Les affinités électives. Johann Wolfgang von Goethe
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Читать онлайн книгу Les affinités électives - Johann Wolfgang von Goethe страница 14

Название: Les affinités électives

Автор: Johann Wolfgang von Goethe

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ les plus pittoresques et les plus inattendus. Ici s'étendaient des villages, des bourgs et des prairies; là, des collines boisées s'échelonnaient avec grâce, et plus loin une charmante métairie se cachait au milieu des arbres qui couronnaient la plus haute de ces collines.

      Un bois touffu borna tout à coup la vue, et lorsque nos promeneurs l'eurent traversé, ils se trouvèrent, à leur grande satisfaction, sur la montagne en face du château, et à la place où, d'après les plans du Capitaine, devait bientôt s'élever une jolie maison d'été. Après une courte halte, on descendit jusqu'à la cabane de mousse, et, pour la première fois, les quatre amis s'y trouvèrent réunis. La conversation roula naturellement sur les difficultés du terrain que l'on venait de parcourir. Le Capitaine assura que rien n'était plus facile que d'y tracer une route commode et pittoresque. Chacun donna son opinion sur cette route, et les imaginations s'exaltèrent au point que, de la pensée du moins, on la voyait déjà finie, et l'on s'y promenait avec délices. Charlotte détruisit tout à coup ces rêves charmants en calculant la dépense qu'occasionnerait un pareil travail.

      – Il sera facile de lever cette difficulté, répliqua Édouard: la petite métairie si pittoresquement située sur la colline ne me rapporte presque rien, je la vendrai, et ce capital, employé à nous procurer un plaisir de tous les jours, sera mieux placé que dans ce bien dont j'ai tant de peine à me faire payer le mince fermage.

      Charlotte ne trouva plus d'objection à faire, et le Capitaine proposa de vendre les terres en détail, afin d'en tirer une somme plus forte. Les tracasseries inséparables d'un pareil morcellement effrayèrent Édouard et l'on décida, d'un commun accord, que la métairie serait vendue à un bon fermier qui la désirait depuis longtemps. On savait qu'il faudrait lui accorder des termes, ce qui était facile, puisqu'on pouvait régler la marche des travaux d'après les époques du paiement.

      A peine nos amis furent-ils de retour au château, que le Capitaine étala ses plans et ses cartes sur une grande table; on les consulta afin d'harmoniser les nouveaux projets avec les anciens. Plusieurs changements étaient en effet devenus indispensables; mais la place de la maison d'été resta irrévocablement fixée sur le penchant de la montagne en face du château.

      Ottilie qui ne se permettait jamais de donner son avis avait gardé un profond silence. Le Baron poussa devant elle les cartes et les plans que le Capitaine ne semblait avoir étalés que pour Charlotte, et la pria si instamment et avec tant de bonté de dire sa pensée, puisque rien n'était fait encore, qu'elle se laissa entraîner.

      – C'est là, dit-elle, en posant le bout de son doigt sur le point le plus élevé de la montagne, oui, c'est là que je ferais construire la maison d'été. Il est vrai qu'on n'y verrait pas le château, mais on jouirait d'un avantage réel, celui d'avoir sous ses yeux des sites nouveaux et des objets tout à fait différents de ceux que nous voyons tous les jours ici. Sur cette plate-forme, la vue est vraiment admirable; j'en ai été frappée, et cependant je n'ai fait qu'y passer.

      – Elle a raison, s'écria Édouard, comment cette idée ne nous est-elle pas venue? N'est-ce pas, Ottilie, continua-t-il en posant à son tour le doigt sur la carte, c'est bien là que doit s'élever la maison d'été?

      Ottilie fit un signe affirmatif, et le Baron traça un grand carré long, au crayon, sur le point indiqué. Le Capitaine se sentit blessé au coeur en voyant ainsi salir sa carte si soigneusement dessinée et lavée. Il se contint cependant, et eut même la générosité d'approuver l'avis d'Ottilie.

      – Oui, oui, dit-il, ce n'est pas seulement pour prendre une tasse de café ou pour manger un poisson avec plus d'appétit qu'à l'ordinaire qu'on fait de longues promenades et qu'on construit des maisons de campagne. Nous demandons de la variété et des objets nouveaux. Tes ancêtres, mon cher Édouard, ont sagement placé ce château à l'abri des vents et à la portée de toutes les choses nécessaires à la vie. Une demeure spécialement consacrée aux parties de plaisir ne saurait être mieux située que sur la plate-forme qu'Ottilie vient de désigner; nous y passerons certainement des heures fort agréables.

