Название: Tout est bien qui finit bien
Автор: Уильям Шекспир
Издательство: Public Domain
Жанр: Драматургия
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LA COMTESSE. – Sa seule enfant, seigneur, et léguée à mes soins. J'ai d'elle toutes les bonnes espérances que promet son éducation. Elle hérite de ces heureuses dispositions qui embellissent encore les beaux dons de la nature; car, lorsqu'un naturel pervers est doué d'aimables qualités, ces éloges sont mêlés de pitié, puisque ces qualités sont à la fois des vertus et des traîtres: chez Hélène, elles sont relevées encore par sa simplicité; elle a reçu la vertu de la nature, et elle a su se rendre parfaite.
LAFEU. – Vos louanges, madame, font couler ses larmes.
LA COMTESSE. – C'est la meilleure manière dont une jeune fille puisse assaisonner l'éloge qu'elle entend d'elle. Le souvenir de son père n'approche jamais de son coeur que la violence de son chagrin ne prive ses joues de tout signe de vie. N'y pensez plus, Hélène: allons, plus de larmes; on pourrait croire que vous affectez plus de tristesse que vous n'en ressentez.
HÉLÈNE. – J'ai l'air triste, en effet; mais je le suis réellement.
LAFEU. – Des regrets modérés sont un tribut que l'on doit aux morts: le chagrin excessif est l'ennemi des vivants.
HÉLÈNE. – Si les vivants sont ennemis du chagrin, il se détruit bientôt par son excès même.
BERTRAND. – Madame, je demande votre bénédiction.
LAFEU. – Comment entendons-nous cela?
LA COMTESSE. – Reçois ma bénédiction, Bertrand. Ressemble à ton père par tes actions comme par tes traits. Que la noblesse de ton sang et ta vertu rivalisent en toi, et que ton mérite partage avec ta naissance. Aime tous les hommes; fie-toi à quelques-uns; ne fais tort à aucun. Fais craindre plutôt que sentir ta puissance à ton ennemi. Garde ton ami sous la clef de ta propre vie. Qu'on te reproche ton silence, et jamais d'avoir parlé. Que toutes les grâces que le ciel voudra t'accorder encore et que mes prières importunes pourront lui arracher, pleuvent sur ta tête! Adieu, seigneur. – Ce jeune homme est un courtisan bien novice. Mon cher seigneur, conseillez-le.
LAFEU. – Il ne peut manquer de recevoir les meilleurs conseils, si son amitié veut les écouter.
LA COMTESSE. – Que le ciel te bénisse! Adieu, Bertrand.
BERTRAND, à Hélène.-Que tous les voeux qui peuvent se former dans votre coeur soient vos serviteurs! Soyez la consolation de ma mère, votre maîtresse, et qu'elle vous soit chère.
LAFEU. – Adieu, ma belle enfant. Vous devez soutenir la réputation de votre père.
HÉLÈNE. – Oh! si c'était tout! – Je ne pense plus à mon père; et ces grosses larmes honorent plus sa mémoire que celles que j'ai répandues pour lui. – A qui ressemblait-il donc? Je l'ai oublié. Mon imagination ne conserve aucune image que celle de Bertrand. Je suis perdue; il n'y a plus de vie, plus de vie pour moi, si Bertrand s'éloigne de ces lieux. Autant vaudrait que je fusse éprise de quelque étoile brillante, et que je songeasse à l'épouser; tant il est au-dessus de moi! Il faut que je me contente de recevoir les obliques rayons de sa lumière éloignée. Je ne puis arriver jusqu'à sa sphère: ainsi l'ambition de mon amour est son propre tourment. La biche qui voudrait s'unir avec le lion doit mourir d'amour. Il m'était doux, quoique ce fût une souffrance, de le voir à toute heure, de m'asseoir devant lui, et de pouvoir graver le bel arc de ses sourcils, son oeil fier et ses cheveux bouclés, sur la table de mon coeur… mon coeur trop prompt à retracer tous les traits et les particularités de son visage chéri. Mais à présent le voilà parti, et mon amour idolâtre va sanctifier ses reliques. – Qui vient ici? – (Entre Parolles.) Un homme de sa suite, que j'aime à cause de Bertrand; et cependant je le connais pour un menteur avéré. Je le regarde comme aux trois quarts sot, et comme un lâche parfait. Cependant toutes ces mauvaises qualités lui vont si bien qu'elles trouvent un asile, tandis que la vertu, d'une trempe d'acier, se morfond exposée aux injures de l'air. Aussi voyons-nous très-souvent la Sagesse glacée au service de la Folie pompeusement parée.
