Les affinités électives. Johann Wolfgang von Goethe
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Название: Les affinités électives

Автор: Johann Wolfgang von Goethe

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ faisait de la vie et des intrigues du pensionnat, amusa beaucoup Charlotte; et la bonté qui dominait dans tous ses récits et que sa conduite justifiait, lui prouva que bientôt cette jeune fille serait pour elle une amie aussi sûre que fidèle.

      Voulant comparer les rapports du professeur et de la sous-maîtresse sur Ottilie avec ce que cette enfant disait et faisait sous ses yeux, Charlotte relisait souvent ces rapports. Selon ses principes, on ne pouvait jamais apprendre trop tôt à connaître le caractère des personnes avec lesquelles on devait vivre, parce que c'est le seul moyen de savoir ce que l'on peut craindre ou espérer de leur part; quels travers il faut se résigner à pardonner, et de quels défauts il est possible de les corriger. Cet examen ne lui apprit rien de nouveau; mais ce qu'elle savait sur son compte lui devint plus clair et elle y attacha plus d'importance. Ce fut ainsi que la trop grande sobriété de cette enfant lui donna des inquiétudes sérieuses.

      S'occupant avant tout de la toilette de sa nièce, Charlotte exigea qu'elle mît plus d'élégance et de richesse dans sa mise.

      A peine lui eut-elle exprimé ce désir, que la jeune fille tailla elle-même les belles étoffes qu'elle avait refusé d'employer au pensionnat, et elle leur donna les formes les plus gracieuses et les plus variées. Ces vêtements à la mode rehaussaient les charmes de sa personne. Les grâces naturelles embellissent les costumes les plus simples; mais lorsqu'une femme douée de ces grâces y ajoute des parures bien choisies et souvent renouvelées, ces séduisantes qualités semblent se multiplier et varier sous nos yeux.

      Cette innocente coquetterie qui n'était chez Ottilie que l'effet de l'obéissance, lui valut l'attention spéciale d'Édouard et du Capitaine; tous deux éprouvaient en la regardant un plaisir doux et bienfaisant. Si, par sa magnifique couleur, l'émeraude réjouit la vue et exerce sur cet organe une influence salutaire, pourquoi la beauté de la forme humaine n'agirait-elle pas en même temps et avec une puissance irrésistible sur tous nos sens et même sur nos facultés morales? La simple contemplation de cette beauté ne suffit-elle pas pour nous faire croire que nous sommes à l'abri de tout mal, et pour nous mettre en harmonie avec l'univers et avec nous-même?

      Le séjour d'Ottilie au château y amena plus d'un changement favorable pour tous. Les deux amis ne se faisaient plus attendre pour les heures des repas ou des promenades; ils se montraient, surtout, beaucoup moins empressés à quitter la table, et ne parlaient jamais que de choses qui pouvaient intéresser ou amuser la jeune fille. Ce désir de lui être agréable se révélait aussi dans le choix des lectures qu'ils faisaient à haute voix; ils poussaient même l'attention jusqu'à suspendre ces lectures, dès qu'elle s'éloignait, et ils ne les reprenaient que lorsqu'elle rentrait au salon.

      Ce changement n'avait point échappé à Charlotte: aussi désirait-elle savoir lequel des deux hommes l'avait principalement amené, et se mit-elle à les observer avec une attention scrupuleuse; mais elle ne découvrit rien, sinon que tous deux étaient devenus plus sociables, plus doux et plus communicatifs.

      Ottilie avait appris à connaître les habitudes et même les manies et les caprices de chacune des personnes au milieu desquelles elle vivait. Devinant mieux qu'elles-mêmes ce qui pouvait leur être agréable, elle accomplissait leurs souhaits sans leur donner le temps de les exprimer; un mot, un geste, un regard suffisait pour la guider. Cette persévérance active resta cependant toujours calme et tranquille. Le service le plus régulier se faisait par ses ordres, et souvent par elle-même, sans aucune apparence d'empressement ou d'inquiétude. Sa démarche était si légère, qu'on ne l'entendait ni s'en aller, ni revenir; et ses allures, quoique toujours paisibles, étaient si gracieuses, que nos amis se sentaient heureux en la voyant se mouvoir sans cesse pour prévenir leurs désirs. Cette obligeance infatigable, ces attentions permanentes devaient nécessairement plaire à Charlotte, ce qui ne l'empêcha pas de remarquer que, sur un point du moins, sa jeune parente poussait la prévenance trop loin, et elle lui en fit l'observation.

