Название: Le secrétaire intime
Автор: Жорж Санд
Издательство: Public Domain
Жанр: Зарубежная классика
isbn:
isbn:
«Au retour des Bourbons en France, mes parents revinrent de l'émigration, et je quittai avec regret le presbytère pour aller vivre dans le château délabré de mes ancêtres. Mon père sacrifia ses dernières ressources pour rentrer en possession du manoir qui portait son nom; mais il ne put racheter qu'une très-petite partie des terres environnantes, et l'entretien d'une vaste maison et d'un parc sans rapport achevèrent de rendre notre existence précaire et triste. Néanmoins je me flattais, dans les commencements, de goûter un bonheur nouveau pour moi dans l'intimité de ma mère, dont je me rappelais avec amour les caresses et les premiers soins. Elle était encore belle malgré ses cinquante ans, et à un esprit naturel et enjoué elle joignait assez d'instruction et de jugement; mais, par une inconcevable fatalité, nos opinions différaient sur beaucoup de points. Il est vrai que ma mère, douce et facile dans son humeur railleuse, attachait peu d'importance à nos discussions et semblait ne pas s'apercevoir de l'impression pénible que j'en recevais; mais il m'était cruel de trouver dans une femme que j'aurais voulu entourer du plus saint respect une légèreté de principes si différente de ce que j'en attendais. Peu à peu, la frivolité avec laquelle ma mère traitait mes plus chères croyances, l'espèce de pitié moqueuse qu'elle avait pour mon caractère, me rendirent plus hardi, et j'essayai de l'amener à mes idées; mais alors elle m'imposa silence avec hauteur, et me reprocha aigrement ce qu'elle appelait le pédantisme de l'intolérance. Mon père ne se mêlait jamais à nos contestations; presque toujours endormi dans son fauteuil, il ne prenait intérêt qu'à sa partie de piquet, que ma mère faisait, il est vrai, avec une obligeance infatigable; et, pourvu que rien ne gênât ses habitudes paresseuses, il s'accommodait de tous les visages et de tous les caractères. Un ami subalterne de la maison me rendit, presque malgré moi, le triste service de m'apprendre que ma mère avait souvent trompé autrefois ce débonnaire mari, et me conseilla de heurter moins imprudemment ses souvenirs, et peut-être les reproches secrets de sa conscience, par la rigidité de mes principes. Je le remerciai de son avis, et j'en profitai. Je compris que je n'avais plus le droit de discuter, puisque c'était m'arroger celui de censurer la conduite de ma mère; mais en rentrant dans la voie d'un froid respect, je sentis s'évanouir en moi cette sainte affection dont j'avais conçu l'espoir.
«Je me retirai en moi-même; je devins mélancolique, souffrant, et l'ennui s'empara de moi. Je pris dans cet isolement de l'âme une habitude de réserve qui acheva de m'aliéner le cœur de mes parents. Ils me le témoignèrent cruellement quatre ou cinq fois, et à la dernière je pris mon parti. Je partis dans la nuit, leur laissant une lettre d'humbles excuses, et leur promettant que, quelle que fût ma fortune, ils n'auraient jamais à rougir de moi. Je me mis donc en route, au hasard, tristement, et presque sans ressources, la gêne où vivaient mes parents m'interdisant de leur demander le moindre sacrifice; j'espérai en la Providence et un peu en mon courage. Votre Altesse sait le reste, et grâce à sa bonté, je n'ai pas eu longtemps à supporter les fatigues et les privations de mon voyage.
– Je te remercie, mon cher Julien, dit la princesse. Je vois que tu es un honnête homme et un noble cœur; mais laisse-moi te parler en amie et remplacer la mère que tu as abandonnée. Je crains que tu ne sois un peu entaché, à ton insu et malgré toi, de l'esprit d'obstination et d'orgueil que l'on reproche avec raison au clergé de France. Tu a subi l'influence des prêtres dans ce qu'elle a de bon principalement, mais aussi un peu dans ce qu'elle a de dangereux. Ton curé de village est sans doute un homme vertueux et franc; mais peut-être ceux qui lui reprochaient de manquer d'indulgence et de miséricorde n'avaient-ils pas absolument tort. Je n'aime pas qu'on chasse d'un pays les vagabonds et les malfaiteurs; c'est se défaire de la peste en faveur de son prochain. Il vaudrait mieux essayer de fixer et d'employer les uns, de corriger ou de contenir les autres. Ta mère me paraît une bonne femme que tu aurais mieux fait d'accepter avec ses qualités et ses défauts, et je l'estimerais encore mieux si tu avais ignoré ou enseveli dans un éternel oubli les fautes de sa jeunesse. Prends-y garde, mon enfant: ce caractère absolu, cette froide habitude de condamner en silence et de fuir sans retour et sans pardon tout ce qui ne nous ressemble pas, peut bien nous rendre coupables, dangereux aux autres et à nous-mêmes. Tu vois déjà que tu t'es fait souffrir, que tu as gâté le bonheur possible de la vie de famille; et sans doute ta mère, quelque frivole qu'elle soit, doit avoir pleuré ton départ et ses motifs. Lui donnes-tu quelquefois de tes nouvelles, au moins?
– Oui, Madame, répondit Saint-Julien.
– Eh bien, fais-le toujours, reprit-elle, et que le ton de tes lettres lui fasse oublier ce que ton absence a de cruel et de mortifiant. Au reste, ajoute la princesse en se levant et en lui tendant la main, vous avez bien fait de nous dire toutes ces choses, monsieur le comte; nous saurons mieux le respect que nous devons à vos chagrins. Mes enfants, dit-elle aux deux autres, vous avez trop d'esprit et de délicatesse pour ne pas le comprendre, le cœur de San-Giuliano n'est pas du même âge que le votre. Il ne faut pas le traiter comme un camarade d'enfance. Et toi, mon ami, dit-elle au jeune comte, il faut faire aussi quelque concession à leur jeunesse, et tâcher de te distraire avec eux. Nous réunirons tous nos efforts pour te faire l'avenir meilleur que le passé; si nous échouons, c'est que l'amitié est sans puissance et ton âme sans oubli.»
L'heure étant venue où la princesse devait se montrer pour la première fois depuis son retour à toute sa cour assemblée, elle prit le bras de Julien pour se lever; puis elle passa sur sa robe de soie une pelisse de velours brodée d'or et fourrée de zibeline. Le page prit son éventail de plumes de paon. On remit à Julien un livre à riches fermoirs sur lequel il devait inscrire les demandes présentées à la souveraine. La Ginetta, qui avait des privilèges particuliers, se mêla à trois grandes dames autrichiennes qui, par droit de noblesse, avaient la charge honorifique de paraître en public les suivantes de la princesse. Elles n'étaient guère flattées de voir une Vénitienne sans naissance et, disaient-elles, sans conduite, marcher du même pas et leur ôter sans façon des mains la queue du manteau ducal; mais la princesse avait des volontés absolues. Elle eût chassé ces douairières plutôt que de contrarier sa jeune favorite, et aucun homme de cour ne trouvait à redire à l'admission d'une si belle personne dans les salles de réception.
Конец ознакомительного фрагмента.
Текст предоставлен ООО «ЛитРес».
Прочитайте эту книгу целиком, купив полную легальную версию на ЛитРес.
Безопасно оплатить книгу можно банковской картой Visa, MasterCard, Maestro, со счета мобильного телефона, с платежного терминала, в салоне МТС или Связной, через PayPal, WebMoney, Яндекс.Деньги, QIWI Кошелек, бонусными картами или другим удобным Вам способом.