Mademoiselle La Quintinie. Жорж Санд
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Название: Mademoiselle La Quintinie

Автор: Жорж Санд

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ religieuses, et je cherche en vain dans la vraie doctrine chrétienne quelque trait qui s'y rapporte.

      Je me tourmentai l'esprit horriblement; que signifiait cette sorte d'ex-voto d'un cœur malade, dévoré peut-être, peut-être ensanglanté par ma tentative d'union avec Lucie? Ce n'était peut-être rien de tout cela, c'était tout simplement un vœu accompli par une âme dévote étrangère à mes préoccupations; mais cet étranger, je l'avais assez aperçu pour me convaincre que ce n'était ni un paysan ni un prêtre: il m'avait paru jeune, bien mis et d'une tournure svelte. Pourtant je l'avais si mal vu, que je pouvais bien avoir rêvé tout cela. Quoi qu'il en soit, je reportai le bouquet, et je restai caché dans la chapelle, attendant avec la rage au cœur que quelqu'un vînt le prendre. Je ne vis personne, je n'entendis rien, si ce n'est la voix du batelier dont j'avais emmené le bateau, et qui, aux premières lueurs du jour, me héla du rivage pour me le redemander. Quand il sut que j'étais un hôte du manoir, il me reprocha, puisque j'avais eu la fantaisie de naviguer si matin, de ne pas l'avoir réveillé.

      Il me reconduisit à l'autre bord. J'avais remis les lis aux pieds de la madone, et j'avais emporté le ruban. Je veillai encore de loin jusqu'au grand jour en vue de la grotte. Aucune barque n'en approcha. Je m'y fis reconduire dans la soirée. Les lis étaient là flétris, personne n'y avait touché. Il était huit heures du soir. Quoique très-fatigué, car je n'avais pu me reposer dans la journée, je montai au château, et je surpris agréablement M. de Turdy, qui s'apprêtait à se coucher, en lui disant que, me trouvant par hasard dans son voisinage, j'avais songé à venir faire sa partie.

      «Ah! que c'est aimable à vous! s'écria-t-il. J'allais tâcher de dormir pour échapper à l'ennui de ma veillée solitaire. C'est si long, une soirée de vieillard qui ne peut plus lire sans se fatiguer! Les enfants nous gâtent. Ils s'occupent de nous distraire, et, quand ils sont là, nous nous laissons aller en égoïstes que nous sommes, et quand ils s'en vont, nous nous plaignons de ce qu'ils ne préfèrent pas notre triste société à toutes choses!

      – Il faut lui dis-je en préparant sa table de jeu, que mademoiselle La Quintinie ait à Chambéry des occupations bien sérieuses ou bien attrayantes pour vous laisser seul; car j'ai été témoin du plaisir sincère qu'elle trouve à vous entourer de soins.

      – Eh! oui, sans doute! il faut bien qu'elle ait l'esprit troublé de quelque souci grave!

      – Est-ce que vous ne recevez pas tous les jours des nouvelles de Chambéry?

      – J'en reçois de deux jours l'un: elle m'écrit des billets très-courts, et qui ne m'apprennent rien de l'emploi de son temps. Ordinairement, nous ne nous quittons point de tout l'été, hormis pour les grandes fêtes religieuses, qu'elle va célébrer auprès de sa tante. L'hiver, nous nous séparons franchement. Je n'aime pas Chambéry. Je passe quelques mois à Lyon, où j'ai des connaissances, et où il fait moins froid que dans nos neiges. Alors ma Lucie m'écrit de longues lettres charmantes, qui font ma consolation et mon orgueil; mais la séparation qu'elle m'impose en ce moment, en plein été, sans cause suffisante selon moi, m'est fort pénible.»

      Je fis observer à M. de Turdy que j'étais la cause de son chagrin, et qu'il eût été beaucoup plus logique de la part de Lucie de m'envoyer à Chambéry, avec défense d'en sortir jusqu'à nouvel ordre, que d'y aller elle-même pour m'éviter.

      «C'est ce que j'ai dit, reprit-il; mais elle a insisté si vivement, que j'ai dû céder, et je vois bien qu'il y a sous jeu quelque chose qu'on me cache.

      – A vous? On vous cacherait quelque chose?.. Non, Lucie vous adore!