PAROLLES. – Dieu vous garde, belle reine!
HÉLÈNE. – Et vous aussi, monarque!
PAROLLES. – Monarque? non.
HÉLÈNE. – Ni reine non plus.
PAROLLES. – Étiez-vous là occupée à méditer sur la virginité?
HÉLÈNE. – Oui. Vous avez quelque chose de l'air d'un guerrier. Il faut que je vous fasse une question: l'homme est l'ennemi de la virginité; par quel moyen pouvons-nous la défendre contre ses attaques?
PAROLLES. – Tenez-le à distance.
HÉLÈNE. – Mais il nous assiège; et notre virginité, quoique vaillante à la défense, est faible pourtant. Enseignez-nous donc quelque expédient guerrier pour la résistance.
PAROLLES. – Il n'y en a pas. L'homme qui met le siége devant vous vous minera et vous fera sauter en l'air.
HÉLÈNE. – Que le ciel préserve notre pauvre virginité des mineurs et des bombardiers! N'y a-t-il pas aussi un art militaire par lequel les vierges puissent contre-miner les hommes?
PAROLLES. – La virginité une fois à terre, l'homme en sautera plus vite en l'air. Diantre! en mettant de nouveau l'homme à terre, vous perdez votre ville par la brèche que vous avez faite vous-même. Dans la république de la nature, la politique n'est pas de conserver la virginité; sa perte augmente le nombre des sujets. Jamais vierge ne serait née s'il n'y avait eu auparavant une virginité de perdue. L'étoffe dont vous avez été formée est celle dont on fait les vierges. Pour une virginité perdue on en peut trouver dix: la garder toujours, c'est la perdre pour jamais. Allons, c'est une compagne trop froide; il faut s'en défaire.
HÉLÈNE. – Je la défendrai encore un peu de temps, quand je devrais m'exposer à mourir vierge.
PAROLLES. – Il y a peu de chose à dire en sa faveur: c'est contre l'ordre de la nature. Parler pour défendre la virginité, c'est accuser sa mère: ce qui est une désobéissance notoire. Celui qui se pend fait comme la vierge; car la virginité se tue elle-même: et l'on devrait l'enterrer hors de la terre bénite, dans les grands chemins, comme une coupable signalée contre la nature. La virginité engendre des mites comme le fromage; elle se consume elle-même jusqu'à la croûte, et meurt en dévorant sa propre substance. De plus, la virginité est hargneuse, arrogante, vaine, gonflée d'amour-propre; ce qui est le péché le plus expressément défendu par les canons. Ne la gardez pas: vous ne pouvez que perdre avec elle. Défaites vous-en, et dans dix ans vous l'aurez doublée, ce qui fait un intérêt très-honnête; et encore le principal lui-même n'en vaudra guère moins. Allons, ne gardez pas cela.
HÉLÈNE. – Mais que faut-il faire, monsieur, pour la perdre à son gré?
PAROLLES. – Attendez: voyons. – Que faire, dites-vous? Ma foi, mal faire: aimer celui qui ne l'aime pas. La virginité est un meuble qui perd son lustre dans le repos 4; plus on la garde, moins elle vaut: défaites-vous-en, tandis qu'elle est encore de vente: profitez du temps où on la recherche. La virginité ressemble à un vieux courtisan qui porte un habit à l'antique, riche, mais qui n'est plus de mode, comme ces parures et ces cure-dents qu'on ne porte plus aujourd'hui. Votre datte 5 vaut mieux dans un pâté ou un potage que sur vos joues; et votre virginité, votre antique virginité СКАЧАТЬ
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