Spiridion. Жорж Санд
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Название: Spiridion

Автор: Жорж Санд

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ la vôtre qui semblait vous gourmander durement. Vous lui répondiez avec l'accent de la crainte et de la douleur; et, comme j'étais effrayé de cela, je suis venu dans votre chambre pour vous secourir, et je vous ai trouvé seul, accablé et pleurant amèrement. Qu'était-ce donc?

      – C'était lui.

      – Lui! qui, lui?

      – Tu le sais bien, puisqu'il était avec toi, puisqu'il t'avait appelé par trois fois, comme l'esprit du Seigneur appela durant la nuit le jeune Samuel endormi dans le temple.

      – Comment le savez-vous, mon père?»

      Alexis ne sembla pas entendre ma question. Il resta quelque temps absorbé, la tête baissée sur la poitrine; puis il reprit la parole sans changer de position ni faire aucun mouvement:

      «Dis-moi, Angel, quand l'as-tu vu? c'était en plein jour?

      – Oui, mon père, à l'heure de midi. Vous m'avez déjà fait cette question.

      – Et le soleil brillait?

      – Il rayonnait sur sa face.

      – Ne l'as-tu vu que cette seule fois?»

      J'hésitais à répondre; je craignais d'être dupe d'une illusion et de donner par mes propres aberrations de la consistance à celles d'Alexis.

      «Tu l'as vu une autre fois! s'écria-t-il avec impatience, et tu ne me l'as pas dit!

      – Mon bon maître, quelle importance voulez-vous donner à des apparitions qui ne sont peut-être que l'effet d'une ressemblance fortuite ou même de simples jeux de la lumière?

      – Angel, que voulez-vous dire? Ce que vous voulez me cacher m'est révélé par vos réticences mêmes. Parlez, il le faut, il y va du repos de mes derniers jours!»

      Vaincu par sa persistance, je lui racontai, pour le satisfaire, la frayeur que j'avais eue dans la sacristie un jour que, me croyant seul et sortant d'un profond évanouissement, j'avais entendu murmurer des paroles et vu passer une ombre sans pouvoir m'expliquer ensuite ces choses d'une manière naturelle.

      Alors le prieur me toisant de la tête aux pieds…

      «Et quelles étaient ces paroles? dit Alexis.

      – Un appel à Dieu en faveur des victimes de l'ignorance et de l'imposture.

      – Comment appelait-il celui qu'il invoquait? Disait-il: Ô Esprit! ou bien disait-il: Ô Jéhovah!

      – Il disait: Ô Esprit de sagesse!

      – Et comment était faite cette ombre?

      – Je ne le sais point. Elle sortit de l'obscurité, et se perdit dans le rayon qui tombait de la fenêtre, avant que j'eusse eu le temps ou le courage de l'examiner. Mais, écoutez, mon bon maître, j'ai toujours pensé que c'était vous qui, appuyé contre la fenêtre, et vous parlant à vous-même…»

      Alexis fit un geste d'incrédulité.

      «Pourriez-vous avoir gardé le souvenir du contraire, sans cesse errant, à cette époque, dans les jardins, et fortement préoccupé comme vous l'êtes toujours?

      – Mais tu l'as vu d'autres fois encore? interrompit Alexis avec une sorte de violence. Tu ne veux pas me dire tout, tu veux que je meure sans léguer mon secret à un ami! Réponds à cette question, du moins. Quand tu te promenais seul dans les beaux jours, le long des allées écartées du jardin, et qu'en proie à de douloureuses pensées, tu invoquais une providence amie des hommes, n'as-tu pas entendu derrière tes pas d'autres pas qui faisaient crier le sable?»

      Je tressaillis, et lui dis que ce bruit de pas m'avait poursuivi dans la salle du chapitre la veille même.

      «Et alors rien ne t'est apparu?»