      – Ah! que voulez-vous, mon cher! la dévotion rompt sans façon tous les liens du cœur et de la famille; mais voilà que je me plains à vous, comme un vieux enfant que je suis, à vous qui souffrez peut-être un peu aussi pour votre compte!

      – Je souffre beaucoup, répondis-je, car j'aime mademoiselle La Quintinie plus que je ne puis l'exprimer.»

      Il me serra les mains, et nous oubliâmes la partie de trictrac. Il était beaucoup plus expansif que la veille et comme découragé de la vie. Il essaya de faire l'esprit fort pour se remonter, mais il n'en vint pas à bout. Je mourais d'envie de l'interroger, sur les relations que Lucie pouvait avoir avec le personnage mystérieux que j'avais vu la nuit précédente sur le lac; mais le pauvre homme me parut si abattu, que je me reprochai l'égoïsme de mes soupçons. Je ne lui parlai point de l'aventure, et je le fis jouer pour le distraire; après quoi, j'acceptai le gîte qu'il m'offrait. Je voulais veiller encore toute la nuit, et j'y parvins malgré la fatigue qui m'écrasait. Rien ne troubla le morne repos de la nuit autour du manoir. J'allai dès le matin visiter encore la grotte. Les lis pourrissaient dans l'abandon. Je les jetai dans l'eau, et je revins à Aix, où la fièvre me retint deux jours au lit.

      Le troisième jour, abattu mais calmé, j'allai à Chambéry à tout hasard, cherchant à rencontrer Lucie malgré sa défense, voulant tâcher de savoir au moins ce qu'elle devenait. Je ne connais personne à Chambéry, mais je rencontrai aux abords de la ville quelques baigneurs d'Aix, dont un Anglais fort mélomane avec qui je me suis un peu lié, et qui m'aborda en me disant:

      «Est-ce que vous n'allez pas aux Carmélites de ***?

      – Pour quoi faire?

      – Pour entendre chanter une demoiselle du pays qui est, dit-on, fort extraordinaire.

      – Oui, j'y vais, répondis-je tout tremblant. Où est-ce?

      – Suivez-nous,» me dit-il.

      Nous gravîmes un chemin très-rapide qui monte en zigzag à travers d'énormes rochers.

      «Et le nom de cette cantatrice? demandai-je à mon guide.

      – Attendez! Je ne sais plus; ce n'est pas une artiste de profession, c'est une personne de bonne famille qui chante en l'honneur de la fête du jour, la Trinité. Elle a un nom qui finit en ie… La Quirinie… Non. La Quintinie!.. m'y voilà.»

      Je sentis tous les frissons de la fièvre me reprendre; il faisait pourtant une chaleur d'orage accablante. Nous arrivâmes au pied d'un édifice fermé, à fenêtres grillées; c'était le couvent, et nous y trouvâmes une centaine de personnes qui s'étaient assises à l'ombre et qui attendaient que les nonnes eussent fini de psalmodier les vêpres. Aucun homme ne pénétrait dans ce couvent rigidement cloîtré. Les dames de la ville n'ont accès dans la chapelle qu'avec des permissions particulières. Cette chapelle était pleine et la porte close; mais, à cause de la chaleur, les fenêtres du chœur étaient ouvertes en partie, et, comme on entendait fort bien la psalmodie, on ne devait rien perdre du chant.

      Le mélomane qui m'avait renseigné, et que je ne quittais pas, entra sans façon en pourparlers avec les hommes qui se trouvaient là et les interrogea sur mademoiselle La Quintinie. Je recueillais tout avec avidité.

      «C'est une personne du plus grand mérite, disait-on, toute vouée aux bonnes œuvres, une vraie sainte, et, en même temps, c'est une femme charmante, qui fait les honneurs du salon de sa tante avec une grâce parfaite; mais jamais elle ne chante dans le monde. On dit qu'elle a fait le vœu de ne chanter que pour l'Église. Elle chantera le jour de la Fête-Dieu à la cathédrale, et je vous réponds qu'on y viendra de loin pour l'entendre. En ce moment-ci, elle fait une retraite de huit jours aux Carmélites. On dit qu'elle va se marier, mais d'autres disent qu'elle se fera religieuse; on ne sait pas.»

      En ce moment, un des amateurs de la ville signala une lourde voiture armoriée qui montait la côte.

      «C'est le vieux carrosse de la vieille mademoiselle de Turdy. Elle va entendre chanter sa petite nièce à la bénédiction du saint sacrement. СКАЧАТЬ