Название: Le secrétaire intime
Автор: Жорж Санд
Издательство: Public Domain
Жанр: Зарубежная классика
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Quintilia, soufflant au milieu du nuage d'opale qui flottait autour d'elle, distingua enfin son secrétaire intime, qui attendait craintivement ses ordres. «Ah! c'est toi, Giuliano? dit-elle en lui tendant sa belle main; es-tu bien dans ton nouvel appartement? Trouves-tu que j'aie été un bon factotum dans ton petit palais? À ton tour, tu auras bien des choses à faire dans le mien: mais nous parlerons de cela demain. Aujourd'hui je te présente à mes courtisans; songe à faire bonne contenance. Voyons; ton costume? marche un peu. Comment le trouves-tu, Ginetta?
– Je suis absolument de l'avis de Votre Altesse.
– Et toi, Galeotto?
– Si mademoiselle n'avait rien dit, j'aurais dit quelque chose; mais ne trouve rien de plus spirituel à répondre que ce qu'elle a trouvé.
– Ginetta, dit la princesse, je vous défends de tourmenter Galeotto. D'ailleurs, ajouta-t-elle en voyant l'air triste et contraint de Saint-Julien, ces enfantillages ne sont pas du goût de M. le comte, et il vous faudra, avec lui, brider un peu votre folle humeur.
– Madame, dit Julien, qui craignait de jouer le rôle d'un pédant, laissez, je vous en prie, leur gaieté s'exercer à mes dépens; je suis un paysan sans grâce et sans esprit, leurs sarcasmes me formeront peut-être.
– C'est notre amitié qui prendra ce soin, dit Quintilia. Mais, dis-moi, enfant, tu ne m'as pas conté ton histoire, et je ne sais pas encore par quelle bizarrerie du destin monsieur le comte de Saint-Julien m'a fait l'honneur de me suivre en Illyrie. Je gagerais qu'il y a là-dessous quelque aventure d'amour, quelque grande passion de roman, contrariée par des parents inflexibles; tu m'as bien l'air d'être venu à moi par-dessus les murs. Voyons, Ragazzo, quelle escapade avez-vous faite? pour quelle dette de jeu, pour quel grand coup d'épée, pour quelle fille enlevée ou séduite avez-vous pris votre pays par pointe?»
En parlant ainsi, elle posa son pied chaussé d'un bas de soie bleuâtre lamé d'argent sur le flanc de sa biche tachetée, et, tout en prenant sa chibouque des mains du page, elle le baisa au front avec indolence.
Cette familiarité ne troubla nullement Galeotto, qui semblait tout à fait dévoué à son rôle d'enfant; mais elle fit monter le sang au visage du timide Julien.
«Voyons, dit la princesse sans y faire attention; nous avons encore une heure à attendre l'ouverture du cérémonial; veux-tu nous raconter tes aventures?
– Hélas! Madame, répondit Julien, il vaudrait mieux m'ordonner de vous lire un conte des Mille et une Nuits ou un des romanesques épisodes de Cervantès; ce serait plus amusant pour Votre Altesse que les obscures souffrances d'un héros aussi vulgaire et d'un conteur aussi médiocre que je le suis.
– Je crois comprendre ta répugnance, Giuliano, reprit la princesse; tu crains d'être écouté avec indifférence: tu te trompes; il ne s'agit pas pour moi de satisfaire une curiosité oisive; je voudrais lire jusqu'au fond de ton cœur, afin d'éclairer mon amitié sur les moyens de te rendre heureux. Si tu doutes de l'intérêt avec lequel nous allons t'entendre, attends que la confiance te vienne. C'est à nous de savoir la mériter.
– Je serais un sot et un ingrat, répondit Julien, si je doutais de la bienveillance de Votre Altesse après les bontés dont elle m'a comblé; je crois aussi à l'amitié de mon jeune confrère, à la discrétion de la signora Gina. D'ailleurs il n'y a point de piquants mystères dans mon histoire, et les malheurs domestiques dont j'ai souffert ne peuvent être aggravés ni adoucis par la publicité.»
