord G... aura dormi?
—Si vous avez des volontés arrêtées, je vous donne ma démission.
Конец ознакомительного фрагмента.
Текст предоставлен ООО «ЛитРес».
Прочитайте эту книгу целиком, купив полную легальную версию на ЛитРес.
Безопасно оплатить книгу можно банковской картой Visa, MasterCard, Maestro, со счета мобильного телефона, с платежного терминала, в салоне МТС или Связной, через PayPal, WebMoney, Яндекс.Деньги, QIWI Кошелек, бонусными картами или другим удобным Вам способом.