La Conquête de Plassans. Emile Zola
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Название: La Conquête de Plassans

Автор: Emile Zola

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ plus, il la vit plantée devant une des fenêtres entrebâillées du salon; elle allongeait le cou, elle achevait son inspection, avec l'aisance tranquille d'une personne qui visite une propriété à vendre. Au moment où Rose soulevait la petite malle, elle rentra dans le vestibule, en disant simplement:

      – Je monte l'aider.

      Et elle monta derrière la domestique. Le prêtre ne tourna pas même la tête; il souriait aux trois enfants, restés debout devant lui. Son visage avait une expression de grande douceur, quand il voulait, malgré la dureté du front et les plis rudes de la bouche.

      – C'est toute votre famille, madame? demanda-t-il à Marthe, qui s'était approchée.

      – Oui, monsieur, répondit-elle, gênée par le regard clair qu'il fixait sur elle.

      Mais il regarda de nouveau les enfants, il continua:

      – Voilà deux grands garçons qui seront bientôt des hommes… Vous avez fini vos études, mon ami?

      Il s'adressait à Serge. Mouret coupa la parole à l'enfant.

      – Celui-ci a fini, bien qu'il soit le cadet. Quand je dis qu'il a fini, je veux dire qu'il est bachelier, car il est rentré au collège pour faire une année de philosophie: c'est le savant de la famille… L'autre, l'aîné, ce grand dadais, ne vaut pas grand'chose, allez. Il s'est déjà fait refuser deux fois au baccalauréat, et vaurien avec cela, toujours le nez en l'air, toujours polissonnant.

      Octave écoutait ces reproches en souriant, tandis que Serge avait baissé la tête sous les éloges. Faujas parut un instant encore les étudier en silence; puis, passant à Désirée, retrouvant son air tendre:

      – Mademoiselle, demanda-t-il, me permettrez-vous d'être votre ami?

      Elle ne répondit pas; elle vint, presque effrayée, se cacher le visage contre l'épaule de sa mère. Celle-ci, au lieu de lui dégager la face, la serra davantage, en lui passant un bras à la taille.

      – Excusez-la, dit-elle avec quelque tristesse; elle n'a pas la tête forte, elle est restée petite fille… C'est une innocente… Nous ne la tourmentons pas pour apprendre. Elle a quatorze ans, et elle ne sait encore qu'aimer les bêtes.

      Désirée, sous les caresses de sa mère, s'était rassurée; elle avait tourné la tète, elle souriait. Puis, d'un air hardi;

      – Je veux bien que vous soyez mon ami… Seulement vous ne faites jamais de mal aux mouches, dites?

      Et, comme tout le monde s'égayait autour d'elle:

      – Octave les écrase, les mouches; continua-t-elle gravement. C'est très-mal.

      L'abbé Faujas s'était assis. Il semblait très-las. Il s'abandonna un moment à la paix tiède de la terrasse, promenant ses regards ralentis sur le jardin, sur les arbres des propriétés voisines. Ce grand calme, ce coin désert de petite ville, lui causaient une sorte de surprise. Son visage se tacha de plaques sombres.

      – On est très-bien ici, murmura-t-il.

      Puis il garda le silence, comme absorbé et perdu. Il eut un léger sursaut, lorsque Mouret lui dit avec un rire:

      – Si vous le permettez, maintenant, monsieur, nous allons nous mettre à table.

      Et, sur le regard de sa femme:

      – Vous devriez faire comme nous, accepter une assiette de soupe. Cela vous éviterait d'aller dîner à l'hôtel… Ne vous gênez pas, je vous en prie.

      – Je vous remercie mille fois, nous n'avons besoin de rien, répondit l'abbé d'un ton d'extrême politesse, qui n'admettait pas une seconde invitation.