Galeotto prit la main de Julien et le fit asseoir sur le tapis, entre lui et l'axis favori. Le jeune comte raconta son histoire en ces termes:
«Je suis né en Normandie, de parents nobles, mais ruinés par la révolution du siècle dernier. Ma mère, en partant pour l'étranger, fut heureuse de pouvoir confier mon éducation à un prêtre à qui elle avait rendu d'importants services dans des temps meilleurs, et qui, par reconnaissance, se chargea de moi. J'avais six ans quand on m'installa au presbytère dans un riant village de ma patrie. Le curé était encore jeune, mais c'était un homme austère et fervent comme un chrétien des anciens jours. Intelligent et instruit, il se plut à étendre le cercle de mes idées aussi loin qu'il est possible de le faire sans dépasser les limites sacrées de la foi. Il jugeait toutes les choses humaines avec sévérité, mais avec calme. Ses principes étaient inflexibles, et l'extrême pureté de sa conscience lui donnait le droit d'être ferme et absolu avec les méchants. Il était peu susceptible d'enthousiasme, si ce n'est lorsqu'il s'agissait de flétrir le vice par des paroles véhémentes et de repousser l'hypocrite ostentation des faux dévots.
«Malgré cette noble sincérité et l'horreur qu'il éprouvait pour tout machiavélisme religieux, cet homme respectable était peu compris et peu aimé. On l'accusait de manquer de tolérance, et on le confondait avec les fanatiques qui, sous la robe du lévite, recèlent la haine et l'aigreur jalouse des cœurs froissés. Mais on était injuste envers lui, je puis l'affirmer. C'était le plus chaste et en même temps le moins chagrin des prêtres. La fermeté, l'esprit d'ordre et l'amour de la justice, qui étaient les principaux traits de son caractère, entretenaient dans ses manières et dans ses mœurs une sérénité patriarcale. Sa maison était rigoureusement bien tenue; sa sœur, digne et excellente ménagère, distribuait ses aumônes avec discernement, et il avait si bien surveillé sa paroisse, qu'on n'y voyait plus aucun malfaiteur ni aucun vagabond troubler le repos ou effaroucher la conscience des honnêtes gens.
«C'est là ce qui faisait dire à des philanthropes imprudents qu'il se conduisait plutôt en justicier inflexible qu'en apôtre miséricordieux. Ces gens-là ne voulaient pas comprendre qu'il faisait la guerre au vice, et ne haïssait dans les hommes que la souillure de leurs péchés.
«Pour moi, j'aimais en lui toutes choses, mais principalement cette vertueuse rigueur, qui éclairait tous les doutes de ma conscience et qui aplanissait toutes les difficultés de mon chemin. Guidé par lui, je me sentais capable d'être vertueux comme lui. Ses conseils, ses encouragements et ses éloges n'inondaient d'une joie céleste, et je ne craignais point de chercher dans un noble orgueil la force dont l'homme a besoin pour traverser les séductions coupables. Il m'exhortait à ce sentiment d'estime envers moi-même, et me le faisait envisager comme la plus sûre garantie contre la dépravation d'un siècle sans croyance.»
À cet endroit du récit de Julien, la Ginetta laissa tomber son éventail, et ses regards vagues, qui tenaient le milieu entre le sommeil et la préoccupation, troublèrent un peu le narrateur. Galeotto sourit à demi et lui dit: «Prenez courage, mon cher monsieur de Fénelon; cette frivole Cidalise n'est bonne qu'à découper du papier et à friser des petits chiens.» La princesse lui imposa silence et pria Saint-Julien de continuer.
«Lorsque j'entrai dans l'adolescence, un trouble inconnu vint porter l'épouvante dans mes rêves et dans mes prières. Je m'en confessai à mon instituteur, non comme à un prêtre, mais comme à un ami. Il me répondit avec franchise et me révéla hardiment tous les secrets de la vie. – Si vous étiez destiné à la virginité du sacerdoce, me dit-il, j'essaierais de prolonger votre ignorance ou d'éteindre par la crainte les ardeurs de votre jeune imagination; mais le germe des passions se révèle chez vous avec trop de vivacité pour que j'essaie jamais de vous retirer du monde, où votre place est marquée. Il ne s'agit que de bien diriger les passions, pour qu'elles soient fertiles en nobles pensées et en belles actions.
«Alors il essaya de me peindre les deux sortes d'amours qui souillent ou purifient les âmes: l'attrait du plaisir qui, sans l'autre amour, ne conduit qu'à l'abrutissement de l'esprit; et СКАЧАТЬ