Название: Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 3 - (C suite)
Автор: Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc
Издательство: Public Domain
Жанр: Техническая литература
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Si nous nous sommes permis cette digression, ce n'est pas que nous ayons la prétention d'entrer dans le domaine de l'historien, mais c'est que nous avons besoin d'établir certaines classifications, une méthode, pour faire comprendre à nos lecteurs ce qu'est le château féodal pendant le moyen âge, pour faire ressortir son importance, ses transformations et ses variétés, les causes de sa grandeur et de sa décadence. Voilà pour les caractères généraux politiques, dirons-nous, de la demeure féodale primitive. Ses caractères particuliers tiennent aux moeurs et à la vie privée de ses habitants. Or, qu'on se figure ce que devait être la vie du seigneur féodal pendant les XIe et XIIe le siècles en France! c'est-à-dire pendant la période de développement de la féodalité. Le seigneur normand est sans cesse occupé des affaires de sa nation; la conquête de l'Angleterre, les luttes nationales sur le continent où il n'était admis qu'à regret, lui conservent un rôle politique qui l'occupe, lui fait entrevoir un but qui n'est pas seulement personnel. Si remuant, insoumis, ambitieux que soit le baron normand, il est forcé d'entrer dans une lice commune, de se coaliser, de faire la grande guerre, de conserver l'habitude de vivre dans les armées et les camps. Son château a quelque chose de la forteresse territoriale; il n'a pas le loisir de s'y enfermer longtemps; il sait enfin que pour garder son domaine il faut défendre le territoire, car, en Angleterre comme en France, il est à l'état de conquérant. La vie du seigneur féodal français est autre; il est possesseur; le souvenir de la conquête est effacé depuis longtemps chez lui; il se considère comme indépendant; il ne comprend ses devoirs de vassal que parce qu'il profite du système hiérarchique de la féodalité, et que, s'il refuse de reconnaître son suzerain, il sait que le lendemain ses propres vassaux lui dénieront son pouvoir; étranger aux intérêts généraux du pays (intérêts qu'il ne peut comprendre puisque à peine ils se manifestent au XIIe siècle), il vit seul; ceux qui l'entourent ne sont ni ses soldats, ni ses domestiques, ni ses égaux; ils dépendent de lui dans une certaine limite, qui, dans la plupart des cas, n'est pas nettement définie. Il ne paye pas les hommes qui lui doivent le service de guerre, mais la durée de ce service est limitée. Le seigneur ayant un fief, compte plusieurs classes de vassaux: les uns, comme les chevaliers, ne lui doivent que l'hommage et l'aide de leurs bras en cas d'appel aux armes, ou une somme destinée à racheter ce service, encore faut-il que ce ne soit pas pour l'aider dans une entreprise contre le suzerain. D'autres tenanciers roturiers, tenant terres libres, devaient payer des rentes au seigneur, avec la faculté de partager leur tenure en parcelles, mais restant responsables du payement de la rente, comme le sont de principaux locataires. D'autres tenanciers, les vilains, d'une classe inférieure, les paysans, les bordiers 25, les derniers sur l'échelle féodale, devaient des corvées de toutes natures. Cette diversité dans l'état des personnes, dans le partage du sol et le produit que le seigneur en retirait amenait des complications infinies; de là des difficultés perpétuelles, des abus, une surveillance impossible, et par suite des actes arbitraires, car cet état de choses, à une époque où l'administration était une science à peine connue, était souvent préjudiciable au seigneur. Ajoutons à cela que les terres nobles, celle qui étaient entre les mains des chevaliers, se trouvaient soumises à la garde pendant la minorité du seigneur, c'est-à-dire que le suzerain jouissait pendant ce temps du revenu de ces terres. Si aujourd'hui, avec l'uniformité des impôts, il faut une armée d'administrateurs pour assurer la régularité du revenu de l'État, et une longue habitude de l'unité gouvernementale, on comprendra ce que devait être pendant les XIe et XIIe siècles l'administration d'un domaine fieffé. Si le seigneur était débonnaire, il voyait la source de ses revenus diminuer chaque jour; si au contraire il était âpre au gain, ce qui arrivait souvent, il tranchait les difficultés par la violence, ce qui lui était facile, puisqu'il réunissait sous la main le droit fiscal et les droits de justicier. Pour