La Conquête de Plassans. Emile Zola
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу La Conquête de Plassans - Emile Zola страница 13

Название: La Conquête de Plassans

Автор: Emile Zola

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

Серия:

isbn:

isbn:

СКАЧАТЬ eut un léger rire. Et tandis que Félicité piétinait d'anxiété, il reprit de sa voix traînante, si étrangement brisée, qu'il semblait toujours se moquer du monde:

      – Mouret, mon garçon, je t'ai apporté deux lapins; ils sont là dans un panier. Je les ai donnés à Rose… J'en avais aussi deux pour Rougon; vous les trouverez chez vous, Félicité, et vous m'en direz des nouvelles. Ah! les gredins, sont-ils gras! Je les ai engraissés pour vous… Que voulez-vous, mes enfants? moi, ça me fait plaisir, de faire des cadeaux.

      Félicité était toute pâle, les lèvres serrées, tandis que Mouret continuait à la regarder avec un rire en dessous. Elle aurait bien voulu se retirer; mais elle craignait les bavardages, si elle laissait Macquart derrière elle.

      – Merci, l'oncle, dit Mouret. La dernière fois, vos prunes étaient joliment bonnes… Vous boirez bien un coup?

      – Mais ça n'est pas de refus.

      Et, quand Rose lui eut apporté un verre de vin, il s'assit sur la rampe de la terrasse. Il but le verre avec lenteur, faisant claquer sa langue, regardant le vin au jour.

      – Ça vient du quartier de Saint-Eutrope, ce vin-là, murmura-t-il. Ce n'est pas moi qu'on tromperait. Je connais drôlement le pays.

      Il branlait la tête, ricanant.

      Alors, brusquement, Mouret lui demanda, avec une intention particulière dans la voix:

      – Et aux Tulettes, comment va-t-on?

      Il leva les yeux, regarda tout le monde; puis, faisant une dernière fois claquer la langue, posant le verre à côté de lui, sur la pierre, il répondit négligemment:

      – Pas mal… J'ai eu de ses nouvelles avant-hier. Elle se porte toujours la même chose.

      Félicité avait tourné la tête. Il y eut un silence. Mouret venait de mettre le doigt sur une des plaies vives de la famille, en faisant allusion à la mère de Rougon et de Macquart, enfermée depuis plusieurs années comme folle, à la maison des aliénés des Tulettes. La petite propriété de Macquart était voisine, et il semblait que Rougon eût posté là le vieux drôle pour veiller sur l'aïeule.

      – Il se fait tard, finit par dire ce dernier en se levant; il faut que je sois rentré avant la nuit… Dis donc, Mouret, mon garçon, je compte sur toi pour un de ces jours. Tu m'avais bien promis de venir.

      – J'irai, l'oncle, j'irai.

      – Ce n'est pas ça, je veux que tout le monde vienne; entends-tu? tout le monde… Je m'ennuie là-bas tout seul. Je vous ferai la cuisine.

      Et, se tournant vers Félicité:

      – Dites à Rougon que je compte aussisur lui et sur vous. Ce n'est pas parce que la vieille mère est là, à côté, que ça doit vous empêcher de venir; alors, il n'y aurait plus moyen de se distraire… Je vous dis qu'elle a bien, qu'on la soigne bien. Vous pouvez vous fier à moi… Vous goûterez d'un petit vin que j'ai trouvé sur un coteau de la Seille; un petit vin qui vous grise, vous verrez!

      Tout en parlant, il se dirigeait vers la porte. Félicité le suivait de si près, qu'elle semblait le pousser dehors. Tout le monde l'accompagna jusqu'à la rue. Il détachait son cheval, dont il avait noué les guides à une persienne, lorsque l'abbé Faujas, qui rentrait, passa au milieu du groupe, avec un léger salut. On eût dit une ombre noire filant sans bruit. Félicité se tourna lestement, le poursuivit du regard jusque dans l'escalier, n'ayant pas eu le temps de le dévisager. Macquart, muet de surprise, hochait la tète, murmurant:

      – Comment, mon garçon, tu loges des curés chez toi, maintenant? Et il a un singulier oeil, cet homme. Prends garde: les soutanes, ça porte malheur!

