Название: Ivanhoe. 1. Le retour du croisé
Автор: Вальтер Скотт
Издательство: Public Domain
Жанр: Зарубежная классика
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Ces deux écuyers étaient suivis de deux autres. À leur peau basanée, à leurs turbans blancs, et à la forme orientale de leurs vêtemens, on devinait qu'ils étaient nés dans quelque région lointaine d'Asie. Tout l'extérieur du guerrier et de son escorte avait quelque chose d'exotique et d'étrange. Le costume des écuyers était également assez recherché, et les deux Orientaux avaient des bracelets, des colliers d'argent et des cercles du même métal autour des jambes, qui étaient nues depuis la cheville jusqu'au mollet, de même que leurs bras étaient découverts jusqu'au coude. Leurs habits de soie surchargés de broderies annonçaient la richesse et l'importance de leur maître, tout en formant un singulier contraste avec la simplicité de son costume guerrier. Leurs sabres à lame recourbée, à poignée damasquinée en or, pendaient à des baudriers aussi brodés en or, et garnis de poignards turcs d'un travail encore plus merveilleux. Chacun d'eux portait à l'arçon de sa selle un faisceau de javelines à pointe acérée, d'environ quatre pieds de longueur, arme alors en usage parmi les Sarrasins, et qu'on emploie encore dans l'Orient pour l'exercice martial connu sous le nom d'El-Djerid 30.
Les chevaux de ces deux écuyers semblaient de race étrangère comme eux. Ils étaient sarrasins d'origine, conséquemment arabes. Leurs membres fins et délicats, leurs petits fanons, leur crinière déliée, et l'aisance de leurs mouvemens, contrastaient avec les chevaux puissans dont on soignait la race en Flandre et en Normandie, pour les hommes d'armes, dans le temps où ils se couvraient de la tête aux pieds d'une pesante armure en fer; ces coursiers orientaux près des coursiers normands pouvaient s'appeler une personnification du corps et de son ombre.
Le singulier aspect d'une pareille cavalcade éveilla la curiosité non seulement de Wamba, mais de son compagnon, pourtant bien moins frivole. Il reconnut le moine pour le prieur de l'abbaye de Jorvaulx, fameux à plusieurs milles à la ronde comme aimant la chasse, la table, et, si la renommée n'exagérait point, d'autres plaisirs mondains bien plus incompatibles encore avec les voeux du cloître.
Cependant les idées que l'on nourrissait sur la conduite du clergé, tant séculier que régulier, à cette époque, étaient si relâchées, que le prieur Aymer conservait une assez bonne réputation dans les environs de son abbaye. Son caractère franc et jovial, l'indulgence qu'il montrait pour tout ce que les grands appelaient des peccadilles, le faisaient accueillir près des nobles, grands et petits, et à plusieurs desquels il se trouvait allié, étant lui-même d'une famille distinguée d'origine normande. Les dames surtout n'étaient pas disposées à éplucher trop sévèrement la conduite d'un des plus chauds admirateurs de leurs charmes, et si habile à dissiper l'ennui qui ne réussissait que trop à s'introduire dans les salons et les bocages d'un château féodal. Aucun chasseur ne suivait le gibier plus vivement que le prieur, et il était connu pour avoir les faucons les mieux dressés et les lévriers les plus agiles de tout le North-Riding 31; avantage qui contribuait à faire rechercher sa société par la jeune noblesse. Il avait un autre rôle à jouer auprès des vieillards, et il s'en acquittait à merveille dans l'occasion. Ses connaissances très superficielles en littérature lui suffisaient pour imprimer à l'ignorance un profond respect; sa science prétendue, la gravité de son air et de ses discours, le ton imposant qu'il prenait en parlant de l'autorité de l'Église et du sacerdoce, donnaient presque lieu de croire à sa sainteté. Même le bas peuple, qui souvent critique le plus sévèrement la conduite de ses supérieurs, couvrait du voile de l'indulgence les faiblesses du prieur Aymer. Il était charitable, et la charité rachète une foule de péchés, dans un autre sens que ne le dit l'Écriture. Les revenus de l'abbaye, dont une grande partie se trouvait à sa disposition, en lui donnant les moyens de fournir à ses dépenses personnelles, qui étaient considérables, lui permettaient encore de faire participer à ses largesses les paysans, et de soulager quelquefois la détresse du pauvre. Si le prieur Aymer restait le dernier à table, et passait plus de temps à la chasse qu'à l'église; si on le voyait rentrer dans l'abbaye à la pointe du jour, par une porte de derrière, après avoir passé la nuit à quelque rendez-vous galant, on se contentait de hausser les épaules, et l'on s'habituait à ses désordres en songeant que la plupart de ses confrères en faisaient davantage, sans avoir les mêmes droits à l'indulgence du peuple. La personne et le caractère du prieur Aymer étaient donc choses très familières pour nos deux serfs saxons, qui le saluèrent avec respect, et qui reçurent en retour son «Benedicite, mes filz.»