vivre et se maintenir dans une pareille situation sociale, le seigneur était amené à se défier de tout et de tous; à peine s'il pouvait compter sur le dévouement de ceux qui lui devaient le service militaire. Pour acquérir ce dévouement il lui fallait tolérer des abus sans nombre de ses vassaux nobles, qui lui prêtaient le secours de leurs armes, les attirer et les entretenir près de lui par l'appât d'un accroissement de biens, par l'espoir d'un empiètement sur les terres de ses voisins. Il n'avait même pas de valets à ses gages, car, de même que ses revenus lui étaient payés en grande partie en nature, le service journalier de son château était fait par des hommes de sa terre qui lui devaient, l'un le balayage, l'autre le curage des égouts, ceux-ci l'entretien de ses écuries, ceux-là l'apport de son bois de chauffage, la cuisson de son pain, la coupe de son foin, l'élagage de ses haies, etc. Retiré dans son donjon avec sa famille et quelques compagnons, la plupart ses parents moins riches que lui, il ne pouvait être assuré que ses hommes d'armes, dont le service était temporaire, séduits par les promesses de quelque voisin, n'ouvriraient pas les portes de son château à une troupe ennemie. Cette étrange existence de la noblesse féodale justifie ce système de défiance dont ses habitations ont conservé l'empreinte; et si aujourd'hui cette organisation sociale nous semble absurde et odieuse, il faut convenir cependant qu'elle était faite pour développer la force morale des individus, aguerrir les populations, qu'elle était peut-être la seule voie qui ne conduisît pas de la barbarie à la corruption la plus honteuse. Soyons donc justes, ne jetons pas la pierre à ces demeures renversées par la haine populaire aussi bien que par la puissance monarchique; voyons-y au contraire le berceau de notre énergie nationale, de ces instincts guerriers, de ce mépris du danger qui ont assuré l'indépendance et la grandeur de notre pays.
On conçoit que cet état social dut être accepté par les Normands lorsqu'ils se fixèrent sur le sol français. Et en effet, depuis Rollon, chaque seigneur normand s'était prêté aux coutumes des populations au milieu desquelles il s'était établi; car, pour y vivre, il n'était pas de son intérêt de dépeupler son domaine. Il est à croire qu'il ne changea rien aux tenures des fiefs dont il jouit par droit de conquête, car dès le commencement du XIIe siècle nous voyons le seigneur normand, en temps de paix, entouré d'un petit nombre de familiers, habitant la salle, le donjon fortifié; en temps de guerre, lorsqu'il craint une agression, appeler autour de lui les tenanciers nobles et même les vavasseurs, hôtes 26 et paysans.
Alors la vaste enceinte fortifiée qui entourait le donjon se garnissait de cabanes élevées à la hâte, et devenait un camp fortifié dans lequel chacun apportait ce qu'il avait de plus précieux, des vivres et tout ce qui était nécessaire pour soutenir un siége ou un blocus. Cela explique ces défenses étendues qui semblent faites pour contenir une armée, bien qu'on y trouve à peine des traces d'habitation. Cependant les Normands conçoivent la forteresse dans des vues politiques autant que personnelles; les seigneurs français profitent de la sagacité déployée par les barons normands dans leurs ouvrages militaires, mais seulement avec l'idée de défendre le domaine, de trouver un asile sûr pour eux, leur famille et leurs hommes. Le château normand conserve longtemps les qualités d'une forteresse combinée de façon à se défendre contre l'assaillant étranger; son assiette est choisie pour commander des passages, intercepter des communications, diviser des corps d'armée, protéger un territoire; ses dispositions intérieures sont comparativement larges, destinées à contenir des compagnies nombreuses. Le château français ne s'élève qu'en vue de la garde du domaine féodal; son assiette est choisie de façon à le protéger seul; ses dispositions intérieures sont compliquées, СКАЧАТЬ
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En Angleterre même, les Gallois qui sont de même race que les Bretons, encore aujourd'hui, ne se regardent pas comme Anglais; pour eux les Anglais sont toujours des Saxons ou des Normands.
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Les bordiers devaient le curage des biefs de moulins, la couve des blés et du foin, des redevances en nature comme chapons, oeufs, taillage des haies, certains transports, etc.
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Les