Le fauteuil hanté. Гастон Леру
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Название: Le fauteuil hanté

Автор: Гастон Леру

Издательство: Public Domain

Жанр: Классические детективы

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СКАЧАТЬ à propos de la formidable coïncidence de ces deux morts si exceptionnellement académiques, avait cru devoir rapporter tout au long la légende qui s'était formée autour du fauteuil de Mgr d'Abbeville. Dans certains milieux parisiens, où l'on s'occupait beaucoup de choses qui se passaient au bout du pont des Arts, on était persuadé que ce fauteuil était désormais hanté par l'esprit de vengeance du sâr Eliphas de Saint-Elme de Taillebourg de La Nox! Et comme, après son échec, cet Eliphas avait disparu, L'Époque ne pouvait s'empêcher de regretter qu'il eût, avant précisément de disparaître, prononcé des paroles de menaces suivies bien fâcheusement d'aussi regrettables décès subits. En sortant pour la dernière fois du club des «Pneumatiques» (ainsi appelé de pneuma, âme), qu'il avait fondé dans le salon de la belle Mme de Bithynie, Eliphas avait dit textuellement en parlant du fauteuil de l'éminent prélat: «Malheur à ceux qui auront voulu asseoir avant moi!» En fin de compte, L'Époque ne paraissait pas rassurée du tout. Elle disait, à l'occasion des lettres reçues par les deux défunts immédiatement avant leur mort, que l'Académie avait peut-être affaire à un fumiste, mais aussi qu'elle pouvait avoir affaire à un fou.

      Le journal voulait que l'on retrouvât Eliphas, et c'est tout juste s'il ne réclamait pas l'autopsie des corps de Jehan Mortimar et de M. d'Aulnay.

      L'article n'était pas signé, mais M. Hippolyte Patard en voua aux gémonies l'auteur anonyme après l'avoir traité, carrément, d'idiot, puis ayant poussé le tambour d'une porte, il traversa une première salle tout encombrée de colonnes, pilastres et bustes, monuments de sculpture funéraire à la mémoire des académiciens défunts qu'il salua au passage, puis, une seconde salle, puis arriva en une troisième toute garnie de tables recouvertes de tapis d'un vert uniforme et entourées de fauteuils symétriquement rangés. Au fond, sur un vaste panneau, se détachait la figure en pied du cardinal Armand Jean du Plessis, duc de Richelieu.

      M. le secrétaire perpétuel venait d'entrer dans la salle du Dictionnaire.

      Elle était encore déserte.

      Il referma la portière derrière lui, s'en fut à sa place habituelle, y déposa son courrier rangea précieusement dans un coin qu'il lui était facile de surveiller son parapluie sans lequel il ne sortait jamais, et dont il prenait un soin jaloux, comme d'un objet sacré.

      Puis, il retira son chapeau, qu'il remplaça par une petite toque en velours noir brodé, et, à petits pas feutrés, il commença le tour des tables qui formaient entre elles comme de petits box, dans lesquels étaient les fauteuils. Il y en avait de célèbres.

      Quand il passait auprès de ceux-là, M. le secrétaire perpétuel y attardait son regard attristé, hochait la tête et murmurait des noms illustres. Ainsi, arriva-t-il devant le portrait du cardinal de Richelieu. Il souleva sa toque.

      –Bonjour, grand homme! fit-il.

      Et il s'arrêta, tourna le dos au grand homme, et contempla, juste en face de lui, un fauteuil.

      C'était un fauteuil comme tous les fauteuils qui étaient là, avec ses quatre pattes et son dossier carré, ni plus ni moins, mais c'était dans ce fauteuil qu'avait coutume d'assister aux séances Mgr d'Abbeville, et nul depuis la mort du prélat ne s'y était assis.

      Pas même ce pauvre Jehan Mortimar pas même ce pauvre Maxime d'Aulnay, qui n'avaient jamais eu l'occasion de franchir le seuil de la salle des séances privées, la salle du Dictionnaire, comme on dit. Or, au royaume des Immortels, il y a vraiment que cette salle-là qui compte, car c'est là que sont les quarante fauteuils, sièges de l'Immortalité.

