Название: Le portrait de Dorian Gray
Автор: Wilde Oscar
Издательство: Public Domain
Жанр: Зарубежная классика
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– J'aimerais aller au théâtre avec vous, lord Henry, dit le jeune homme.
– Eh bien, venez, et vous aussi, n'est-ce pas, Basil.
– Je ne puis pas, vraiment… Je préfère rester, j'ai un tas de choses à faire.
– Bien donc; vous et moi, M. Gray, nous sortirons ensemble.
– Je le désire beaucoup…
Le peintre se mordit les lèvres et, la tasse à la main, il se dirigea vers le portrait.
– Je resterai avec le réel Dorian Gray, dit-il tristement.
– Est-ce là le réel Dorian Gray, cria l'original du portrait, s'avançant vers lui. Suis-je réellement comme cela?
– Oui, vous êtes comme cela.
– C'est vraiment merveilleux, Basil.
– Au moins, vous l'êtes en apparence… Mais cela ne changera jamais, ajouta Hallward… C'est quelque chose.
– Voici bien des affaires à propos de fidélité! s'écria lord Henry. Même en amour, c'est purement une question de tempérament, cela n'a rien à faire avec notre propre volonté. Les jeunes gens veulent être fidèles et ne le sont point; les vieux veulent être infidèles et ne le peuvent; voilà tout ce qu'on en sait.
– N'allez pas au théâtre ce soir, Dorian, dit Hallward… Restez dîner avec moi.
– Je ne le puis, Basil.
– Pourquoi?
– Parce que j'ai promis à lord Henry Wotton d'aller avec lui.
– Il ne vous en voudra pas beaucoup de manquer à votre parole; il manque assez souvent à la sienne. Je vous demande de n'y pas aller.
Dorian Gray se mit à rire en secouant la tête…
– Je vous en conjure…
Le jeune homme hésitait, et jeta un regard vers lord Henry qui les guettait de la table où il prenait le thé, avec un sourire amusé.
– Je veux sortir, Basil, décida-t-il.
– Très bien, repartit Hallward, et il alla remettre sa tasse sur le plateau. Il est tard, et comme vous devez vous habiller, vous feriez bien de ne pas perdre de temps. Au revoir, Harry. Au revoir, Dorian. Venez me voir bientôt, demain si possible.
– Certainement…
– Vous n'oublierez pas…
– Naturellement…
– Et…Harry?
– Moi non plus, Basil.
– Souvenez-vous de ce que je vous ai demandé, quand nous étions dans le jardin ce matin…
– Je l'ai oublié…
– Je compte sur vous.
– Je voudrais bien pouvoir compter sur moi-même, dit en riant lord Henry… Venez, M. Gray, mon cabriolet est en bas et je vous déposerai chez vous. Adieu, Basil! Merci pour votre charmante après-midi.
Comme la porte se fermait derrière eux, le peintre s'écroula sur un sofa, et une expression de douleur se peignit sur sa face.
III
Le lendemain, à midi et demi, lord Henry Wotton se dirigeait de Curzon Street vers Albany pour aller voir son oncle, lord Fermor, un vieux garçon bon vivant, quoique de rudes manières, qualifié d'égoïste par les étrangers qui n'en pouvaient rien tirer, mais considéré comme généreux par la Société, car il nourrissait ceux qui savaient l'amuser. Son père avait été notre ambassadeur à Madrid, au temps où la reine Isabelle était jeune et Prim inconnu. Mais il avait quitté la diplomatie par un caprice, dans un moment de contrariété venu de ce qu'on ne lui offrit point l'ambassade de Paris, poste pour lequel il se considérait comme particulièrement désigné en raison de sa naissance, de son indolence, du bon anglais de ses dépêches et de sa passion peu ordinaire pour le plaisir. Le fils, qui avait été le secrétaire de son père, avait démissionné en même temps que celui-ci, un peu légèrement avait-on pensé alors, et quelques mois après être devenu chef de sa maison il se mettait sérieusement à l'étude de l'art très aristocratique de ne faire absolument rien. Il possédait deux grandes maisons en ville, mais préférait vivre à l'hôtel pour avoir moins d'embarras, et prenait la plupart de ses repas au club. Il s'occupait de l'exploitation de ses mines de charbon des comtés du centre, mais il s'excusait de cette teinte d'industrialisme en disant que le fait de posséder du charbon avait pour avantage de permettre à un gentleman de brûler décemment du bois dans sa propre cheminée. En politique, il était Tory, excepté lorsque les Tories étaient au pouvoir; à ces moments-là, il ne manquait jamais de les accuser d'être un «tas de radicaux». Il était un héros pour son domestique qui le tyrannisait, et la terreur de ses amis qu'il tyrannisait à son tour. L'Angleterre seule avait pu produire un tel homme, et il disait toujours que le pays «allait aux chiens». Ses principes étaient démodés, mais il y avait beaucoup à dire en faveur de ses préjugés.
Quand lord Henry entra dans la chambre, il trouva son oncle, assis, habillé d'un épais veston de chasse, fumant un cigare et grommelant sur un numéro du Times.
– Eh bien! Harry, dit le vieux gentleman, qui vous amène de si bonne heure? Je croyais que vous autres dandis n'étiez jamais levés avant deux heures, et visibles avant cinq.
– Pure affection familiale, je vous assure, oncle Georges, j'ai besoin de vous demander quelque chose.
– De l'argent, je suppose, dit lord Fermor en faisant la grimace. Enfin, asseyez-vous et dites-moi de quoi il s'agit. Les jeunes gens, aujourd'hui, s'imaginent que l'argent est tout.
– Oui, murmura lord Henry, en boutonnant son pardessus; et quand ils deviennent vieux ils le savent, mais je n'ai pas besoin d'argent. Il n'y a que ceux qui paient leurs dettes qui en ont besoin, oncle Georges, et je ne paie jamais les miennes. Le crédit est le capital d'un jeune homme et on en vit d'une façon charmante. De plus, j'ai toujours affaire aux fournisseurs de Dartmoor et ils ne m'inquiètent jamais. J'ai besoin d'un renseignement, non pas d'un renseignement utile bien sûr, mais d'un renseignement inutile.
– Bien! je puis vous dire tout ce que contient un Livre-Bleu anglais, Harry, quoique aujourd'hui tous ces gens-là n'écrivent que des bêtises. Quand j'étais diplomate, les choses allaient bien mieux. Mais j'ai entendu dire qu'on les choisissait aujourd'hui après des examens. Que voulez-vous? Les examens, monsieur, sont une pure fumisterie d'un bout à l'autre. Si un homme est un gentleman, il en sait bien assez, et s'il n'est pas un gentleman, tout ce qu'il apprendra sera mauvais pour lui!
– M. Dorian Gray n'appartient pas au Livre-Bleu, oncle George, dit lord Henry, languide.
– M. Dorian Gray? Qui est-ce? demanda lord Fermor en fronçant ses sourcils blancs et broussailleux.
– Voilà ce que je viens apprendre, oncle Georges. Ou plutôt, je sais qui il est. C'est le dernier petit-fils de lord Kelso. Sa mère était une Devereux, Lady Margaret Devereux; je voudrais que vous me parliez de sa mère. Comment était elle? à qui fut-elle СКАЧАТЬ