La Conquête de Plassans. Emile Zola
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Название: La Conquête de Plassans

Автор: Emile Zola

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ soir même, Mouret, qui ne dormait pas, pressa Marthe de questions, voulant connaître les événements de la soirée. Elle répondit que tout s'était passé comme à l'habitude, qu'elle n'avait rien remarqué d'extraordinaire. Elle ajouta simplement que l'abbé Faujas l'avait accompagnée, en causant avec elle de choses insignifiantes. Mouret fut très-contrarié de ce qu'il appelait «l'indolence» de sa femme.

      – On pourrait bien s'assassiner chez ta mère, dit-il en s'enfonçant la tête dans l'oreiller d'un air furieux; ce n'est certainement pas toi qui m'en apporterais la nouvelle.

      Le lendemain, lorsqu'il rentra pour le dîner, il cria à Marthe, du plus loin qu'il l'aperçut:

      – Je le savais bien, tu as des yeux pour ne pas voir, ma bonne … Ah! que je te reconnais là! Rester la soirée entière dans un salon, sans seulement te douter de ce qu'on a dit et fait autour de toi!.. Mais toute la ville en cause, entends-tu! Je n'ai pu faire un pas sans rencontrer quelqu'un qui m'en parlât.

      – De quoi donc, mon ami? demanda Marthe étonnée.

      – Du beau succès de l'abbé Faujas, pardieu! On l'a mis à la porte du salon vert.

      – Mais non, je t'assure; je n'ai rien vu de semblable.

      – Eh! je te l'ai dit, tu ne vois rien!.. Sais-tu ce qu'il a fait à Besançon, l'abbé? Il a étranglé un curé ou il a commis des faux. On ne peut pas affirmer au juste … N'importe, il paraît qu'on l'a joliment arrangé. Il était vert. C'est un homme fini.

      Marthe avait baissé la tête, laissant son mari triompher de l'échec du prêtre. Mouret était enchanté.

      – Je garde ma première idée, continua-t-il; ta mère doit manigancer quelque chose avec lui. On m'a raconté qu'elle s'était montrée très-aimable. C'est elle, n'est-ce pas, qui a prié l'abbé de t'accompagner? Pourquoi ne m'as-tu pas dit cela?

      Elle haussa doucement les épaules, sans répondre.

      – Tu es étonnante, vraiment! s'écria-t-il. Tous ces détails-là ont beaucoup d'importance … Ainsi, madame Paloque, que je viens de rencontrer, m'a dit qu'elle était restée avec plusieurs dames, pour voir comment l'abbé sortirait. Ta mère s'est servie de toi pour protéger la retraite du calottin, tu ne comprends donc pas!.. Voyons, tâche de te souvenir; que t'a-t-il dit, en te ramenant ici?

      Il s'était assis devant sa femme, il la tenait sous l'interrogation aiguë de ses petits yeux.

      – Mon Dieu, répondit-elle patiemment, il m'a dit des choses sans importance, des choses comme tout le monde peut en dire … Il a parlé du froid, qui était très-vif; de la tranquillité de la ville pendant la nuit; puis, je crois, de l'agréable soirée qu'il venait de passer.

      – Ah! le tartufe!.. Et il ne t'a pas questionnée sur ta mère, sur les gens qu'elle reçoit?

      – Non. D'ailleurs, le chemin n'est pas long, de la rue de la Banne ici; nous n'avons pas mis trois minutes. Il marchait à côté de moi, sans me donner le bras; il faisait de si grandes enjambées, que j'étais presque forcée de courir … Je ne sais ce qu'on a, à s'acharner ainsi après lui. Il n'a pas l'air heureux. Il grelottait, le pauvre homme, dans sa vieille soutane.

      Mouret n'était pas méchant.

      – Ça, c'est vrai, murmura-t-il; il ne doit pas avoir chaud, depuis qu'il gèle.

      – Puis, continua Marthe, nous n'avons pas à nous plaindre de lui: il paye exactement, il ne fait pas de tapage… Où trouverais-tu un aussi bon locataire?

      – Nulle part, je le sais… Ce que j'en disais, tout à l'heure, c'était pour te montrer combien peu tu fais attention, quand tu vas quelque part. Autrement, je connais trop la clique que ta mère reçoit, pour m'arrêter à ce qui sort du fameux salon vert. Toujours des cancans, des menteries, des histoires bonnes à faire battre les montagnes. L'abbé n'a sans doute étranglé personne, pas plus qu'il ne doit avoir fait banqueroute… Je le disais à madame Paloque: «Avant de déshabiller les autres, on ferait bien de laver son propre linge sale.» Tant mieux, si elle a pris cela pour elle!