      Donc, M. le secrétaire perpétuel contemplait le fauteuil de Mgr d'Abbeville.

      Il dit tout haut:—Le Fauteuil hanté!

      Et il haussa les épaules.

      Puis il prononça la phrase fatale, en manière de dérision:

      –Malheur à ceux qui auront voulu s'asseoir avant moi.

      Tout à coup, il s'avança vers le fauteuil jusqu'à le toucher.

      –Eh bien moi, s'écria-t-il en se frappant la poitrine, moi, Hippolyte Patard, qui me moque du mauvais sort et de M. Eliphas de Saint-Elme de Taillebourg de La Nox, moi, je vais m'asseoir sur toi, fauteuil hanté!

      Et, se retournant, il se disposa à s'asseoir…

      Mais à moitié courbé, il s'arrêta dans son geste, se redressa, et dit:

      –Et puis non, je ne m'assoirai pas! C'est trop bête!… On ne doit pas attacher d'importance à des bêtises pareilles.

      Et M. le secrétaire perpétuel regagna sa place après avoir touché, en passant, d'un doigt furtif le manche en bois de son parapluie.

      Sur quoi la porte s'ouvrit et M. le chancelier entra, traînant derrière lui M. le directeur M. le chancelier était un quelconque chancelier comme on en élit un tous les trois mois, mais le directeur de l'Académie de ce trimestre-là était le grand Loustalot, l'un des premiers savants du monde. Il se laissait diriger par le bras comme un aveugle. Ce n'était point qu'il n'y vît pas clair, mais il avait de si illustres distractions, qu'on avait pris le parti, à l'Académie, de ne point le lâcher d'un pas. Il habitait dans la banlieue. Quand il sortait de chez lui pour venir à Paris, un petit garçon, âgé d'une dizaine d'années, l'accompagnait et venait le déposer dans la loge du concierge de l'Institut. Là, M. le chancelier s'en chargeait.

      A l'ordinaire, le grand Loustalot n'entendait rien de ce qui se passait autour de lui, et chacun avait soin de le laisser à ses sublimes cogitations d'où pouvait naître quelque découverte nouvelle destinée à transformer les conditions ordinaires de la vie humaine. Mais ce jour-là, les circonstances étaient si graves que M. le secrétaire perpétuel n'hésita pas à les lui rappeler et peut-être à les lui apprendre. Le grand Loustalot n'avait pas assisté à la séance de la veille; on l'avait envoyé chercher d'urgence chez lui et il était plus que probable qu'il était le seul, à cette heure, dans le monde civilisé, à ignorer encore que Maxime d'Aulnay avait subi le même sort cruel que Jehan Mortimar l'auteur de si Tragiques parfum.

      –Ah! monsieur le directeur! quelle catastrophe! s'écria M. Hippolyte Patard en levant ses mains au ciel.

      –Qu'y a-t-il donc, mon cher ami? daigna demander avec une grande bonhomie le grand Loustalot.

      –Comment! vous ne savez pas! M. le chancelier ne vous a rien dit? C'est donc à moi qu'il revient de vous annoncer une aussi attristante nouvelle! Maxime d'Aulnay est mort!

      –Dieu ait son âme! fit le grand Loustalot qui n'avait rien perdu de la foi de son enfance.

      –Mort comme Jehan Mortimar mort à l'Académie en prononçant son discours!…

      –Eh bien tant mieux! déclara le savant, le plus sérieusement du monde. Voilà une bien belle mort!

      Et il se frotta les mains, innocemment. Et puis, il ajouta:

      –C'est pour cela que vous m'avez dérangé?

      M. le secrétaire perpétuel et M. le chancelier se regardèrent, consternés, et puis s'aperçurent, au regard vague du grand Loustalot, que l'illustre savant pensait déjà à autre chose; ils n'insistèrent pas et le conduisirent à sa place. Ils le firent asseoir lui donnèrent du papier, une plume et un encrier et le quittèrent en ayant l'air de se dire: «Là, maintenant, il va rester tranquille!» Puis, se retirant dans l'embrasure d'une fenêtre, M. le secrétaire perpétuel et M. le chancelier après avoir jeté un coup d'œil satisfait sur la СКАЧАТЬ