      Édouard était triomphant, la certitude que l'idée de sa jeune amie était réellement bonne, le rendait plus fier et plus heureux que s'il avait eu lui-même cette idée.

      CHAPITRE VIII

      Dès le lendemain matin, le Capitaine visita le lieu indiqué, et il le trouva en effet le seul convenable. Dans le courant de la journée, il y conduisit ses amis; on fit et on refit des dessins, des plans et des calculs, puis on s'occupa sérieusement de la vente de la métairie. Ce fut ainsi que les deux hommes se trouvèrent jetés de nouveau dans une vie active et agitée.

      L'anniversaire de la naissance de Charlotte n'était pas très-éloigné, et le Capitaine chercha à persuader à son ami qu'il était de son devoir de célébrer ce jour en faisant poser à sa femme la première pierre de la maison d'été. Connaissant l'aversion du Baron pour ces sortes de solennités, il s'était attendu à une vive opposition; mais Édouard céda sans difficultés. Il s'était dit à lui-même qu'une fête en l'honneur de sa femme, l'autoriserait à en donner une plus tard pour célébrer l'anniversaire de la naissance d'Ottilie.

      Tant d'entreprises projetées, qui toutes avaient déjà un commencement d'exécution, occupèrent sérieusement Charlotte; parfois même elles lui causèrent de graves inquiétudes, et alors elle passait une partie de ses journées à calculer les dépenses probables en les comparant à l'état de leur fortune. On se voyait peu pendant le jour, mais le soir on se cherchait avec plus d'empressement.

      Pendant ce temps Ottilie acheva de s'assurer, sans le savoir, le gouvernement absolu de la maison; et pouvait-il en être autrement? La nature l'avait créée pour la vie domestique, l'intérieur du ménage était son univers, là seulement elle se sentait heureuse et libre. Le Baron ne tarda pas à s'apercevoir qu'elle ne se prêtait que par complaisance aux longues excursions, et qu'elle aimait, surtout, à revenir le soir assez tôt pour diriger et surveiller les apprêts du souper. Toujours empressé de prévenir ses moindres désirs, il abrégea les heures de promenades, et remplit les soirées par la lecture de poésies passionnées dont il augmentait le charme dangereux par la chaleur de son débit.

      Une convention tacite semblait avoir fixé la place que chacun des quatre amis devait occuper pendant ces lectures: Charlotte était assise sur le canapé; Ottilie, en face d'elle sur une chaise, avait le Capitaine à sa gauche et Édouard à sa droite. Quand il lisait, il poussait la bougie du côté de la jeune fille qui s'approchait toujours plus près de lui, et suivait les lignes des yeux; car elle aimait mieux se fier à sa vue qu'à la voix d'un autre. Loin de se fâcher, ainsi qu'il en avait l'habitude, en pareille occasion, il penchait son livre vers elle, s'arrêtait quand il était arrivé à la fin de la page, et attendait, pour la retourner, qu'elle l'eût averti par un regard qu'il le pouvait sans la gêner. Ce manège n'échappa ni à Charlotte ni au Capitaine, qui se bornèrent à en plaisanter entre eux. L'amour qui unissait Édouard et Ottilie ne commença à les inquiéter, que lorsqu'une circonstance fortuite leur en révéla tout à coup l'existence et la force.

      Un soir, une visite importune les avait tous mis de mauvaise humeur. Édouard proposa de chasser cette fâcheuse disposition en faisant de la musique, et il demanda sa flûte dont il ne s'était pas servi depuis très-longtemps. Charlotte chercha les sonates qu'elle avait l'habitude d'exécuter avec son mari; mais elle ne les trouva pas, et Ottilie finit par avouer en balbutiant qu'elle les avait emportées dans sa chambre pour les étudier.

      – En ce cas, vous pourriez m'accompagner? s'écria Édouard dont les yeux étincelèrent de joie.

      – Je l'espère, répondit la jeune fille.

      Elle courut chercher les sonates, et revint se placer au piano. Son jeu frappa le petit auditoire de surprise, presque d'admiration, car elle s'était identifiée СКАЧАТЬ