Jane Austen: Oeuvres Majeures. Джейн Остин
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Название: Jane Austen: Oeuvres Majeures

Автор: Джейн Остин

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 9788027302383

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СКАЧАТЬ et plus réservé. Peut-être à cette époque ai-je quelque obligation à l’amour que je croyais avoir pour Lucy, et au goût de l’étude que j’avais pris chez son oncle. Ma mère ne faisant rien pour me rendre la maison agréable, abandonné à moi-même, ne trouvant dans mon frère ni un compagnon, ni un ami, j’aurais pu facilement chercher des distractions dangereuses. Mais la seule que je me permettais était de fréquens voyages à Longstaple, que je regardais comme ma demeure, et ceux qui l’habitaient, comme ma famille ; où j’étais toujours bien venu ; où Lucy me paraissait toujours plus tendre et plus aimable ! c’était encore la seule femme que j’eusse vue ; je ne pouvais donc faire aucune comparaison, ni m’apercevoir d’aucun de ses défauts. Auprès de sa sœur Anna et de sa tante Pratt, je la trouvais un miracle d’esprit et de beauté, et chaque fois que je la voyais, je confirmais mes engagemens de l’épouser. Ainsi s’écoula toute une année. Quand j’eus dix-neuf ans, on crut convenable de me faire passer un ou deux ans à l’université d’Oxford. Mon frère était alors à Westminster. Ce fut pendant ce temps-là que notre sœur Fanny, avec qui je m’étais cependant assez lié pendant les dernières années, épousa votre frère, M. John Dashwood. Je ne fus pas à leur noce ; mais lorsqu’à vingt-un ans je quittai Oxford, mon premier soin fut d’aller la voir à Norland, dont ils venaient d’hériter… Ah ! chère Elinor, c’est là où je devais apprendre à connaître un sentiment bien différent de celui que je croyais avoir pour Lucy, et qui s’était déjà fort affaibli par l’absence ; c’est-là que voyant continuellement la plus aimable des femmes, je sentis que ce que j’avais pris jusqu’alors pour de l’amour, n’était qu’une effervescence de jeunesse, et que j’avais trouvé l’objet qui doit m’attacher pour la vie. Chacune des perfections d’Elinor me découvrait un défaut dans Lucy, dans celle avec qui j’étais engagé, et qui devait être ma compagne. Avant de venir à Norland ; j’avais fait une course à Longstaple. Déjà, comme si c’eût été un pressentiment, Lucy m’avait paru moins aimable. Elle écrit mal ; son style est commun, dépourvu d’idées ; son orthographe est mauvaise, et notre correspondance soutenue pendant que j’étais à Oxford avait plutôt affaibli qu’augmenté mon amour. Mais en la retrouvant plus tendre, plus empressée qu’elle ne l’avait encore été, je crus avoir un tort envers elle, et je voulus le réparer par un engagement positif de l’épouser lorsque je le pourrais.

      Pouvais-je, chère Elinor, dans ces circonstances, vous offrir un cœur qui ne tarda pas à vous appartenir en entier ? J’aurais dû vous fuir sans doute ; mais l’entraînement était trop fort, trop puissant. Je connaissais trop mon peu de moyens de plaire, pour imaginer qu’il y eût quelque danger pour vous, et me condamnant au silence, je crus qu’il m’était permis de jouir dans votre société des derniers momens de bonheur de ma vie. Vous partîtes pour Barton, et le vide affreux, le désespoir que j’éprouvai loin de vous, me suggéra une démarche qui devait me rendre ma liberté ; c’était de parler à Lucy avec franchise de l’état actuel de mon cœur. Je cédai à cette idée après quelques combats, et préférant lui parler moi-même, que de lui faire savoir par une lettre qu’elle aurait pu feindre de n’avoir pas reçue, j’allai à Longstaple où elle était alors, et j’eus avec elle un entretien où rien ne lui fut caché. Elle dut voir combien je vous adorais sans vous l’avoir jamais dit ; elle dut voir combien je serais malheureux, séparé de vous, uni à une autre femme ! Alors elle mit tout en jeu ; larmes, évanouissement, tendresse, reproches, prières, menaces, rien ne fut négligé. Elle parla à ma conscience. Enfin le résultat de cette visite, d’où j’avais espéré mon bonheur, fut de renouveler mes engagemens avec elle, et de la quitter le plus infortuné des hommes. En partant elle me mit au doigt un anneau de ses cheveux, et me fit jurer de le porter. Vous daignerez peut-être vous rappeler, mon Elinor, l’état où j’étais lorsque je vins à la chaumière. Nos relations de famille ne me permettaient pas de passer si près de vous sans vous voir, et je désirais vous faire tacitement un dernier adieu. Je ne voulais rester qu’un jour, et j’y fus une semaine ; ce fut pour y éprouver encore l’ascendant d’un sentiment vrai et profond. À côté de vous je ne pouvais penser qu’à vous-même, et j’étais heureux. Il fallut m’arracher à cet enchantement, il fallut vous quitter… Vous savez le reste, comme Anna trahit notre secret, et comme ma mère en voulant m’obliger à épouser mademoiselle Morton, me força à déclarer moi-même mes anciens engagemens avec Lucy. Je savais par elle qu’ils étaient connus de vous. Elle m’avait assuré que vous y preniez intérêt, que vous les regardiez comme sacrés. Ah ! cela seul m’aurait engagé à les tenir ; mon seul dédommagement était de mériter votre estime. Qu’aurais-je d’ailleurs gagné à les rompre, puisque j’étais sûr qu’alors je n’aurais plus rien été pour vous ? Je me résignai donc à mon sort, et je fis le sacrifice de ma famille, de ma fortune et de toutes mes espérances de bonheur sur cette terre, à une personne que je n’aimais plus ; et qui par ses procédés avec vous m’avait dévoilé son caractère.

