Lourdes. Emile Zola
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Название: Lourdes

Автор: Emile Zola

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ certaine d'en revenir guérie. Il avait éprouvé un malaise, s'oubliant, criant que c'était une folie de croire à de pareils enfantillages. Jamais il ne causait religion avec elle, ayant refusé non seulement de la confesser, mais de la diriger même dans ses petits scrupules de dévote. Il y avait là, en lui, une pudeur et une pitié, car il aurait souffert de lui mentir, à elle, et il se serait d'autre part regardé comme un criminel, s'il avait terni d'un souffle cette grande foi pure, qui la rendait forte contre la souffrance. Aussi, mécontent du cri qu'il n'avait pu retenir, était-il resté affreusement troublé, lorsqu'il avait senti la petite main froide de la malade prendre la sienne; et, doucement, encouragée par l'ombre, d'une voix brisée, elle avait osé lui faire entendre qu'elle connaissait son secret, qu'elle savait son malheur, cette effroyable misère pour un prêtre de ne plus croire. Dans leurs entretiens, il avait tout dit malgré son vouloir, elle avait pénétré au fond de sa conscience, par une délicate intuition d'amie souffrante. Elle s'en inquiétait horriblement pour lui, jusqu'à le plaindre plus qu'elle, de sa mortelle maladie morale. Puis, comme, saisi, il ne trouvait rien à répondre, confessant la vérité par son silence, elle s'était remise à parler de Lourdes, elle ajoutait très bas qu'elle voulait le confier, lui aussi, à la sainte Vierge, en la suppliant de lui rendre la foi. Et, à partir de ce soir-là, elle n'avait plus cessé, répétant que, si elle allait à Lourdes, elle serait guérie. Mais il y avait la question d'argent qui l'arrêtait, dont elle n'osait même pas parler à sa sœur. Deux mois s'écoulèrent, elle s'affaiblissait de jour en jour, s'épuisait en rêves, les yeux tournés, là-bas, vers le flamboiement de la Grotte miraculeuse.

      Alors, Pierre passa de mauvaises journées. Il avait d'abord refusé nettement à Marie de l'accompagner. Ensuite, le premier ébranlement de sa volonté vint de cette pensée que, s'il se décidait au voyage, il pourrait l'utiliser en continuant son enquête sur Bernadette, dont la figure, si charmante, restait dans son cœur. Et, enfin, il sentit une douceur, une espérance inavouée le pénétrer, à l'idée que Marie avait raison peut-être, que la Vierge pourrait le prendre en pitié, lui aussi, en lui rendant la foi aveugle, la foi du petit enfant qui aime et ne discute pas. Oh! croire de toute son âme, s'abîmer dans la croyance! Il n'y avait sans doute pas d'autre bonheur possible. Il aspirait à la foi, de toute la joie de sa jeunesse, de tout l'amour qu'il avait eu pour sa mère, de toute l'envie brûlante qu'il éprouvait d'échapper au tourment de comprendre et de savoir, de s'endormir à jamais au fond de la divine ignorance. C'était délicieux et lâche, cet espoir de ne plus être, de n'être plus qu'une chose entre les mains de Dieu. Et il en arriva ainsi au désir de tenter la suprême expérience.

