Название: Le vicomte de Bragelonne, Tome III.
Автор: Dumas Alexandre
Издательство: Public Domain
Жанр: Зарубежная классика
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Et il dicta:
«Mademoiselle, je vous ai vue, et vous ne serez point étonnée que je vous aie trouvée belle.
Mais vous ne pouvez, faute d'une position digne de vous, que végéter à la Cour.
L'amour d'un honnête homme, au cas où vous auriez quelque ambition, pourrait servir d'auxiliaire à votre esprit et à vos charmes.
Je mets mon amour à vos pieds; mais, comme un amour, si humble et si discret qu'il soit, peut compromettre l'objet de son culte, il ne sied pas qu'une personne de votre mérite risque d'être compromise sans résultat sur son avenir.
Si vous daignez répondre à mon amour, mon amour vous prouvera sa reconnaissance en vous faisant à tout jamais libre et indépendante.»
Après avoir écrit, Fouquet regarda Aramis.
– Signez, dit celui-ci.
– Est-ce bien nécessaire?
– Votre signature au bas de cette lettre vaut un million; vous oubliez cela, mon cher surintendant.
Fouquet signa.
– Maintenant, par qui enverrez-vous la lettre? demanda Aramis.
– Mais par un valet excellent.
– Dont vous êtes sûr?
– C'est mon grison ordinaire.
– Très bien.
– Au reste, nous jouons, de ce côté-là, un jeu qui n'est pas lourd.
– Comment cela?
– Si ce que vous dites est vrai des complaisances de la petite pour le roi et pour Madame, le roi lui donnera tout l'argent qu'elle peut désirer.
– Le roi a donc de l'argent? demanda Aramis.
– Dame! il faut croire, il n'en demande plus.
– Oh! il en redemandera, soyez tranquille.
– Il y a même plus, j'eusse cru qu'il me parlerait de cette fête de Vaux.
– Eh bien?
– Il n'en a point parlé.
– Il en parlera.
– Oh! vous croyez le roi bien cruel, mon cher d'Herblay.
– Pas lui.
– Il est jeune; donc, il est bon.
– Il est jeune; donc, il est faible ou passionné; et M. Colbert tient dans sa vilaine main sa faiblesse ou ses passions.
– Vous voyez bien que vous le craignez.
– Je ne le nie pas.
– Alors, je suis perdu.
– Comment cela?
– Je n'étais fort auprès du roi que par l'argent.
– Après?
– Et je suis ruiné.
– Non.
– Comment, non? Savez-vous mes affaires mieux que moi?
– Peut-être.
– Et cependant s'il demande cette fête?
– Vous la donnerez.
– Mais l'argent?
– En avez-vous jamais manqué?
– Oh! si vous saviez à quel prix je me suis procuré le dernier.
– Le prochain ne vous coûtera rien.
– Qui donc me le donnera?
– Moi.
– Vous me donnerez six millions?
– Oui.
– Vous, six millions?
– Dix, s'il le faut.
– En vérité, mon cher d'Herblay, dit Fouquet, votre confiance m'épouvante plus que la colère du roi.
– Bah!
– Qui donc êtes-vous?
– Vous me connaissez, ce me semble.
– Je me trompe; alors, que voulez-vous?
– Je veux sur le trône de France un roi qui soit dévoué à
M. Fouquet, et je veux que M. Fouquet me soit dévoué.
– Oh! s'écria Fouquet en lui serrant la main, quant à vous appartenir, je vous appartiens bien; mais, croyez-le bien, mon cher d'Herblay, vous vous faites illusion.
– En quoi?
– Jamais le roi ne me sera dévoué.
– Je ne vous ai pas dit que le roi vous serait dévoué, ce me semble.
– Mais si, au contraire, vous venez de le dire.
– Je n'ai pas dit le roi. J'ai dit un roi.
– N'est-ce pas tout un?
– Au contraire, c'est fort différent.
– Je ne comprends pas.
– Vous allez comprendre. Supposez que ce roi soit un autre homme que Louis XIV.
– Un autre homme?
– Oui, qui tienne tout de vous.
– Impossible!
– Même son trône.
– Oh! vous êtes fou! Il n'y a pas d'autre homme que le roi Louis XIV qui puisse s'asseoir sur le trône de France, je n'en vois pas, pas un seul.
– J'en vois un, moi.
– À moins que ce ne soit Monsieur, dit Fouquet en regardant
Aramis avec inquiétude… Mais Monsieur…
– Ce n'est pas Monsieur.
– Mais comment voulez-vous qu'un prince qui ne soit pas de la race, comment voulez-vous qu'un prince qui n'aura aucun droit…
– Mon roi à moi, ou plutôt votre roi à vous, sera tout ce qu'il faut qu'il soit, soyez tranquille.
– Prenez garde, prenez garde, monsieur d'Herblay, vous me donnez le frisson, vous me donnez le vertige.
Aramis СКАЧАТЬ