      J'avouai l'effet prodigieux du soleil sur le portrait du fondateur. Il serra ses mains l'une dans l'autre avec transport, en répétant à plusieurs reprises:

      «C'est lui, c'est lui!.. Il t'a choisi, il t'a envoyé, il veut que je te parle. Eh bien! je vais te parler. Recueille tes pensées, et qu'une vaine curiosité n'agite point ton âme. Reçois la confidence que je vais te faire, comme les fleurs au matin reçoivent avec calme la délicieuse rosée du ciel. As-tu jamais entendu parler de Samuel Hébronius?

      – Oui, mon père, s'il est en effet le même que l'abbé Spiridion.»

      Et je lui rapportai ce que le trésorier m'avait raconté.

      Une figure épouvantable…

      Le père Alexis haussa les épaules avec une expression de mépris, et me parla en ces termes:

      «Il est d'autres héritages que ceux de la famille, où l'on se lègue, selon la chair, les richesses matérielles. D'autres parentés plus nobles amènent souvent des héritages plus saints. Quand un homme a passé sa vie à chercher la vérité par tous les moyens et de tout son pouvoir, et qu'à force de soins et d'étude il est arrivé à quelques découvertes dans le vaste monde de l'esprit, jaloux de ne pas laisser s'enfouir dans la terre le trésor qu'il a trouvé, et rentrer dans la nuit le rayon de lumière qu'il a entrevu, dès qu'il sent approcher son terme, il se hâte de choisir parmi des hommes plus jeunes une intelligence sympathique à la sienne, dont il puisse faire, avant de mourir, le dépositaire de ses pensées et de sa science, afin que l'œuvre sacrée, ininterrompue malgré la mort du premier ouvrier, marche, s'agrandisse, et, perpétuée de race en race par des successions pareilles, parvienne à la fin des temps à son entier accomplissement. Et crois bien, mon fils, qu'il est besoin, pour entreprendre et continuer de pareils travaux, pour faire accepter de pareils legs, d'une intelligence généreuse et d'un fort dévoûment, quand on sait d'avance qu'on ne connaîtra pas le mot de la grande énigme à l'intelligence de laquelle on a pourtant consacré sa vie. Pardonne-moi cet orgueil, mon enfant; ce sera peut-être la seule récompense que je retirerai de toute cette vie de labeur; peut-être sera-ce le seul épi que je récolterai dans le rude sillon que j'ai labouré à la sueur de mon front. Je suis l'héritier spirituel du père Fulgence, comme tu seras le mien, Angel. Le père Fulgence était un moine de ce couvent; il avait, dans sa jeunesse, connu le fondateur, notre vénéré maître Hébronius, ou, comme on l'appelle ici, l'abbé Spiridion. Il était alors pour lui ce que tu es pour moi, mon fils; il était jeune et bon, inexpérimenté et timide comme toi; son maître l'aimait comme je t'aime, et il lui apprit, avec une partie de ses secrets, l'histoire de sa vie. C'est donc de l'héritier même du maître que je tiens les choses que je vais te redire.

      «Pierre Hébronius ne s'appelait pas ainsi d'abord. Son vrai nom était Samuel. Il était juif, et né dans un petit village des environs d'Inspruck. Sa famille, maîtresse d'une assez grande fortune, le laissa, dans sa première jeunesse, complétement libre de suivre ses inclinations. Dès l'enfance il en montra de sérieuses. Il aimait à vivre dans la solitude, et passait ses journées et quelquefois ses nuits à parcourir les âpres montagnes et les étroites vallées de son pays. Souvent il allait s'asseoir sur le bord des torrents ou sur les rives des lacs, et il y restait longtemps à écouter la voix des ondes, cherchant à démêler le sens que la nature cachait dans ces bruits. À mesure qu'il avança en âge, son intelligence devint plus curieuse et plus grave. Il fallut donc songer à lui donner une instruction solide. Ses parents l'envoyèrent étudier aux universités d'Allemagne. Il y avait à peine un siècle que Luther était mort, et son souvenir et sa parole vivaient encore dans l'enthousiasme de ses disciples. La nouvelle loi affermissait les conquêtes qu'elle avait faites, et semblait СКАЧАТЬ