      – C'est sans doute une attention fort aimable, lui dit-elle, que de se baisser à l'instant pour relever un objet qu'une personne placée près de nous a laissé tomber par mégarde; mais, dans la bonne société, cette attention est soumise à certaines règles de bienséance qu'il faut respecter. Tu es si jeune encore que tu peux, sans inconvénient, rendre à toutes les femmes ce petit service que l'on doit toujours aux personnes âgées ou d'un rang élevé. Envers ses pareils, il est une gracieuse politesse; envers ses inférieurs, il devient une preuve de bonté et d'humanité; mais il est une inconvenance de la part d'une femme envers des hommes encore jeunes, quel que soit leur rang.

      – Je ferai tout mon possible pour ne plus m'en rendre coupable, répondit Ottilie. Permettez-moi cependant de mériter à l'instant même votre pardon de cette mauvaise habitude, en vous racontant comment je l'ai contractée:

      J'ai retenu fort peu de choses du cours d'histoire qu'on m'a fait faire au pensionnat, parce que je ne concevais pas à quoi cette science pouvait m'être utile; les faits isolés, seuls, sont restés dans ma mémoire et je vais vous en citer un:

      Lorsque Charles Ier, roi d'Angleterre, se trouva devant ses prétendus juges, la pomme d'or de la canne qu'il tenait à la main se détacha et tomba par terre. Accoutumé à voir, en pareille circonstance, tout le monde s'empresser autour de lui, il regarda avec une surprise douloureuse les hommes au milieu desquels il se trouvait en ce moment, et dont pas un ne songea à relever cette pomme. Il fut obligé delà ramasser lui-même.

      Je ne sais si j'ai eu tort ou raison: mais cette anecdote m'a si fortement impressionnée, la position de ce roi m'a paru si cruelle, qu'il m'est presque impossible de voir tomber quelque chose sans le relever à l'instant. Cependant, puisque cela n'est pas toujours convenable, je me surveillerai désormais; car, ajouta-t-elle en souriant, je ne pourrais pas expliquer ma conduite à tout le monde, comme je viens de le faire avec vous, en racontant mon anecdote.

      Le Baron et le Capitaine continuèrent à s'occuper de la réalisation de leurs projets de réforme et d'embellissement; et souvent des circonstances imprévues leur en suggérèrent de nouveaux.

      Un jour qu'ils traversaient le village, ils ne purent s'empêcher de remarquer qu'il offrait un contraste aussi frappant que désagréable avec les jolis villages suisses dont ils avaient souvent admiré ensemble l'aspect riant et propre. Le Capitaine fit observer à son ami, que l'ordre et la propreté résultent naturellement de la nécessité d'utiliser un espace étroit.

      – Tu n'as sans doute pas oublié, continua-t-il, que pendant notre tournée en Suisse, tu t'es promis d'établir, dans tes domaines, des hameaux semblables à ceux que tu y avais remarqués. Cette ressemblance ne devait pas consister dans la construction, mais dans l'ordre et la propreté qui règnent dans les chalets?

      – Je m'en souviens fort bien, répondit Édouard, et je crois qu'il serait facile de réaliser cette intention. La montagne qui porte le château descend en angle saillant jusqu'au village, et ce village forme un demi-cercle assez régulier, à travers lequel serpente le ruisseau. Malheureusement chaque pluie d'orage fait sortir ce ruisseau de son lit; nos paysans se défendent contre ces petites inondations chacun à sa façon; loin de s'aider mutuellement, ils prennent à tâche de se contrarier et de se nuire. Nous venons de nous convaincre par nous-mêmes des inconvénients qui résultent de ce défaut d'harmonie. Presque à chaque maison, nous sommes forcés de descendre ou de monter brusquement; et s'il était tombé de l'eau cette nuit, nous marcherions tantôt sur des amas de grosses pierres, tantôt sur des poutres entassées ou sur des planches vacillantes, et souvent même dans des mares bourbeuses. Si ces gens-là voulaient me seconder, il serait facile d'enfermer le ruisseau dans un lit muré, d'unir la route et d'élever des trottoirs de chaque côté des maisons; par là nous ferions disparaître la foule de petits inconvénients qui empoisonnent leur vie, et donnent à leurs habitations et à l'ensemble du village un air de malpropreté et de confusion qui attriste.

      – Nous pourrions essayer du moins, dit le Capitaine, СКАЧАТЬ