Название: L’utopie Pragmatique
Автор: Domenico Villano
Издательство: Tektime S.r.l.s.
Жанр: Зарубежная образовательная литература
isbn: 9788873046516
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La campagne, lâodeur de la terre et ses bruits lui manquait ; ici, il nây avait que lâasphalte et la brique, comme une immense forêt de béton. Mais le pire était tous ces écrans lumineux, les télés, les ordinateurs, les téléphones portables, le cinéma. Tout le monde passait son temps devant ces appareils, pour le travail ou pour se divertir et il nây avait plus personne avec qui parler. Tout compte fait, câest vrai que ce monde moderne avait de nombreux avantages, car on y vivait incroyablement bien et longtemps. Câétait facile de fonder une famille et dâélever ses enfants, sans devoir sâépuiser à la tâche, risquer de mourir dâun refroidissement ou tomber dans une embuscade tendue par des canailles meurtrières. Mais quelque chose avait dérapé dans ce monde où les machines fabriquaient du bonheur, car la plupart des gens vivaient dans la tristesse et dans la solitude. Il y avait seulement une poignée dâhommes qui possédaient des richesses inimaginables, sans même lever le petit doigt, tandis que la majorité devait se battre pour sâen sortir. Tout ce bien-être visible nâétait rien face à la richesse des puissants, peut-être parce que dans son monde à lui, il nây avait pas non plus tellement de différences avec la modernité. On disait quâil fallait continuer à travailler tous les jours du matin au soir. Et pourquoi ? Pour produire et acheter plus de caoutchouc plastique ? Ce système, Procolo ne le comprenait vraiment pas!
Il se réveilla brusquement. Sa femme Nunzia, cachée derrière le lit de paille, était en proie à la panique : la mule avait défoncé la porte de bois et sâétait enfuie. Il sentit dâabord des démangeaisons à la tête, puis la chaleur de la laine de sa veste crasseuse et les odeurs de la terre, et enfin, lâagitation des ruelles animées de son village. Il était finalement de retour chez lui, dans sa maison, après toutes ces aventures! Il avait désormais lâenvie de conquérir lâavenir, mais sans commettre les erreurs de ses arrière-petits-enfants. Lâavenir, ils allaient sâen emparer tous ensemble : Procolo et ses concitoyens, en harmonie avec la Nature et lâAu-delà .
Le lecteur va sans doute penser sâêtre trompé de livre, en lisant ces premières pages. Il sâattendait à ce que le livre lui parle de communautés et dâécovillages, de développement durable et de vie conviviale, mais le voilà plongé dans les rêves dâun paysan méridional du dix-neuvième siècle. Et bien, je voudrais dire au lecteur que les expériences communautaires, quâil découvrira dans les prochaines pages, fournissent des réponses aux questions du vieux Procolo: comment redonner la chaleur de la vie en communauté à la modernité? Comment concilier la rationalité du progrès avec nos aspirations spirituelles, la force de la technique avec lâharmonie de la nature, le bien-être avec lâégalité sociale? Les communautés apportent des réponses utopiques, qui sont les avant-gardes de la pensée et qui se font pratiques, en se heurtant aux difficultés de la réalité.
Bonne Lecture !
Introduction
Utopie et Communauté
En 1516, lâhumaniste londonien, Thomas More, publia son célèbre ouvrage, LâUtopie. Ce terme, quâil a inventé, renferme une ambiguïté fondamentale qui est voulue par son créateur. En effet, le terme utopie, dâorigine grecque, pourrait indiquer un «non-lieu», un lieu qui nâest pas, dans le cas où il serait créé par lâunion du préfixe ou (non) et du mot topos (lieu). Il pourrait également signifier un lieu favorable, sâil procède de lâunion de topos avec le préfixe eu (bien). L'oeuvre de More parle justement dâune cité idéale et parfaite, mais, en même temps, irréalisable. Bien que le terme utopia ait, jusquâà nos jours, conservé ce sens, à savoir le rêve irréalisable dâune société parfaite, il faut admettre que lâhistoire de lâOccident, et pas seulement, est constellée dâexemples de groupes de personnes qui ont tenté de fonder des communautés, en ayant des objectifs spécifiques et programmatiques. Il suffit de songer aux monastères médiévaux, aux communautés anabaptistes des Hussites, à lâécole pythagoricienne et aux collectivités américaines des années 70. La différence fondamentale entre ces expériences et nâimporte quelle autre expérience rurale ou nomade, à chaque époque et sur chaque continent, réside dans lâintentionnalité. Selon la définition de Zablocki, une communauté intentionnelle est:
Tout groupe de cinq individus adultes, voire plus, avec ou sans enfants, sans lien de sang ni rapport conjugal, ayant choisi de vivre ensemble, pour une durée indéterminée, afin dâatteindre un objectif idéologique, fondé sur la vie communautaire, où la cohabitation est jugée nécessaire.
Cette réalité a tendance à apparaître et à sâépanouir cycliquement aux époques de crise systémiques et de récession économique, mais aussi durant les périodes de profonde transformation culturelle, où lâon assiste au déclin des modèles établis et à lâaffirmation de nouveaux systèmes de pensée. Le rapport entre communauté et société est un des thèmes fondateurs de la sociologie. Cette discipline scientifique est sans doute née pour donner une réponse précise aux questions que la modernité posait au XIXème siècle : la transformation brutale du mode de vie de millions de personnes issues des campagnes, venues grossir les villes industrielles naissantes. En fait, à ce moment-là , on observe une désagrégation des réalités communautaires millénaires, définies par les premiers sociologues allemands comme Gemeinschaft, et, en même temps, la formation dâune société urbaine, dynamique et complexe, constituée dâindividus, câest-à -dire la Gesellschaft. Les premières générations de sociologues, de Durkheim à Tönnies, élaborèrent des systèmes théoriques pour tenter dâexpliquer ces transformations et dâanalyser ces configurations СКАЧАТЬ