La comtesse de Rudolstadt. Жорж Санд
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Читать онлайн книгу La comtesse de Rudolstadt - Жорж Санд страница 13

Название: La comtesse de Rudolstadt

Автор: Жорж Санд

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ La princesse va être malade, cela servira à cacher sa joie, il ne faut pas qu'elle paraisse se douter de l'évasion de Trenck, ni vous non plus. Le roi la sait à l'heure qu'il est, cela est certain. Il aura de l'humeur, des soupçons affreux, et sur tout le monde. Prenez bien garde à vous. Vous êtes perdue tout aussi bien que moi, s'il découvre que vous avez remis cette lettre à la princesse; et les femmes vont à la forteresse aussi bien que les hommes dans ce pays-ci. On les y oublie à dessein, tout comme les hommes; elles y meurent, tout comme les hommes. Vous voilà avertie, adieu. Chantez, et partez sans bruit comme sans mystère. Nous serons au moins huit jours sans vous revoir, pour détourner tout soupçon. Comptez sur la reconnaissance de la princesse. Elle est magnifique, et sait récompenser le dévouement…

      – Hélas! Madame, dit tristement la Porporina, vous croyez donc qu'il faut des menaces et des promesses avec moi? Je vous plains d'avoir cette pensée!»

      Brisée de fatigue après les émotions violentes qu'elle venait de partager, et malade encore de sa propre émotion de la veille, la Porporina se mit pourtant au clavecin, et commençait à chanter, lorsqu'une porte s'ouvrit derrière elle si doucement, qu'elle ne s'en aperçut pas; et tout à coup, elle vit dans la glace à laquelle touchait l'instrument la figure du roi se dessiner à côté d'elle. Elle tressaillit et voulut se lever; mais le roi, appuyant le bout de ses doigts secs sur son épaule, la contraignit de rester assise et de continuer. Elle obéit avec beaucoup de répugnance et de malaise. Jamais elle ne s'était sentie moins disposée à chanter, jamais la présence de Frédéric ne lui avait semblé plus glaciale et plus contraire à l'inspiration musicale.

      «C'est chanté dans la perfection, dit le roi lorsqu'elle eut fini son morceau, pendant lequel elle avait remarqué avec terreur qu'il était allé sur la pointe du pied écouter derrière la porte entr'ouverte de la chambre à coucher de sa sœur. Mais je remarque avec chagrin, ajouta-t-il, que cette belle voix est un peu altérée ce matin. Vous eussiez dû vous reposer, au lieu de céder à l'étrange caprice de la princesse Amélie, qui vous fait venir pour ne pas vous écouter.

      – Son Altesse royale s'est trouvée subitement indisposée, répondit la jeune fille effrayée de l'air sombre et soucieux du roi, et on m'a ordonné de continuer à chanter pour la distraire.

      – Je vous assure que c'est peine perdue, et qu'elle ne vous écoute pas du tout, reprit le roi sèchement. Elle est là dedans qui chuchote avec madame de Kleist, comme si de rien n'était; et puisque c'est ainsi, nous pouvons bien chuchoter ensemble ici, sans nous soucier d'elles. La maladie ne me paraît pas grave. Je crois que votre sexe va très-vite en ce genre d'un excès à l'autre. On vous croyait morte hier au soir; qui se serait douté que vous fussiez ici ce matin à soigner et à divertir ma sœur? Auriez-vous la bonté de me dire par quel hasard vous vous êtes fait présenter ici de but en blanc?»

      La Porporina, étourdie de cette question, demanda au ciel de l'inspirer.

      «Sire, répondit-elle en s'efforçant de prendre de l'assurance, je n'en sais trop rien moi-même. On m'a fait demander ce matin la partition que voici. J'ai pensé qu'il était de mon devoir de l'apporter moi-même. Je croyais déposer mes livres dans l'antichambre et m'en retourner bien vite. Madame de Kleist m'a aperçue. Elle m'a nommée à Son Altesse, qui a eu apparemment la curiosité de me voir de près. On m'a forcée d'entrer. Son Altesse a daigné m'interroger sur le style de divers morceaux de musique; puis se sentant malade, elle m'a ordonné de lui faire entendre celui-ci pendant qu'elle se mettrait au lit. Et maintenant, je pense qu'on daignera me permettre d'aller à la répétition…

      – Ce n'est pas encore l'heure, dit le roi: je ne sais pas pourquoi les pieds vous grillent de vous sauver quand je veux causer avec vous.

