Название: Histoire de la Guerre de Trente Ans
Автор: Friedrich von Schiller
Издательство: Public Domain
Жанр: Зарубежная классика
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Les Bohêmes commençaient à se retrancher sur la Montagne-Blanche, non loin de Prague, lorsque l'armée combinée austro-bavaroise les assaillit, le 8 novembre 1620. Au commencement de l'action, la cavalerie du prince d'Anhalt remporta quelques avantages, bientôt rendus vains par la supériorité de l'ennemi. Les Bavarois et les Wallons chargèrent avec une force irrésistible, et la cavalerie hongroise fut la première à tourner le dos. L'infanterie bohême ne tarda pas à suivre son exemple, et les Allemands furent enfin entraînés aussi dans la déroute générale. Dix canons, qui formaient toute l'artillerie de Frédéric, tombèrent dans les mains de l'ennemi. Quatre mille Bohêmes périrent dans la fuite et dans le combat; les troupes de l'empereur et de la Ligue perdirent à peine quelques centaines d'hommes. Cette victoire décisive avait été remportée en moins d'une heure.
Frédéric était à dîner dans Prague, tandis que ses troupes se faisaient tuer pour lui sous les murs de la ville. Il ne s'attendait probablement encore à aucune attaque, puisqu'il avait commandé ce jour-là même un grand repas. Un courrier le fit enfin sortir de table, et il put voir des remparts tout cet affreux spectacle. Il demanda une suspension d'armes de vingt-quatre heures pour se déterminer après réflexion: huit heures furent tout ce qu'il obtint du duc. Frédéric les employa à s'enfuir de la capitale, pendant la nuit, avec sa femme et les principaux officiers de l'armée. Cette fuite fut si précipitée, que le prince d'Anhalt oublia ses papiers les plus secrets et Frédéric sa couronne. «Je sais maintenant ce que je suis,» disait ce malheureux prince aux personnes qui essayaient de le consoler. «Il y a des vertus que le malheur seul peut nous enseigner, et ce n'est que dans l'adversité que nous apprenons, nous autres princes, ce que nous sommes.»
Prague n'était pas encore perdue sans ressource, quand le pusillanime Frédéric l'abandonna. Mansfeld était toujours à Pilsen, avec son corps détaché, qui n'avait pas vu la bataille. A chaque instant, Bethlen Gabor pouvait commencer les hostilités et rappeler aux frontières de Hongrie les forces de l'empereur. Les Bohêmes battus pouvaient se relever, les maladies, la faim et le froid détruire les ennemis: toutes ces espérances s'évanouirent devant la crainte présente.
Frédéric redoutait l'inconstance des Bohêmes, qui pouvaient aisément céder à la tentation de livrer sa personne à l'empereur pour acheter leur grâce.
Thurn et ceux qui partageaient sa condamnation ne jugèrent pas prudent non plus d'attendre leur sort dans les murs de Prague. Ils se réfugièrent en Moravie, pour chercher, bientôt après, leur salut dans la Transylvanie. Frédéric s'enfuit à Breslau, mais il n'y séjourna que peu de temps, et trouva ensuite un asile à la cour de l'électeur de Brandebourg, puis enfin en Hollande.
