Spiridion. Жорж Санд
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Название: Spiridion

Автор: Жорж Санд

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ mentales, phase douloureuse de la maladie, dont il était sorti et dont il n'avait plus conscience. Aussi me gardais-je bien de lui en parler, dans la crainte de l'affliger. Si son état physique empirait, du moins son cerveau paraissait très-bien rétabli; il pensait et ne rêvait plus.

      Comme il ne prenait aucun soin de sa santé, il ne voulait s'astreindre à aucun régime. Je n'avais plus guère d'espérance de le voir se rétablir. Il repoussait toutes mes instances, disant que l'arrêt du destin était inévitable, et parlant avec une résignation toute chrétienne de la fatalité, qu'il semblait concevoir à la manière des musulmans. Enfin, un jour, m'étant jeté à ses pieds, et l'ayant supplié avec larmes de consulter un célèbre médecin qui se trouvait alors dans le pays, je le vis céder à mes vœux avec une complaisance mélancolique.

      «Tu le veux, me dit-il; mais à quoi bon? que peut un homme sur un autre homme? relever quelque peu les forces de la matière et y retenir le souffle animal quelques jours de plus! L'esprit n'obéit jamais qu'au souffle de l'Esprit; et l'Esprit qui règne sur moi ne cédera pas à la parole d'un médecin, d'un homme de chair et d'os! Quand l'heure marquée sonnera, il faudra restituer l'étincelle de mon âme au foyer qui me l'a départie. Que feras-tu d'un homme en enfance, d'un vieillard idiot, d'un corps sans âme?»

      Il consentit néanmoins à recevoir la visite du médecin. Celui-ci s'étonna, en le voyant, de trouver un homme encore si jeune (le père Alexis n'avait pas plus de soixante ans) et d'une constitution si robuste dans un tel état d'épuisement. Il jugea que les travaux de l'intelligence avaient ruiné ce corps trop négligé, et je me souviens qu'il lui dit ces paroles proverbiales qui frappèrent mon oreille pour la première fois:

      «Mon père, la lame a usé le fourreau.

      – Qu'est-ce qu'une misérable gaine de plus ou de moins? répondit mon maître en souriant; la lame n'est-elle pas indestructible?

      – Oui, répondit le docteur; mais elle peut se rouiller quand la gaine usée ne la protège plus.

      – Qu'importé qu'une lame ébréchée se rouille? reprit le père Alexis; elle est déjà hors de service. Il faut que le métal soit remis dans la fournaise pour être travaillé et employé de nouveau.»

      Le docteur voyant que j'étais le seul qui portât un sincère intérêt au père Alexis, me prit à part et m'interrogea avec détail sur son genre de vie. Quand il sut de moi l'excès du travail auquel s'abandonnait mon maître, et l'excitation qu'il entretenait dans son cerveau, il dit comme se parlant à lui-même:

      «Il est évident que le four a trop chauffé; il y a peu de ressources; la flamme sublime a tout dévoré; il faudra essayer de l'éteindre un peu.»

      Il écrivit une ordonnance, et m'engagea à la faire exécuter fidèlement, après quoi il demanda à son malade la permission de l'embrasser, le peu d'instants qu'il avait passés près de lui ayant gagné son cœur. Cette marque de sympathie pour mon maître me toucha et m'attrista profondément; ce baiser ressemblait à un éternel adieu. Le docteur devait repasser dans le pays à la fin de la saison où nous venions d'entrer.

      Les remèdes qu'il avait prescrits eurent d'abord un effet merveilleux. Mon bon maître retrouva l'aisance et l'activité de ses membres; son estomac devint plus robuste, et il eut plusieurs nuits d'un excellent sommeil. Mais je n'eus pas longtemps lieu de me réjouir; car, à mesure que son corps se fortifiait, son esprit tombait dans la mélancolie. La mélancolie fut suivie de tristesse, la tristesse d'engourdissement, l'engourdissement de désordre. Puis toutes ces phases se répétèrent alternativement dans la même journée, et toutes ses facultés perdirent leur équilibre. Je vis reparaître ces somnolences durant lesquelles son cerveau travaillait péniblement sur des chimères. Je vis reparaître aussi le maudit livre blanc qui m'avait tant déplu; et non-seulement il y lisait, mais il y traçait chaque jour des caractères imaginaires avec une plume qu'il ne songeait point à imbiber d'encre. Un profond ennui et une inquiétude secrète semblaient miner les ressorts détendus de son âme. Pourtant il continuait à me témoigner la même bonté, la même tendresse; il essaya, malgré moi, de continuer mes leçons; mais il s'assoupissait au bout d'un instant, et, s'éveillant en sursaut, il me saisissait le bras en me disant:

      «Tu l'as pourtant vu, n'est-ce pas? Tu l'as bien vu? Ne l'as-tu donc vu qu'une fois?

