Histoire de la Guerre de Trente Ans. Friedrich von Schiller
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СКАЧАТЬ Mais il ne pouvait échapper au comte de Thurn combien il serait dangereux de laisser dans les mains de l'ennemi trois places d'une telle importance, qui tenaient ouverte en tout temps aux armes de l'empereur l'entrée du royaume. Avec une prompte résolution, il parut devant Budweiss et Krummau, se flattant que l'épouvante lui livrerait l'une et l'autre. Krummau se rendit, mais Budweiss repoussa avec fermeté toutes ses attaques.

      Alors l'empereur commença à montrer lui-même un peu plus de sérieuse vigueur et d'activité. Bucquoi et Dampierre se jetèrent dans la Bohême avec deux armées et commencèrent à la traiter en pays ennemi. Mais ces deux chefs impériaux trouvèrent le chemin de Prague plus difficile qu'ils ne s'y étaient attendus. Il leur fallut enlever, l'épée à la main, chaque passage, chaque poste un peu tenable, et la résistance augmentait à chaque pas, parce que les excès de leurs soldats, pour la plupart Hongrois et Wallons, poussaient les amis à la défection et les ennemis au désespoir. Mais, alors même que ses armées s'avançaient dans la Bohême, l'empereur continuait d'offrir la paix aux états et de se montrer disposé à un accommodement. De nouvelles perspectives qui s'ouvrirent pour les rebelles rehaussèrent leur courage. La diète de Moravie embrassa leur parti, et il leur vint d'Allemagne, en la personne du comte de Mansfeld, un défenseur aussi brave qu'inattendu.

      Les chefs de l'Union évangélique avaient observé jusque-là les événements de Bohême en silence, mais non en spectateurs oisifs. La Bohême combattait pour la même cause qu'eux et contre le même ennemi: ils firent voir aux membres de l'alliance leur propre sort dans celui de ce peuple, et leur représentèrent sa cause comme l'intérêt le plus sacré pour l'union allemande. Fidèles à ce principe, ils soutinrent le courage des rebelles par des promesses de secours, et une circonstance heureuse les mit en état de remplir à l'improviste cet engagement.

      Le comte Pierre-Ernest de Mansfeld, dont le père, Ernest de Mansfeld, officier autrichien plein de mérite, avait commandé quelque temps avec beaucoup de gloire l'armée espagnole dans les Pays-Bas, fut l'instrument qui devait humilier la maison d'Autriche en Allemagne. Il avait fait lui-même ses premières campagnes au service de cette maison, et combattu, dans le pays de Juliers et en Alsace, sous les drapeaux de l'archiduc Léopold, contre la religion protestante et la liberté allemande; mais, gagné insensiblement par les principes de la nouvelle religion, il abandonna un chef intéressé, qui lui refusait le payement des dépenses faites à son service, et il consacra à l'Union évangélique son zèle et son épée victorieuse. Il arriva précisément à cette époque que le duc de Savoie, engagé dans une guerre contre l'Espagne, demanda des secours à l'Union, dont il était l'allié. L'Union lui céda sa nouvelle conquête, et Mansfeld fut chargé de mettre sur pied en Allemagne, pour le duc et à ses frais, une armée de quatre mille hommes. Cette armée était prête à marcher, quand la guerre s'alluma en Bohême, et le duc n'ayant, à ce moment, aucun besoin de renforts, laissa ces troupes à la disposition de l'Union. Rien ne pouvait être plus au gré de celle-ci que de secourir, aux frais d'autrui, ses alliés de Bohême. Le comte de Mansfeld reçut aussitôt l'ordre de conduire ces quatre mille hommes dans ce royaume, et, pour cacher aux yeux du monde les véritables auteurs de l'armement, on mit en avant un brevet délivré par les états de Bohême.

      Mansfeld parut dans le pays et s'y établit solidement par la prise de la ville forte de Pilsen, fidèle à l'empereur. Le courage des rebelles fut encore relevé par un autre secours, que leur envoyèrent les états de Silésie. Ils engagèrent alors avec les troupes impériales des combats, peu décisifs, mais qui n'en causèrent que plus de ravages et qui furent le prélude d'une guerre plus sérieuse. Afin de ralentir les opérations militaires de l'empereur, on négocia avec lui, et l'on accepta même la médiation offerte par la Saxe; mais, avant que le résultat pût montrer combien on était peu sincère, la mort fit disparaître l'empereur de la scène.