      Voilà mon histoire ; celle de mon frère et de Lucy m’est moins connue. Je ne puis en juger que d’après leur caractère et les lettres qu’ils m’ont écrites, et que je vous montrerai. De tout temps Robert a affecté un grand mépris pour moi et pour ma tournure. La pensée que j’avais pu plaire à une jolie femme, a dû naturellement exciter sa vanité et lui donner l’idée de l’emporter sur moi, et de me souffler cette conquête. Quand Lucy alla demeurer chez ma sœur, je la blâmai de l’avoir accepté, et j’eus soin de m’y trouver très-peu ; Robert au contraire y était sans cesse. Il ignorait notre liaison ; mais certainement Lucy lui plaisait, parce qu’elle encensait sa vanité en le flattant avec excès. Sans doute aussi son élégance et son jargon plaisaient davantage à Lucy que ma timide simplicité. La grande découverte arriva. Je fus déshérité ; ma mère donna tout de suite à Robert ce qu’elle me destinait, et dès-lors il plut encore davantage à une femme vaine, intéressée, et qui de ce moment forma le projet de chercher à se l’attacher, mais en me ménageant encore dans le cas où elle n’y pourrait réussir. Mon absence lui donnait la facilité de suivre à merveille ce double plan. Je lui avais déclaré que notre mariage n’aurait lieu que lorsque je serais consacré et que j’aurais un presbytère. La générosité du colonel Brandon leva cet obstacle. Vous fûtes chargée de me l’apprendre, et vous dûtes voir que j’en fus plus peiné que satisfait ; mais je n’avais pas encore les ordres, et je partis pour Oxford. Lucy m’écrivait, et ses lettres n’étaient ni moins tendres, ni moins fréquentes qu’à l’ordinaire. Je n’avais donc pas le moindre soupçon du bonheur qui m’attendait et de ma délivrance, lorsque tout à coup je reçus celles-ci, dit-il, en les sortant de son porte feuille et en les présentant à Elinor qui les ouvrit et lut ce qui suit :

      Mon cher Edward,

      « Ayant su par vous-même que je n’étais plus depuis long-temps le premier objet de vos affections, j’ai cru qu’il m’était permis de donner, les miennes à un autre qui en sent mieux le prix que vous et veut bien m’assurer qu’aucune femme ne lui plaît autant que moi. De mon côté je suis convaincue que lui seul peut me rendre heureuse. Ainsi, en épousant le cadet au lieu de l’aîné, j’assure le bonheur de trois personnes, le vôtre, le mien, et celui de mon cher Robert à qui je viens de jurer à l’autel amour et fidélité. Il ne tiendra pas à moi que nous ne soyons également bons amis sous notre nouvelle relation. Si, comme il est possible, notre mariage vous raccommode avec ma belle-mère, je suis sûre au moins que vous vous intéresserez à obtenir notre pardon, dont, au reste, je ne suis plus inquiète. Robert m’assure qu’elle ne lui a jamais rien refusé, qu’elle ne peut se passer de le voir. J’ai donc bien plus de chance de la voir aussi et de lui plaire, que je n’en aurais eu avec vous. D’ailleurs mon mari a déjà une jolie fortune assurée, et nous pouvons mieux nous passer de l’héritage de madame Ferrars. Nous partons à l’instant pour Dauhsh en Devonshire, où nous passerons quelques semaines. J’ai brûlé toutes vos lettres, et je vous prie d’en faire autant des miennes. Mais je pense que mon beau-frère voudra bien me laisser son portrait, de même que je le prie de garder l’anneau de mes cheveux, en souvenir de son ancienne amie, et actuellement de sa belle-sœur.

      Lucy СКАЧАТЬ