      Mouret mentait, il n'avait pas dit cela à madame Paloque. Mais la douceur de Marthe lui faisait quelque honte de la joie qu'il venait de témoigner, au sujet des malheurs de l'abbé. Les jours suivants, il se mit nettement du côté du prêtre. Ayant rencontré plusieurs personnages qu'il détestait, M. de Bourdeu, M. Delangre, le docteur Porquier, leur fit un magnifique éloge de l'abbé Faujas, pour ne pas dire comme eux, pour les contrarier et les étonner. C'était, à l'entendre, un homme tout à fait remarquable, d'un grand courage, d'une grande simplicité dans la pauvreté. Il fallait qu'il y eût vraiment des gens bien méchants. Et il glissait des allusions sur les personnes que recevaient les Rougon, un tas d'hypocrites, de cafards, de sots vaniteux, qui craignaient l'éclat de la véritable vertu. Au bout de quelque temps, il avait fait absolument sienne la querelle de l'abbé, il se servait de lui pour assommer la bande des Rastoil et la bande de la sous-préfecture.

      – Si cela n'est pas pitoyable! disait-il parfois à sa femme, oubliant que Marthe avait entendu un autre langage dans sa bouche; voir des gens qui ont volé leur fortune on ne sait où, s'acharner ainsi après un pauvre homme qui n'a pas seulement vingt francs pour s'acheter une charretée de bois!.. Non, vois-tu, ces choses-là me révoltent. Moi, que diable! je puis me porter garant pour lui. Je sais ce qu'il fait, je sais comment il est, puisqu'il habite chez moi. Aussi je ne leur mâche pas la vérité, je les traite comme ils le méritent, lorsque je les rencontre… Et je ne m'en tiendrai pas là. Je veux que l'abbé devienne mon ami. Je veux le promener à mon bras, sur le cours, pour montrer que je ne crains pas d'être vu avec lui, tout honnête homme et tout riche que je suis… D'abord, je te recommande d'être très-aimable pour ces pauvres gens.

      Marthe souriait discrètement. Elle était heureuse des bonnes dispositions de son mari à l'égard de leurs locataires. Rose reçut l'ordre de se montrer complaisante. Le matin, quand il pleuvait, elle pouvait s'offrir pour faire les commissions de madame Faujas. Mais celle-ci refusa toujours l'aide de la cuisinière. Cependant, elle n'avait plus la raideur muette des premiers temps. Un matin, ayant rencontré Marthe, qui descendait du grenier où l'on conservait les fruits, elle causa un instant, elle s'humanisa même jusqu'à accepter deux superbes poires. Ce furent ces deux poires qui devinrent l'occasion d'une liaison plus étroite.

      L'abbé Faujas, de son côté, ne filait plus si rapidement le long de la rampe. Le frôlement de sa soutane sur les marches avertissait Mouret, qui, presque chaque jour maintenant, se trouvait au bas de l'escalier, heureux de faire, comme il le disait, un bout de chemin avec lui. Il l'avait remercié du petit service rendu à sa femme, tout en le questionnant habilement pour savoir s'il retournerait chez les Rougon. L'abbé s'était mis à sourire; il avouait sans embarras ne pas être fait pour le monde. Mouret fut charmé; s'imaginant entrer pour quelque chose dans la détermination de son locataire. Alors, il rêva de l'enlever complètement au salon vert, de le garder pour lui. Aussi, le soir où Marthe lui raconta que madame Faujas avait accepté deux poires, vit-il là une heureuse circonstance qui allait faciliter ses projets.

      – Est-ce que réellement ils n'allument pas de feu, au second, par le froid qu'il fait? demanda-t-il devant Rose.

      – Dame! monsieur, répondit la cuisinière, qui comprit que la question s'adressait à elle, ça serait difficile, puisque je n'ai jamais vu apporter le moindre fagot. A moins qu'ils ne brûlent leurs quatre chaises ou que madame Faujas ne monte du bois dans son panier.

      – Vous avez tort de rire, Rose, dit Marthe. Ces malheureux doivent grelotter, dans ces grandes chambres.

      – Je СКАЧАТЬ