      – C'est que je crains toujours d'être déplacée devant Votre Majesté.

      – Vous n'avez pas le sens commun, ma chère.

      – Raison de plus, Sire!

      – Vous resterez,» reprit-il en la forçant de se rasseoir devant le piano, et en se plaçant debout vis-à-vis d'elle.

      Et il ajouta en l'examinant d'un air moitié père, moitié inquisiteur:

      «Est-ce vrai, tout ce que vous venez de me conter là!»

      La Porporina surmonta l'horreur qu'elle avait pour le mensonge. Elle s'était dit souvent qu'elle serait sincère sur son propre compte avec cet homme terrible, mais qu'elle saurait mentir s'il s'agissait jamais du salut de ses victimes. Elle se voyait arrivée inopinément à cet instant de crise où la bienveillance du maître pouvait se changer en fureur. Elle en eût fait volontiers le sacrifice plutôt que de descendre à la dissimulation; mais le sort de Trenck et celui de la princesse reposaient sur sa présence d'esprit et sur son intelligence. Elle appela l'art de la comédienne à son secours, et soutint avec un sourire malin le regard d'aigle du roi: c'était plutôt celui du vautour dans ce moment-là.

      «Eh bien, dit le roi, pourquoi ne répondez-vous pas?

      – Pourquoi Votre Majesté veut-elle m'effrayer en feignant de douter de ce que je viens de dire?

      – Vous n'avez pas l'air effrayé du tout. Je vous trouve, au contraire, le regard bien hardi ce matin.

      – Sire, on n'a peur que de ce qu'on hait. Pourquoi voulez-vous que je vous craigne?»

      Frédéric hérissa son armure de crocodile pour ne pas être ému de cette réponse, la plus coquette qu'il eût encore obtenue de la Porporina. Il changea aussitôt de propos, suivant sa coutume, ce qui est un grand art, plus difficile qu'on ne pense.

      «Pourquoi vous êtes-vous évanouie, hier soir, sur le théâtre?

      – Sire, c'est le moindre souci de Votre Majesté, et c'est mon secret à moi.

      – Qu'avez-vous donc mangé à votre déjeuner pour être si dégagée dans votre langage avec moi, ce matin?

      – J'ai respiré un certain flacon qui m'a remplie de confiance dans la bonté et dans la justice de celui qui me l'avait apporté.

      – Ah! vous avez pris cela pour une déclaration! dit Frédéric d'un ton glacial et avec un mépris cynique.

      – Dieu merci, non! répondit la jeune fille avec un mouvement d'effroi très-sincère.

      – Pourquoi dites-vous Dieu merci?

      – Parce que je sais que Votre Majesté ne fait que des déclarations de guerre, même aux dames.

      – Vous n'êtes ni la czarine, ni Marie-Thérèse; quelle guerre puis-je avoir avec vous?

      – Celle que le lion peut avoir avec le moucheron.

      – Et quelle mouche vous pique, vous, de citer une pareille fable? Le moucheron fit périr le lion à force de le harceler.

      – C'était sans doute un pauvre lion, colère et par conséquent faible. Je n'ai donc pu penser à cet apologue.

      – Mais le moucheron était âpre et piquant. Peut-être que l'apologue vous sied bien!

      – Votre Majesté le pense?

      – Oui.

      – Sire, vous mentez?»

      Frédéric prit le poignet de la jeune fille, et le serra convulsivement jusqu'à le meurtrir. Il y avait de la colère et de l'amour dans ce mouvement bizarre. La Porporina ne changea pas de visage, et le СКАЧАТЬ