Mémoires Posthumes de Braz Cubas. Machado de Assis
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Название: Mémoires Posthumes de Braz Cubas

Автор: Machado de Assis

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066076849

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СКАЧАТЬ et ainsi je le vis passer comme tous passeront après lui, avec la même égalité et la même monotonie. Je redoublai d'attention, j'allais enfin voir le dernier,—le dernier! Mais à ce moment, la vélocité était telle qu'elle ne donnait plus prise à la compréhension; auprès d'elle, la durée de l'éclair était un siècle. Les objets commencèrent à se confondre; les uns grandirent, les autres s'amoindrirent, d'autres se perdirent dans l'ambiance. Une brume s'étendit autour de moi et couvrit tout, moins l'hippopotame qui m'avait amené, et qui lui-même commença à diminuer, à diminuer, et fut réduit aux dimensions d'un modeste chat. Et c'était bien un chat, en vérité. En regardant attentivement, je reconnus Sultan qui jouait à la porte de ma chambre avec une boule de papier.

      VIII. RAISON CONTRE FOLIE

      Vous avez déjà compris, lecteur, que la Raison réintégrait sa demeure, et qu'elle invitait le Délire à en sortir, en répétant à meilleur droit les paroles de Tartufe:

      La maison est à moi, c'est à vous d'en sortir.

      Mais ce n'est pas d'hier que la Folie aime à habiter la maison d'autrui, de telle sorte qu'il est fort difficile de la faire déloger lorsqu'une fois elle a élu domicile quelque part. C'est un tic: elle n'en démord pas; il y a beau temps qu'elle a toute honte bue. Et si nous comptons le nombre des habitations dont elle s'empare d'une fois, ou pour y passer une saison, nous conclurons que cette aimable voyageuse doit être la terreur des propriétaires. Dans mon cas, il y eut presque une émeute à la porte de mon cerveau, car l'intruse ne voulait pas sortir, et la propriétaire réclamait à cor et à cris ce qui lui appartenait. La Folie capitula, ne demandant qu'une toute petite place au grenier, pour y fixer sa résidence.

      Mais la Raison répliqua:

      —Non, madame, je suis lasse de vous souffrir dans mon grenier, et je suis payée pour vous connaître. Ce que vous voulez c'est prendre pied pour envahir progressivement la salle à manger, le salon et le reste de la maison.

      —Laissez-moi au moins quelques minutes de répit; je suis sur la piste d'un mystère.

      —Quel mystère?

      —De deux, même, corrigea la Folie: celui de la vie et de la mort. Je ne vous demande que dix minutes.

      La Raison se prit à rire.

      —Tu seras toujours la même, toujours la même, toujours la même.

      Et ce disant, elle la prit par les poignets et la flanqua dehors. Puis elle rentra, et ferma la porte derrière elle. La Folie proféra encore quelques reproches; mais enfin, perdant toute espérance, elle tira la langue en faisant la grimace, et suivit son chemin...

      IX. TRANSITION

      Et savourez l'habileté, l'art avec lequel je fais la plus importante transition de ce livre. Voyez plutôt: mon délire commence en présence de Virgilia; Virgilia fut mon grand péché de jeunesse; il n'y a pas de jeunesse qui ne soit précédée de l'enfance; l'enfance suppose la naissance; et voilà comment, sans efforts, nous arrivons au 20 octobre 1805, qui est le jour où je naquis. Avez-vous bien remarqué: aucune suture apparente, rien qui distraie la sereine attention du lecteur, rien; de telle sorte que ce livre conserve ainsi tous les avantages de la méthode, sans la rigidité de la méthode. En vérité il était temps. La méthode est indispensable; mais je la préfère en déshabillé, sans atours ni colifichets, se moquant des opinions du voisin et de celles du commissaire de police de quartier. C'est comme l'éloquence: il en est une naturelle et vibrante, d'un art sincère et ensorceleur; et une autre empesée et vide.

      Revenons au 20 octobre.

