Le portrait de Dorian Gray. Wilde Oscar
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Название: Le portrait de Dorian Gray

Автор: Wilde Oscar

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ de Kelso! répéta le vieux gentleman. Le petit-fils de Kelso…bien sûr…j'ai connu intimement sa mère. Je crois bien que j'étais à son baptême. C'était une extraordinairement belle fille, cette Margaret Devereux. Elle affola tous les hommes en se sauvant avec un jeune garçon sans le sou, un rien du tout, monsieur, subalterne dans un régiment d'infanterie ou quelque chose de semblable. Certainement, je me rappelle la chose comme si elle était arrivée hier. Le pauvre diable fut tué en duel à Spa quelques mois après leur mariage. Il y eut une vilaine histoire là-dessus. On dit que Kelso soudoya un bas aventurier, quelque brute belge, pour insulter son beau-fils en public, il le paya, monsieur, oui il le paya pour faire cela et le misérable embrocha son homme comme un simple pigeon. L'affaire fut étouffée, mais, ma foi, Kelso mangeait sa côtelette tout seul au club quelque temps après. Il reprit sa fille avec lui, m'a-t-on dit, elle ne lui adressa jamais la parole. Oh oui! ce fut une vilaine affaire. La fille mourut dans l'espace d'une année. Ainsi donc, elle a laissé un fils? J'avais oublié cela. Quelle espèce de garçon est-ce? S'il ressemble à sa mère ce doit être un bien beau gars.

      – Il est très beau, affirma lord Henry.

      – J'espère qu'il tombera dans de bonnes mains, continua le vieux gentleman. Il doit avoir une jolie somme qui l'attend, si Kelso a bien fait les choses à son égard. Sa mère avait aussi de la fortune. Toutes les propriétés de Selby lui sont revenues, par son grand-père. Celui-ci haïssait Kelso, le jugeant un horrible Harpagon. Et il l'était bien! Il vint une fois à Madrid lorsque j'y étais… Ma foi! j'en fus honteux. La reine me demandait quel était ce gentilhomme Anglais qui se querellait sans cesse avec les cochers pour les payer. Ce fut toute une histoire. Un mois durant je n'osais me montrer à la Cour. J'espère qu'il a mieux traité son petit-fils que ces drôles.

      – Je ne sais, répondit lord Henry. Je suppose que le jeune homme sera très bien. Il n'est pas majeur. Je sais qu'il possède Selby. Il me l'a dit. Et… sa mère était vraiment belle!

      – Margaret Devereux était une des plus adorables créatures que j'aie vues, Harry. Je n'ai jamais compris comment elle a pu agir comme elle l'a lait. Elle aurait pu épouser n'importe qui, Carlington en était fou: Elle était romanesque, sans doute. Toutes les femmes de cette famille le furent. Les hommes étaient bien peu de chose, mais les femmes, merveilleuses!

      Carlington se traînait à ses genoux; il me l'a dit lui-même. Elle lui rit au nez, et cependant, pas une fille de Londres qui ne courût après lui. Et à propos, Harry, pendant que nous causons de mariages ridicules, quelle est donc cette farce que m'a contée votre père au sujet de Dartmoor qui veut épouser une Américaine. Il n'y a donc plus de jeunes Anglaises assez bonnes pour lui?

      – C'est assez élégant en ce moment d'épouser des Américaines, oncle Georges.

      – Je soutiendrai les Anglaises contre le monde entier! Harry, fit lord Fermor en frappant du point sur la table.

      – Les paris sont pour les Américaines.

      – Elles n'ont point de résistance m'a-t-on dit, grommela l'oncle.

      – Une longue course les épuise, mais elles sont supérieures au steeple-chase. Elles prennent les choses au vol; je crois que Dartmoor n'a guère de chances.

      – Quel est son monde? répartit le vieux gentleman, a-t-elle beaucoup d'argent?

      Lord Henry secoua la tête.

      – Les Américaines sont aussi habiles à cacher leurs parents que les Anglaises à dissimuler leur passé, dit-il en se levant pour partir.

      – Ce sont des marchands de cochons, je suppose?

      – Je l'espère, oncle Georges, pour le bonheur de Dartmoor. J'ai entendu dire que vendre des cochons était en Amérique, la profession la plus lucrative, après la politique.