      Huit jours plus tard, le voyage à Lourdes était décidé. Mais Pierre avait exigé une dernière consultation de médecins, pour savoir si Marie était réellement transportable; et c'était là encore une scène qui s'évoquait, dont il revoyait certains détails avec persistance, tandis que d'autres s'effaçaient déjà. Deux des médecins, qui avaient soigné la malade anciennement, l'un croyant à une rupture des ligaments larges, l'autre diagnostiquant une paralysie due à une lésion de la moelle, avaient fini par tomber d'accord sur cette paralysie, avec des accidents, peut-être, du côté des ligaments: tous les symptômes y étaient, le cas leur semblait si évident, qu'ils n'avaient point hésité à signer des certificats presque conformes, d'une affirmation décisive. D'ailleurs, ils croyaient le voyage possible, quoique très douloureux. Cela devait déterminer Pierre, car il trouvait ces messieurs très prudents, très soucieux de la vérité. Il ne lui restait qu'un souvenir trouble du troisième médecin, Beauclair, un petit cousin à lui, un jeune homme d'une vive intelligence, encore peu connu et qu'on disait bizarre. Celui-ci, après avoir longuement considéré Marie, s'était inquiété de ses ascendants, l'air intéressé par ce qu'on lui contait de M. de Guersaint, cet architecte mâtiné d'inventeur, à l'esprit faible et exubérant; puis, il avait voulu mesurer le champ visuel de la malade, il s'était assuré, en la palpant, discrètement, que la douleur avait fini par se localiser à l'ovaire gauche, et que, lorsqu'on appuyait là, cette douleur semblait remonter vers la gorge, en une masse lourde qui l'étouffait. Il paraissait ne tenir aucun compte de la paralysie des jambes. Et, dès lors, sur une question directe, il s'était écrié qu'il fallait la mener à Lourdes, qu'elle y serait sûrement guérie, si elle était certaine de l'être. Il parlait de Lourdes sérieusement: la foi suffisait, deux de ses clientes, très pieuses, envoyées par lui l'année d'auparavant, étaient revenues éclatantes de santé. Même il annonçait comment se produirait le miracle, en coup de foudre, dans un réveil, une exaltation de tout l'être, tandis que le mal, ce mauvais poids diabolique qui étouffait la jeune fille, remonterait une dernière fois et s'échapperait, comme s'il lui sortait par la bouche. Mais il refusa absolument de signer un certificat. Il ne s'était pas entendu avec ses deux confrères qui le traitaient d'un air froid, en jeune esprit aventureux; et Pierre, confusément, avait gardé des phrases de la discussion, recommencée devant lui, des lambeaux de la consultation donnée par Beauclair: une luxation de l'organe, avec de légères déchirures des ligaments, à la suite de la chute de cheval, puis une lente réparation, un rétablissement des choses en leur place, auquel avaient succédé des accidents nerveux consécutifs, de sorte que la malade n'aurait plus été que sous l'obsession de la peur première, l'attention localisée sur le point lésé, immobilisée dans la douleur croissante, incapable d'acquérir des notions nouvelles, si ce n'était sous le coup de fouet d'une violente émotion. Du reste, il admettait aussi des accidents de la nutrition, encore mal étudiés, dont il n'osait lui-même dire la marche et l'importance. Seulement, cette idée que Marie rêvait son mal, que les affreuses souffrances qui la torturaient venaient d'une lésion guérie depuis longtemps, avait paru si paradoxale à Pierre, lorsqu'il la regardait agonisante et les jambes déjà mortes, qu'il ne s'y était pas arrêté, heureux simplement de voir que les trois médecins étaient d'accord pour autoriser le voyage à Lourdes. Il lui suffisait qu'elle pût guérir, il l'aurait accompagnée au bout de la terre.

      Ah! ces derniers jours de Paris, dans quelle bousculade il les avait vécus! Le pèlerinage national allait partir, il avait eu l'idée de faire hospitaliser Marie, afin d'éviter les gros frais. Ensuite, il avait dû courir pour entrer lui-même dans l'Hospitalité de Notre-Dame de Salut. M. de Guersaint était enchanté, car il aimait la nature, il brûlait du désir de connaître les Pyrénées; et il ne se préoccupait de rien, acceptait parfaitement que le jeune prêtre lui payât son voyage, se chargeât de lui à l'hôtel, là-bas, comme d'un enfant; et, sa fille Blanche lui ayant glissé un louis, à la dernière minute, il s'était cru riche. Cette pauvre et héroïque Blanche avait une cachette, cinquante francs d'économie, qu'il avait bien fallu qu'on acceptât, car elle se fâchait, elle voulait aider aussi à la guérison de sa sœur, puisqu'elle ne pouvait être du voyage, retenue par ses leçons à Paris, dont elle allait continuer à battre le dur pavé, pendant que les siens s'agenouilleraient au loin, parmi les enchantements de la Grotte. Et l'on était parti, et l'on roulait, l'on roulait toujours.

      À la station de Châtellerault, un éclat brusque des voix secoua Pierre, chassa l'engourdissement de sa rêverie. Quoi donc? est-ce qu'on arrivait à Poitiers? Mais il n'était que midi à peine, c'était sœur Hyacinthe qui faisait dire l'Angélus, les trois Ave répétés trois fois. Les voix se brisaient, un nouveau cantique monta et se prolongea, en une lamentation. Encore vingt-cinq grandes minutes avant d'être à Poitiers, où il semblait que l'arrêt d'une demi-heure allait soulager toutes les souffrances. On était si mal à l'aise, si rudement cahoté dans ce wagon empesté et brûlant! C'était trop de misère, de grosses larmes roulaient sur les joues de madame Vincent, un sourd juron avait échappé à M. Sabathier, si résigné d'habitude, tandis que le frère Isidore, la Grivotte et madame Vêtu semblaient ne plus être, pareils à des épaves emportées dans le flot. Les yeux fermés, Marie ne répondait plus, ne voulait plus les rouvrir, poursuivie par l'horrible vision de la face d'Élise Rouquet, cette tête trouée et béante, qui était pour elle l'image de la mort. Et, pendant que le train hâtait sa vitesse, charriant cette désespérance humaine, sous le ciel lourd, au travers des plaines embrasées, il y eut encore une épouvante. L'homme ne soufflait plus, une voix cria qu'il expirait.

      III

      À Poitiers, СКАЧАТЬ