      Il s'assit sur le banc de la carriole, sifflant doucement, et descendit la rue Balande, au petit trot de son cheval. Son dos rond, avec sa casquette de fourrure, disparurent au coude de la rue Taravelle. Quand Mouret se retourna, il entendit sa belle-mère qui disait à Marthe:

      – J'aimerais mieux que ce fût toi, pour que l'invitation parût moins solennelle. Si tu trouvais moyen de lui en parler, tu me ferais plaisir.

      Elle se tut, se sentant surprise. Enfin, après avoir embrassé Désirée avec effusion, elle partit, jetant un dernier coup d'oeil, pour s'assurer que Macquart n'allait pas revenir, derrière elle, bavarder sur son compte.

      – Tu sais que je te défends absolument de te mêler des affaires de ta mère, dit Mouret à sa femme, en rentrant; elle est toujours dans un tas d'histoires où personne ne voit goutte. Que diable peut-elle vouloir faire de l'abbé? Elle ne l'inviterait pas pour ses beaux yeux, si elle n'avait point un intérêt caché. Ce curé-là n'est pas venu pour rien de Besançon à Plassans. Il y a quelque manigance là-dessous.

      Marthe s'était remise à cet éternel raccommodage du linge de la famille qui lui prenait des journées entières. Il tourna un instant encore autour d'elle, murmurant:

      – Ils m'amusent, le vieux Macquart et ta mère. Ah! pour ça, ils se détestent ferme! Tu as vu comme elle suffoquait, de le sentir ici. On dirait qu'elle a toujours peur de lui entendre raconter des choses qu'on ne doit pas savoir. Ce n'est pas l'embarras, il en raconterait de drôles… Mais ce n'est pas moi qu'on prendra chez lui. J'ai juré de ne pas me fourrer dans ce gâchis… Vois-tu, mon père avait raison de dire que la famille de ma mère, ces Rougon, ces Macquart, ne valaient pas la corde pour les pendre. J'ai de leur sang comme toi, ça ne peut pas te blesser que je dise cela. Je le dis, parce que c'est vrai. Ils ont fait fortune aujourd'hui, mais ça ne les a pas décrottés, au contraire.

      Il finit par aller faire un tour sur le cours Sauvaire, où il rencontrait des amis, avec lesquels il causait du temps, des récoltes, des événements de la veille. Une grosse commission d'amandes, dont il se chargea le lendemain, le tint pendant plus d'une semaine en allées et venues continuelles, ce qui lui fit presque oublier l'abbé Faujas. D'ailleurs, l'abbé commençait à l'ennuyer; il ne causait pas assez, il était trop cachottier. Il l'évita à deux reprises, croyant comprendre que l'autre le cherchait uniquement pour apprendre la fin des histoires sur la bande de la sous-préfecture et la bande des Rastoil. Rose lui ayant raconté que madame Faujas avait essayé de la faire causer, il s'était promis de ne plus ouvrir les lèvres. C'était un autre amusement qui occupait ses heures vides. Maintenant, quand il regardait les rideaux si bien fermés du second étage, il grommelait: – Cache-toi, va, mon bon… Je sais que tu me guettes, derrière tes rideaux; ça ne t'avance toujours pas à grand'chose. Si c'est par moi que tu comptes connaître les voisins!

      Cette pensée que l'abbé Faujas était à l'affût le réjouit extrêmement. Il se donna beaucoup de peine pour ne pas tomber dans quelque piège. Mais, un soir, comme il rentrait, il aperçut, à cinquante pas devant lui, l'abbé Bourrette et l'abbé Faujas arrêtés devant la porte de M. Rastoil. Il se cacha dans l'encoignure d'une maison. Les deux prêtres le tinrent là un grand quart d'heure. Ils causaient vivement, se séparaient, puis revenaient. Mouret crut comprendre que l'abbé Bourrette suppliait l'abbé Faujas de l'accompagner chez le président. Celui-ci s'excusait, finissait par refuser avec quelque impatience. C'était un mardi, un jour de dîner. Enfin, Bourrette entra chez M. Rastoil; Faujas se coula chez lui, de son allure humble. Mouret resta songeur. En effet, pourquoi l'abbé n'allait-il pas chez M. Rastoil? Tout Saint-Saturnin y dînait, l'abbé Fenil, l'abbé Surin et les autres. Il n'y avait pas une robe noire à Plassans qui n'eût pris le frais dans le jardin, devant la cascade. Ce refus du nouveau vicaire était une chose vraiment extraordinaire.

      Lorsque Mouret fut rentré, il alla vite au fond de son jardin, pour examiner les fenêtres du second étage. СКАЧАТЬ