      – Est-elle jolie?

      – Elle se conduit comme si elle l'était. Beaucoup d'Américaines agissent de la sorte. C'est le secret de leurs charmes.

      – Pourquoi ces Américaines ne restent-elles pas dans leurs pays. Elles nous chantent sans cesse que c'est un paradis pour les femmes.

      – Et c'est vrai, mais c'est la raison pour laquelle, comme Eve, elles sont si empressées d'en sortir, dit lord Henry. Au revoir, oncle Georges, je serais en retard pour déjeuner si je tardais plus longtemps; merci pour vos bons renseignements. J'aime toujours à connaître tout ce qui concerne mes nouveaux amis, mais je ne demande rien sur les anciens.

      – Où déjeunez-vous Harry?

      – Chez tante Agathe. Je me suis invité avec M. Gray, c'est son dernier protégé.

      – Bah! dites donc à votre tante Agathe, Harry, de ne plus m'assommer avec ses oeuvres de charité. J'en suis excédé. La bonne femme croit-elle donc que je n'aie rien de mieux à faire que de signer des chèques en faveur de ses vilains drôles.

      – Très bien, oncle Georges, je le lui dirai, mais cela n'aura aucun effet. Les philanthropes ont perdu toute notion d'humanité. C'est leur caractère distinctif. Le vieux gentleman murmura une vague approbation et sonna son domestique. Lord Henry prit par l'arcade basse de Burlington Street et se dirigea dans la direction de Berkeley square.

      Telle était en effet, l'histoire des parents de Dorian Gray. Ainsi crûment racontée, elle avait tout à fait bouleversé lord Henry comme un étrange quoique moderne roman. Une très belle femme risquant tout pour une folle passion. Quelques semaines d'un bonheur solitaire, tout à coup brisé par un crime hideux et perfide. Des mois d'agonie muette, et enfin un enfant né dans les larmes.

      La mère enlevée par la mort et l'enfant abandonné tout seul à la tyrannie d'un vieillard sans coeur. Oui, c'était un bien curieux fond de tableau. Il encadrait le jeune homme, le faisant plus intéressant, meilleur qu'il n'était réellement. Derrière tout ce qui est exquis, on trouve ainsi quelque chose de tragique. La terre est en travail pour donner naissance à la plus humble fleur… Comme il avait été charmant au dîner de la veille, lorsqu'avec ses beaux yeux et ses lèvres frémissantes de plaisir et de crainte, il s'était assis en face de lui au club, les bougies pourprées mettant une roseur sur son beau visage ravi. Lui parler était comme si l'on eût joué sur un violon exquis. Il répondait à tout, vibrait à chaque trait… Il y avait quelque chose de terriblement séducteur dans l'action de cette influence; aucun exercice qui y fut comparable. Projeter son âme dans une forme gracieuse, l'y laisser un instant reposer et entendre ensuite ses idées répétées comme par un écho, avec en plus toute la musique de la passion et de la jeunesse, transporter son tempérament dans un autre, ainsi qu'un fluide subtil ou un étrange parfum: c'était là, une véritable jouissance, peut être la plus parfaite de nos jouissances dans un temps aussi borné et aussi vulgaire que le nôtre, dans un temps grossièrement charnel en ses plaisirs, commun et bas en ses aspirations… C'est qu'il était un merveilleux échantillon d'humanité, cet adolescent que, par un si étrange hasard, il avait rencontré dans l'atelier de Basil; on en pouvait faire un absolu type de beauté. Il incarnait la grâce, et la blanche pureté de l'adolescence, et toute la splendeur que nous ont conservée les marbres grecs. Il n'est rien qu'on n'en eût pu tirer. Il eût pu être un Titan aussi bien qu'un joujou. Quel malheur qu'une telle beauté fût destinée à se faner!.. Et Basil, comme il était intéressant, au point de vue du psychologue! Un art nouveau, une façon inédite de regarder l'existence suggérée par la simple présence d'un être inconscient de tout cela; c'était l'esprit silencieux qui vit au fond des bois et court dans les plaines, se montrant tout à coup, Dryade non apeurée, parce qu'en l'âme qui le recherchait avait été évoquée la merveilleuse vision par laquelle sont seules révélées les choses merveilleuses; les simples apparences des СКАЧАТЬ