L'air étrange de son compagnon et de sa suite redoublait la surprise de Gurth et de Wamba; et à peine firent-ils attention à ce que disait le prieur de l'abbaye de Jorvaulx, quand il demanda s'il y avait dans le voisinage quelque maison où ils pussent trouver un asile, tant ils étaient frappés de la tournure moitié militaire, moitié monastique, de l'étranger basané, et de l'accoutrement de ses deux écuyers orientaux, ainsi que des armes qu'ils portaient. Il est probable aussi que la langue dans laquelle la bénédiction fut donnée sonna mal aux oreilles saxonnes, quoique sans doute elle ne leur parût pas entièrement intelligible. «Je vous demande, mes enfans, dit le prieur en élevant la voix et en employant la langue française ou l'idiome composé de normand et de saxon; je vous demande s'il y a dans les environs quelque brave homme qui, par amour pour Dieu et par dévotion pour notre sainte mère l'Église, voudra donner ce soir l'hospitalité et des rafraîchissemens à deux de leurs plus humbles serviteurs.» Il s'exprimait ici d'un ton qui ne s'accordait guère avec les expressions modestes dont il avait jugé à propos de se servir.
«Deux des plus humbles serviteurs de la mère l'Église!» répéta Wamba en lui-même; car, tout fou qu'il était, il eut soin de ne pas faire cette réflexion assez haut pour être entendu. «Je voudrais bien savoir comment sont faits leurs principaux conseillers, leurs sénéchaux, leurs sommeliers!» Après ce commentaire d'intuition, en quelque sorte, sur la demande du prieur, il leva les yeux vers lui, et répondit ainsi à sa question: «Si les révérends désirent bonne chère et bon gîte, ils trouveront à quelques milles d'ici le prieuré de Brinxworth, où leur qualité ne peut que leur assurer la meilleure réception; s'ils préfèrent consacrer une partie de la soirée à la pénitence, ils n'ont qu'à prendre ce sentier, qui mène à l'ermitage de Copmanhurst, où un pieux anachorète leur accordera sans doute un abri dans sa grotte et le secours de ses prières.» – «Mon brave ami, dit le prieur en secouant la tête à ces deux indications, si le bruit continuel des clochettes qui garnissent ton bonnet ne t'avait troublé l'esprit, tu saurais que clericus clericum non decimat, c'est-à-dire que les gens d'église n'invoquent pas l'hospitalité les uns des autres, et préfèrent la demander aux laïques, pour leur fournir l'occasion de servir Dieu en honorant et secourant ses humbles serviteurs.»
«Il est vrai, dit Wamba, que, tout âne que je sois, je n'ai pas moins l'honneur de porter des clochettes comme la mule de votre Révérence. Cependant, si je ne me trompe, la charité de notre mère la sainte Église et de ses serviteurs pourrait fort bien, comme toute autre charité, commencer par s'exercer sur elle-même.»
«Trêve à ton insolence, coquin! dit le compagnon du prieur en l'interrompant d'une voix haute et fière; et dis-nous quel chemin nous devons prendre pour aller chez… Comment appelez-vous votre franklin, prieur Aymer?» – «Cedric le Saxon, répondit le prieur. Dis-moi, mon ami, sommes-nous près de sa demeure? peux-tu nous en montrer la route?» – «La route n'en est pas facile à trouver, répondit Gurth, rompant le silence pour la première fois; et la famille de Cedric se couche de très bonne heure.»
«Belle raison! dit le second voyageur: elle sera trop honorée de se lever pour des voyageurs tels que nous, qui ne nous abaissons pas à réclamer une hospitalité que nous aurions droit d'exiger.» – «Je ne sais, répondit Gurth d'un ton d'humeur, si te devrais indiquer le chemin du château de mon maître à des gens qui exigent comme un droit d'asile ce que tant d'autres veulent bien demander comme une faveur.» – «Oses-tu disputer avec moi, vilain serf,» s'écria le chevalier; et, donnant à son cheval un coup d'éperon, il lui fit faire volte-face, et s'avança СКАЧАТЬ
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L'exercice du
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District du comté d'York. A. M.