      – Ô mon bon maître! lui disais-je, que ne puis-je ramener près de vous cet ami qui vous est si cher! sa présence adoucirait votre mal et ranimerait votre âme.»

      Mais alors il s'éveillait tout à fait, et me disait:

      «Tais-toi, imprudent, tais-toi; de quoi parles-tu là, malheureux? Tu veux donc qu'il ne revienne plus, et que je meure sans l'avoir revu?»

      Je n'osais ajouter un mot; toute curiosité était morte en moi. Il n'y avait plus de place que pour la douleur, et le sentiment d'une vague épouvante était le seul qui vint parfois s'y mêler.

      Une nuit, qu'accablé de fatigue je m'étais endormi plus tôt et plus profondément que de coutume, je fis un songe, je rêvai que je revoyais le bel inconnu dont l'absence affligeait tant mon maître. Il s'approchait de mon lit, et se penchant vers moi, il me parlait à l'oreille:

      «Ne dites pas que je suis là, me disait-il; car ce vieillard obstiné s'acharnerait à me voir, et je ne veux le visiter qu'à l'heure de sa mort.»

      Je le suppliai d'aller vers mon maître, lui disant qu'il soupirait après sa venue, et que les douleurs de son âme étaient dignes de pitié. Je m'éveillais alors et me mettais sur mon séant; car j'avais l'esprit frappé de ce rêve, et j'avais besoin d'ouvrir les yeux et d'étendre les bras pour me convaincre que c'était un fantôme créé par le sommeil. Par trois fois ce jeune homme m'apparut dans toute sa douceur et dans toute sa beauté. Sa voix résonnait à mon oreille comme les sons éloignés d'une lyre, et sa présence répandait un parfum comme celui des lis au lever de l'aurore. Par trois fois je le suppliai d'aller visiter mon maître, et par trois fois je m'éveillai et me convainquis que c'était un songe; mais à la troisième, j'entendis de la cellule voisine le père Alexis qui m'appelait avec véhémence. Je courus à lui, et, à la lueur d'une veilleuse qui brûlait sur la table, je le vis assis sur son lit, les yeux brillants, la barbe hérissée, et comme hors de lui-même.

      «Vous l'avez vu! me dit-il d'une voix forte et rude, qui n'avait rien de son timbre ordinaire. Vous l'avez vu, et vous ne m'avez pas averti! il vous a parlé, et vous ne m'avez pas appelé! il vous a quitté, et vous ne l'avez pas envoyé vers moi! Malheureux! serpent réchauffé dans mon sein! vous m'avez enlevé mon ami, et mon hôte est devenu le vôtre; vipère! vous m'avez trahi, vous m'avez dépouillé, vous me donnez la mort!»

      Il se jeta en arrière sur son chevet, et resta privé de sentiment pendant plusieurs minutes. Je crus qu'il venait d'expirer; je frottai ses tempes glacées avec l'essence qu'il avait coutume d'employer lorsqu'il était menacé de défaillance. Je réchauffai ses pieds avec ma robe, et ses mains avec mon haleine. Je ne percevais plus le bruit de la sienne, et ses doigts étaient raidis par un froid mortel. Je commençais à me désespérer, lorsqu'il revint à lui, et, se soulevant doucement, il appuya sa tête sur mon épaule:

      «Angel, que fais-tu près de moi à cette heure? me dit-il avec, une douceur ineffable. Suis-je donc plus malade que de coutume! Mon pauvre enfant, je suis cause de tes soucis et de tes fatigues.»

      Je ne voulus pas lui dire ce qui s'était passé, et encore moins lui demander compte de l'incroyable coïncidence de sa vision avec la mienne; j'eusse craint de réveiller son délire. Il semblait n'en avoir pas gardé le moindre souvenir, et il exigea que je retournasse à mon lit. J'obéis, mais je restai attentif à tous ses mouvements; il me sembla qu'il dormait, et que sa respiration était gênée; son oppression augmentait СКАЧАТЬ