La bataille de Prague avait décidé du sort de toute la Bohême. Prague se rendit dès le lendemain au vainqueur; les autres villes suivirent le sort de la capitale. Les états rendirent l'hommage sans condition; leur exemple fut imité en Silésie et en Moravie. L'empereur laissa s'écouler trois mois avant d'ordonner une enquête sur le passé. Beaucoup de ceux qui avaient pris la fuite dans la première frayeur reparurent dans la capitale, rassurés par cette apparence de modération; mais, à un jour, à un moment fixé, l'orage éclata. Quarante-huit des plus actifs instigateurs de la révolte furent arrêtés et traduits devant une commission extraordinaire, composée de Bohêmes et d'Autrichiens. Vingt-sept d'entre eux périrent sur l'échafaud; dans la classe du peuple, une quantité innombrable eut le même sort. On somma les absents de comparaître, et, aucun d'eux ne s'étant présenté, ils furent condamnés à mort, comme coupables de haute trahison et de lèse-majesté impériale. Leurs biens furent confisqués, leurs noms cloués au gibet. On confisqua même les biens de rebelles déjà morts. Cette tyrannie était supportable, parce qu'elle ne pesait que sur certaines personnes, et que les dépouilles de l'un enrichissaient l'autre; mais d'autant plus douloureuse fut l'oppression qui accabla sans distinction tout le royaume. Tous les prédicateurs protestants, d'abord les bohêmes, et un peu plus tard les allemands, furent expulsés du pays. Ferdinand coupa de sa propre main la lettre de Majesté de Rodolphe et en brûla le sceau. Sept ans après la bataille de Prague, toute tolérance envers les protestants était abolie dans le royaume. Mais les violences que l'empereur se permit contre les priviléges religieux des Bohêmes, il se les interdit à l'égard de leur constitution politique, et, en même temps qu'il leur enlevait la liberté de penser, il leur laissait généreusement le droit de se taxer eux-mêmes.
La victoire de la Montagne-Blanche mit Ferdinand en possession de tous ses États et les lui rendit même avec un pouvoir plus étendu que celui dont y avait joui son prédécesseur, parce que l'hommage fut rendu sans condition, et qu'aucune lettre impériale ne limitait plus son autorité souveraine. Tous ses justes désirs étaient donc satisfaits, et même au delà de son attente.
Il était libre maintenant de congédier ses alliés et de rappeler ses armées. La guerre était finie, si seulement il était juste; s'il était juste et généreux, les châtiments devaient cesser aussi. Tout le sort de l'Allemagne était dans sa main, et des millions de créatures humaines attendaient le bonheur ou le malheur de la détermination qu'il allait prendre. Jamais si grande décision ne fut au pouvoir d'un seul homme; jamais l'aveuglement d'un seul homme ne causa tant de calamités.
LIVRE DEUXIÈME
La résolution que prit alors Ferdinand donna à la guerre une tout autre direction, un autre théâtre et d'autres acteurs. D'une révolte en Bohême et d'une exécution militaire contre des rebelles, on vit naître une guerre allemande et bientôt européenne. Le moment est donc venu de jeter un coup d'œil sur l'Allemagne et sur le reste de l'Europe.
Tout inégal que fût, entre catholiques et protestants, le partage du territoire de l'Empire et des priviléges de ses membres, chaque parti n'avait qu'à profiter de ses propres avantages et à rester sagement uni, pour contre-balancer les forces de l'autre. Si les catholiques étaient plus nombreux et plus favorisés par la constitution de l'Empire, les protestants possédaient une suite continue de contrées populeuses, des princes belliqueux, une vaillante noblesse, de nombreuses armées, des villes impériales opulentes; ils étaient maîtres de la mer, et, en cas de nécessité, ils avaient un parti assuré dans les États des princes catholiques. Si les catholiques pouvaient compter sur les armes de l'Espagne et de l'Italie, la république de Venise, la Hollande et l'Angleterre ouvraient leurs trésors aux protestants; les États du Nord et les redoutables Ottomans étaient prêts à voler à leur secours. Le Brandebourg, la Saxe et le Palatinat opposaient dans le collége électoral trois voix protestantes, d'un poids considérable, aux trois voix ecclésiastiques; et, si les États protestants savaient user de leur force, la dignité impériale devenait une chaîne pour l'électeur de Bohême, comme pour l'archiduc d'Autriche. L'épée de l'Union pouvait retenir l'épée de la Ligue dans le fourreau, ou, s'il fallait en venir à la guerre, elle en pouvait rendre l'événement incertain. Malheureusement, l'intérêt particulier rompit le lien politique qui devait unir entre eux tous les membres protestants de l'Empire. Cette grande époque ne trouva sur la scène que des esprits médiocres, et l'on ne profita point du moment décisif, parce que les courageux manquèrent de puissance, et les puissants d'intelligence, de courage et de résolution.
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