      Qu'avait fait Matthias pour justifier l'attente du monde, qu'il avait provoquée en renversant son prédécesseur? Était-ce la peine de monter sur le trône de Rodolphe par un crime, pour l'occuper si mal et en descendre avec si peu de gloire? Tant que Matthias fut roi, il expia l'imprudence par laquelle il l'était devenu. Afin de porter la couronne quelques années plus tôt, il en avait sacrifié toute l'indépendance. Ce que les états, devenus plus puissants lui laissèrent d'autorité, ses propres agnats l'entravèrent par une humiliante contrainte. Malade et sans postérité, il vit l'attention des hommes courir au-devant de son orgueilleux successeur, qui, dans son impatience, anticipait sur sa destinée, et, sous le règne expirant d'un vieillard, ouvrait déjà le sien.

      On pouvait regarder comme éteinte avec Matthias la branche régnante de la maison d'Autriche en Allemagne. Car, de tous les fils de Maximilien, il ne restait plus que l'archiduc Albert, alors dans les Pays-Bas, qui, faible et sans enfants, avait cédé à la branche de Grætz ses droits à la succession. La maison d'Espagne s'était aussi désistée, dans un pacte secret, en faveur de l'archiduc Ferdinand de Styrie, de toutes ses prétentions sur les pays autrichiens. C'était en la personne de ce prince que la souche de Habsbourg devait pousser en Allemagne de nouvelles branches et faire revivre l'ancienne grandeur de l'Autriche.

      Ferdinand eut pour père l'archiduc Charles de Carniole, de Carinthie et de Styrie, frère puîné de l'empereur Maximilien II, et pour mère une princesse de Bavière. Comme il avait perdu son père dès l'âge de douze ans, l'archiduchesse sa mère le confia à la garde du duc Guillaume de Bavière, frère de cette princesse, sous les yeux duquel il fut élevé et instruit par les jésuites, à l'université d'Ingolstadt. On imagine aisément quels principes Ferdinand dut puiser dans le commerce d'un prince qui avait renoncé par dévotion au gouvernement. On lui montrait, d'une part, l'indulgence des princes de la branche de Maximilien envers l'hérésie, et les troubles de leurs États; de l'autre, la prospérité de la Bavière et le zèle impitoyable de ses souverains pour la religion: entre ces deux modèles, on lui laissait le choix.

      Préparé dans cette école à devenir un vaillant champion de Dieu, un actif instrument de l'Église, il quitta la Bavière, après un séjour de cinq ans, pour aller prendre le gouvernement de ses domaines héréditaires. Les états de Carniole, de Carinthie et de Styrie, ayant demandé que leur liberté religieuse fût confirmée avant la prestation de l'hommage, Ferdinand répondit que l'hommage n'avait rien de commun avec la liberté religieuse. Le serment fut exigé et prêté sans condition. Plusieurs années s'écoulèrent avant que l'entreprise, dont le plan avait été conçu à Ingolstadt, parût mûre pour l'exécution. Avant de manifester son dessein, Ferdinand alla en personne implorer à Lorette la faveur de la Vierge Marie et chercher à Rome, aux pieds de Clément VIII, la bénédiction apostolique.

      C'est qu'il ne s'agissait de rien moins que de bannir le protestantisme d'une contrée où il avait pour lui la supériorité du nombre et, de plus, une existence légale, grâce à un acte formel de tolérance que le père de Ferdinand avait octroyé à l'ordre des seigneurs et chevaliers du pays. Une concession si solennelle ne pouvait être retirée sans danger. Mais aucune difficulté n'effrayait le pieux élève des jésuites. L'exemple des autres princes de l'Empire, catholiques et protestants, qui avaient exercé sans contradiction, dans leurs domaines, le droit de réforme, et l'abus que les états de Styrie avaient fait de leur liberté religieuse, devaient servir de justification à cet acte de violence. Armé d'une loi positive, qui choquait le bon sens, on croyait pouvoir insulter sans pudeur aux lois de la raison et de l'équité. Au reste, dans cette injuste entreprise, Ferdinand montra un courage digne d'admiration et une louable constance. Sans bruit, et, il faut le dire aussi, sans cruauté, il supprima le culte protestant dans une ville, puis dans une autre, et, en peu d'années, cette œuvre périlleuse fut achevée, à l'étonnement général de l'Allemagne.

      Mais, tandis que les catholiques admiraient dans ce prince le héros et le chevalier de leur Église, les protestants commençaient à se prémunir contre lui, comme contre leur ennemi le plus dangereux. Néanmoins, la proposition de Matthias de lui assurer sa succession ne trouva point d'opposition, ou n'en trouva qu'une bien faible, dans les États électifs de l'Autriche, et les Bohêmes eux-mêmes le couronnèrent, sous des conditions très-acceptables, СКАЧАТЬ