      X. CE JOUR-LÀ

      Ce jour-là, une fleur gracieuse poussa sur l'arbre des Cubas: je naquis. Paschoela, insigne sage-femme venue du Minho, et qui se vantait d'avoir ouvert les portes de la vie à une génération entière de gentilshommes, me reçut dans ses bras. Il est possible que mon père l'ait entendue faire son habituelle déclaration; je veux croire pourtant que ce fut le sentiment paternel qui induisit l'auteur de mes jours à la gratifier de deux demi-doublons. On me lava, on m'emmaillota, et je devins aussitôt le héros de la maison. Chacun pronostiquait à mon égard ce qui lui plaisait davantage. Mon oncle Jean, ancien officier d'infanterie, trouvait que j'avais le regard de Bonaparte, ce qui déplut à mon père. Mon oncle Ildefonso, alors simple prêtre, devinait en moi un futur chanoine.

      —Il sera au moins chanoine; je ne dis pas plus, pour ne point paraître orgueilleux. Mais je ne serais pas surpris si Dieu le destinait à l'épiscopat. Et pourquoi, après tout, ne serait-il pas évêque! la chose n'est pas impossible. Qu'en dites-vous, Bento, mon frérot?

      Mon père répondait à tous que je serais ce qu'il plairait au ciel. Et il me soulevait en l'air comme s'il eût eu l'intention de me montrer à la ville et à l'univers. Il demandait à tout le monde si je lui ressemblais, si j'étais joli, si je paraissais intelligent.

      Je raconte ces choses en gros, et telles que l'on me les a narrées plus tard. J'ignore naturellement la plupart des faits de ce jour mémorable. Je sais que les voisins vinrent en personne ou envoyèrent leurs souhaits au nouveau-né, et que pendant les premières semaines, ce fut un défilé de visites à la maison. Toutes les chaises étaient prises, et jusqu'au moindre tabouret. On tailla force layettes. Si je n'énumère point les cadeaux, les baisers, les exclamations et les bénédictions, c'est que je n'en finirais plus avec ce chapitre, et qu'il faut pourtant bien qu'il ait une fin.

      Je ne parlerai pas non plus de mon baptême. Tout ce qu'on m'en a dit, c'est que ce fut une des plus brillantes fêtes de l'année suivante, 1806. La cérémonie eut lieu dans l'église de São Domingos, un mardi de mars, par une belle journée, lumineuse et pure; mon parrain et ma marraine furent le colonel Rodrigues de Mattos et sa femme. Tous deux descendaient de vieilles familles du Nord et honoraient le sang qui coulait dans leurs veines, et que leurs aïeux avaient répandu dans les guerres contre la Hollande. Je crois bien que leurs noms à tous deux furent au nombre des premiers mots que je balbutiai. Et je devais le faire avec grâce, et en révélant quelque talent précoce, car sitôt que quelqu'un se présentait, il me fallait réciter ma leçon.

      —Bébé, tu vas dire à ces messieurs comment s'appelle ton parrain.

      —Mon parrain? c'est S. Exc. le colonel Paulo Vaz Lobo Cezar de Andrade e Souza Rodrigues de Mattos; ma marraine c'est S. Exc. Dona Maria Luiza de Macedo Rezende e Souza Rodrigues de Mattos.

      —Il est extraordinaire, ce petit, s'écriaient les assistants.

      Mon père était du même avis, et ses yeux brillaient d'orgueil; il passait la main sur mon front, me regardait longtemps avec tendresse satisfait de lui-même.

      Je ne sais pas trop non plus quand je fis mes premiers pas; mais ils furent prématurés: peut-être pour presser la nature, m'obligea-t-on de bonne heure à m'accrocher aux chaises, ou me tenait-on par ma robe, ou me donna-t-on un cerceau. «Allons! tout seul!»... me disait ma bonne. Et moi, attiré par le hochet de fer-blanc que ma mère agitait devant moi, j'allais de l'avant, tombant par-ci, tombant par-là; et je marchais, probablement mal; mais enfin je marchais, et j'ai continué par la suite.

      XI. L'ENFANT EST LE PÈRE DE L'HOMME

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