Название: Les Ruines, ou méditation sur les révolutions des empires
Автор: Constantin-François Volney
Издательство: Public Domain
Жанр: Философия
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«Il a dit: Dieu est immuable, et il lui a adressé des vœux pour le changer. Il l'a dit incompréhensible, et il l'a sans cesse interprété.
«Il s'est élevé sur la terre des imposteurs qui se sont dits confidents de Dieu, et qui, s'érigeant en docteurs des peuples, ont ouvert des voies de mensonge et d'iniquité: ils ont attaché des mérites à des pratiques indifférentes ou ridicules; ils ont érigé en vertu de prendre certaines postures, de prononcer certaines paroles, d'articuler de certains noms; ils ont transformé en délit, de manger de certaines viandes, de boire certaines liqueurs à tels jours plutôt qu'à tels autres. C'est le juif qui mourrait plutôt que de travailler un jour de sabbat; c'est le Perse qui se laisserait suffoquer avant de souffler le feu de son haleine; c'est l'Indien qui place la suprême perfection à se frotter de fiente de vache, et à prononcer mystérieusement Aûm; c'est le musulman qui croit avoir tout réparé en se lavant la tête et les bras, et qui dispute, le sabre à la main, s'il faut commencer par le coude ou par le bout des doigts; c'est le chrétien qui se croirait damné s'il mangeait de la graisse au lieu de lait ou de beurre. Ô doctrines sublimes et vraiment célestes! ô morales parfaites et dignes du martyre et de l'apostolat! je passerai les mers pour enseigner ces lois admirables aux peuples sauvages, aux nations reculées; je leur dirai: Enfants de la nature! jusques à quand marcherez-vous dans le sentier de l'ignorance? Jusques à quand méconnaîtrez-vous les vrais principes de la morale et de la religion? Venez en chercher les leçons chez les peuples pieux et savants, dans des pays civilisés; ils vous apprendront comment, pour plaire à Dieu, il faut, en certains mois de l'année, languir de soif et de faim tout le jour; comment on peut verser le sang de son prochain, et s'en purifier en faisant une profession de foi et une ablution méthodique; comment on peut lui dérober son bien, et s'en absoudre en le partageant avec certains hommes qui se vouent à le dévorer.
«Pouvoir souverain et caché de l'univers! moteur mystérieux de la nature! ame universelle des êtres! toi que, sous tant de noms divers, les mortels ignorent et révèrent; être incompréhensible, infini; Dieu qui, dans l'immensité des cieux, diriges la marche des mondes, et peuples les abîmes de l'espace de millions de soleils tourbillonnants, dis, que paraissent à tes yeux ces insectes humains que déja ma vue perd sur la terre! Quand tu t'occupes à guider les astres dans leurs orbites, que sont pour toi les vermisseaux qui s'agitent sur la poussière? Qu'importent à ton immensité leurs distinctions de partis, de sectes? et que te font les subtilités dont se tourmente leur folie?
«Et vous, hommes crédules, montrez-moi l'efficacité de vos pratiques! Depuis tant de siècles que vous les suivez ou les altérez, qu'ont changé vos recettes aux lois de la nature? Le soleil en a-t-il plus lui? le cours des saisons est-il autre? la terre en est-elle plus féconde? les peuples sont-ils plus heureux? Si Dieu est bon, comment se plaît-il à vos pénitences? S'il est infini, qu'ajoutent vos hommages à sa gloire? Si ses décrets ont tout prévu, vos prières en changent-elles l'arrêt? Répondez, hommes inconséquents!
«Vous, vainqueurs, qui dites servir Dieu, a-t-il donc besoin de votre aide? S'il veut punir, n'a-t-il pas en main les tremblements, les volcans, la foudre? et le Dieu clément ne sait-il corriger qu'en exterminant?
«Vous, musulmans, si Dieu vous châtie pour le viol des cinq préceptes, comment élève-t-il les Francs qui s'en rient? Si c'est par le Qôran qu'il régit la terre, sur quels principes jugea-t-il les nations avant le prophète, tant de peuples qui buvaient du vin, mangeaient du porc, n'allaient point à la Mekke, à qui cependant il fut donné d'élever des empires puissants? Comment jugea-t-il les Sabéens de Ninive et de Babylone; le Perse, adorateur du feu; le Grec, le Romain, idolâtres; les anciens royaumes du Nil, et vos propres aïeux Arabes et Tartares? Comment juge-t-il encore maintenant tant de nations qui méconnaissent ou ignorent votre culte, les nombreuses castes des Indiens, le vaste empire des Chinois, les noires tribus de l'Afrique, les insulaires de l'Océan, les peuplades de l'Amérique?
«Hommes présomptueux et ignorants, qui vous arrogez à vous seuls la terre! si Dieu rassemblait à la fois toutes les générations passées et présentes, que seraient, dans leur océan, ces sectes soi-disant universelles du chrétien et du musulman? Quels seraient les jugements de sa justice égale et commune sur l'universalité réelle des humains? C'est là que votre esprit s'égare en systèmes incohérents, et c'est là que la vérité brille avec évidence; c'est là que se manifestent les lois puissantes et simples de la nature et de la raison: lois d'un moteur commun, général; d'un Dieu impartial et juste, qui, pour pleuvoir sur un pays, ne demande point quel est son prophète; qui fait luire également son soleil sur toutes les races des hommes, sur le blanc; comme sur le noir, sur le juif, sur le musulman, sur le chrétien, et sur l'idolâtre; qui fait prospérer, les moissons là où des mains soigneuses les cultivent; qui multiplie toute nation chez qui régnent l'industrie et l'ordre; qui fait prospérer tout empire où la justice est pratiquée, où l'homme puissant est lié par les lois, où le pauvre est protégé par elles, où le faible vit en sûreté, où chacun enfin jouit des droits qu'il tient de la nature et d'un contrat dressé avec équité.
«Voilà par quels principes sont jugés les peuples! voilà la vraie religion qui régit le sort des empires, et qui, de vous-mêmes, Ottomans, n'a cessé de faire la destinée! Interrogez vos ancêtres! demandez-leur par quels moyens ils élevèrent leur fortune, alors qu'idolâtres, peu nombreux et pauvres, ils vinrent des déserts tartares camper dans ces riches contrées; demandez si ce fut par l'islamisme, jusque-là méconnu par eux, qu'ils vainquirent les Grecs, les Arabes, ou si ce fut par le courage, la prudence, la modération, l'esprit d'union, vraies puissances de l'état social. Alors le sultan lui-même rendait la justice et veillait à la discipline; alors étaient punis le juge prévaricateur, le gouverneur concussionnaire, et la multitude vivait dans l'aisance: le cultivateur était garanti des rapines du janissaire, et les campagnes prospéraient; les routes publiques étaient assurées, et le commerce répandait l'abondance. Vous étiez des brigands ligués, mais entre vous, vous étiez justes: vous subjuguiez les peuplés, mais vous ne les opprimiez pas. Vexés par leurs princes, ils préféraient d'être vos tributaires. Que m'importe, disait le chrétien, que mon maître aime ou brise les images, pourvu qu'il me rende justice? Dieu jugera sa doctrine aux cieux.
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