      Alors, les Mouret retournèrent dans la salle à manger, où ils s'attablèrent. Marthe servit la soupe. Il y eut bientôt un tapage réjouissant de cuillers. Les enfants jasaient. Désirée eut des rires clairs, en écoutant une histoire que son père racontait, enchanté d'être enfin à table. Cependant, l'abbé Faujas, qu'ils avaient oublié, restait assis sur la terrasse, immobile, en face du soleil couchant. Il ne tournait pas la tête; il semblait ne pas entendre. Comme le soleil allait disparaître, il se découvrit, étouffant sans doute. Marthe, placée devant la fenêtre, aperçut sa grosse tête nue, aux cheveux courts, grisonnant déjà vers les tempes. Une dernière lueur rouge alluma ce crâne rude de soldat, où la tonsure était comme la cicatrice d'un coup de massue; puis, la lueur s'éteignit, le prêtre, entrant dans l'ombre, ne fut plus qu'un profil noir sur la cendre grise du crépuscule.

      Ne voulant pas appeler Rose, Marthe alla chercher elle-même une lampe et servit le premier plat. Comme elle revenait de la cuisine, elle rencontra, au pied de l'escalier, une femme qu'elle ne reconnut pas d'abord. C'était madame Faujas. Elle avait mis un bonnet de linge; elle ressemblait à une servante, avec sa robe de cotonnade, serrée au corsage par un fichu jaune, noué derrière la taille; et, les poignets nus, encore toute soufflante de la besogne qu'elle venait de faire, elle tapait ses gros souliers lacés sur le dallage du corridor.

      – Voilà qui est fait, n'est-ce pas, madame? lui dit Marthe en souriant. – Oh! une misère, répondit-elle; en deux coups de poing, l'affaire a été bâclée.

      Elle descendit le perron, elle radoucit sa voix:

      – Ovide, mon enfant, veux-tu monter? Tout est prêt là-haut.

      Elle dut toucher son fils à l'épaule pour le tirer de sa rêverie. L'air fraîchissait. Il frissonna, il la suivit sans parler. Comme il passait devant la porte de la salle à manger, toute blanche de la clarté vive de la lampe, toute bruyante du bavardage des enfants, il allongea la tête, disant de sa voix souple:

      – Permettez-moi de vous remercier encore et de nous excuser de tout ce dérangement… Nous sommes confus…

      – Mais non, mais non! cria Mouret; c'est nous autres qui sommes désolés de n'avoir pas mieux à vous offrir pour cette nuit.

      Le prêtre salua, et Marthe rencontra de nouveau ce regard clair, ce regard d'aigle qui l'avait émotionnée. Il semblait qu'au fond de l'oeil, d'un gris morne d'ordinaire, une flamme passât brusquement, comme ces lampes qu'on promène derrière les façades endormies des maisons.

      – Il a l'air de ne pas avoir froid aux yeux, le curé, dit railleusement Mouret, quand la mère et le fils ne furent plus là.

      – Je les crois peu heureux, murmura Marthe.

      – Pour ça, il n'apporte certainement pas le Pérou dans sa malle… Elle est lourde, sa malle! Je l'aurais soulevée du bout de mon petit doigt.

      Mais il fut interrompu dans son bavardage par Rose, qui venait de descendre l'escalier en courant, afin de raconter les choses surprenantes qu'elle avait vues.

      – Ah! bien, dit-elle en se plantant devant la table où mangeaient ses maîtres, en voilà une gaillarde! Cette dame a au moins soixante-cinq ans, et ça ne paraît guère, allez! Elle vous bouscule, elle travaille comme un cheval.

      – Elle t'a aidée à déménager les fruits? demanda curieusement Mouret.

      – Je crois bien, monsieur. Elle emportait les fruits comme ça, dans son tablier; des charges à tout casser. Je me disais: «Bien sûr, la robe va y rester.» Mais pas du tout; c'est de l'étoffe solide, de l'étoffe comme j'en porte moi-même. Nous avons dû faire plus de dix voyages. Moi, j'avais les bras СКАЧАТЬ