La San-Felice, Tome 02. Dumas Alexandre
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Название: La San-Felice, Tome 02

Автор: Dumas Alexandre

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ style="font-size:15px;">      – L'ambassadeur français, le citoyen Garat, ajouta-t-elle, a quitté Naples cette nuit en nous déclarant la guerre.

      – Et, fit le roi, il faut ajouter, messieurs, que nous ne l'avons pas volée, cette déclaration de guerre, et notre bonne amie l'Angleterre en est arrivée à ses fins; reste à voir maintenant comment elle nous soutiendra. Ceci, c'est l'affaire de M. Acton.

      – Et du brave Nelson, monsieur, dit la reine. Au reste, il vient de montrer à Aboukir ce que peut le génie réuni au courage.

      – N'importe, madame, dit le roi, je n'hésite pas à vous le dire franchement, la guerre avec la France est une lourde affaire.

      – Moins lourde cependant, vous en conviendrez, reprit aigrement la reine, depuis que le citoyen Buonaparte, tout vainqueur de Dego, de Montenotte, d'Arcole et de Mantoue qu'il s'intitule, est confiné en Égypte, où il restera jusqu'à ce que la France ait construit une nouvelle flotte pour l'aller chercher; ce qui lui laissera le temps, je l'espère, de voir pousser les raves dont le Directoire lui a fourni les graines pour ensemencer les rives du Nil.

      – Oui, répliqua non moins aigrement le roi; mais, à défaut du citoyen Buonaparte, – qui est bien bon de ne s'intituler que le vainqueur de Dego, de Montenotte, d'Arcole et de Mantoue, quand il pourrait s'intituler encore celui de Roveredo, de Bassano, de Castiglione et de Millesimo, – il reste à la France Masséna, le vainqueur de Rivoli; Bernadotte, le vainqueur du Tagliamento; Augereau, le vainqueur de Lodi; Jourdan, le vainqueur de Fleurus; Brune, le vainqueur d'Alkmaer; Moreau, le vainqueur de Radstadt; ce qui fait bien des vainqueurs pour nous qui n'avons jamais rien vaincu; sans compter Championnet, le vainqueur des Dunes, que j'oubliais, lequel, je vous le ferai observer en passant, n'est qu'à trente lieues de nous, c'est-à-dire à trois jours de marche.

      La reine haussa les épaules avec un sourire de mépris qui s'adressait à Championnet, dont elle connaissait l'impuissance momentanée, et que le roi prit pour lui.

      – Si je me trompe de deux ou trois lieues, madame, dit-il, c'est tout. Depuis que les Français occupent Rome, j'ai demandé assez souvent à quelle distance ils étaient de nous pour le savoir.

      – Oh! je ne conteste pas vos connaissances en géographie, monsieur, dit la reine en laissant retomber sa lèvre autrichienne jusque sur son menton.

      – Non, je comprends, vous vous contentez de contester mes aptitudes politiques; mais, quoique San-Nicandro ait travaillé de son mieux à faire de moi un âne, et qu'à votre avis il y ait malheureusement réussi, je ferai observer à ces messieurs qui ont l'honneur d'être mes ministres que la chose se complique. En effet, il ne s'agit plus d'envoyer, comme en 1793, trois ou quatre vaisseaux et cinq ou six mille hommes à Toulon; et ils en sont revenus dans un bel état, de Toulon, nos vaisseaux et nos hommes! le citoyen Buonaparte, quoiqu'il ne fût encore le vainqueur de rien, les avait bien arrangés! Il ne s'agit plus de fournir à la coalition, comme en 1796, quatre régiments de cavalerie qui ont fait des prodiges de valeur dans le Tyrol, ce qui n'a pas empêché Cuto d'être fait prisonnier, et Moliterno d'y laisser le plus beau de ses yeux; et notez qu'en 93 et 96, nous étions couverts par toute la largeur de la haute Italie, occupée par les troupes de votre neveu, qui, soit dit sans reproche, ne me paraît pas pressé d'entrer en campagne, quoique le citoyen Buonaparte lui ait diablement rogné les ongles par le traité de Campo-Formio. C'est que votre neveu François est un homme prudent; il ne lui suffit pas, pour se mettre en campagne, des 60,000 hommes que vous lui offrez, il attend encore les 50,000 que lui promet l'empereur de Russie; il connaît les Français, il s'y est frotté et ils l'ont frotté.

      Et Ferdinand, qui commençait à reprendre un peu de sa belle humeur, se mit à rire de l'espèce de jeu de mots qu'il venait de faire aux dépens de l'empereur d'Autriche, justifiant cette maxime à la fois si profonde et si désespérante de la Rochefoucauld, qu'il y a toujours dans le malheur d'un ami quelque chose qui nous fait plaisir.

      – Je ferai observer au roi, répondit Caroline, blessée de ce mouvement d'hilarité qui se manifestait aux dépens de son neveu, que le gouvernement napolitain n'est pas libre, comme celui de l'empereur d'Autriche, de choisir son temps et son heure. Ce n'est pas nous qui déclarons la guerre à la France, c'est la France qui nous la déclare, et même qui nous l'a déclarée; il faut donc voir au plus tôt quels sont nos moyens de soutenir cette guerre.

      – Certainement qu'il faut le voir, dit le roi. Commençons par toi, Ariola. Voyons! On parle de 65,000 hommes. Où sont-ils, tes 65,000 hommes?

      – Où ils sont, sire?

      – Oui, montre-les-moi.

      – Rien de plus facile, et le capitaine général Acton est là pour dire à Votre Majesté si je mens.

      Acton fit de la tête un signe affirmatif.

      Ferdinand regarda Acton de travers. Il lui prenait parfois des caprices, non pas d'être jaloux, il était trop philosophe pour cela, mais d'être envieux. Aussi, le roi présent, Acton ne donnait-il signe d'existence que si Ferdinand lui adressait la parole.

      – Le capitaine général Acton répondra pour lui, si je lui fais l'honneur de l'interroger, dit le roi; en attendant, réponds pour toi, Ariola. Où sont tes 65,000 hommes?

      – Sire, 22,000 au camp de San-Germano.

      Au fur et à mesure qu'Ariola énumérait, Ferdinand, avec un mouvement de tête, comptait sur ses doigts.

      – Puis 16,000 dans les Abruzzes, continua Ariola, 8,000 dans la plaine de Sessa, 6,000 dans les murs de Gaete, 10,000 tant à Naples que sur les côtes, enfin 3,000 tant à Bénévent qu'à Ponte-Corvo.

      – Il a, ma foi, son compte, dit le roi finissant son calcul en même temps qu'Ariola terminait son énumération, et j'ai une armée de 65,000 hommes.

      – Et tous habillés à neuf, à l'autrichienne.

      – C'est à dire en blanc?

      – Oui, sire, au lieu d'être habillés en vert.

      – Ah! mon cher Ariola, s'écria le roi avec une expression de grotesque mélancolie, vêtus de blanc, vêtus de vert, ils n'en ficheront pas moins le camp, va…

      – Vous avez une triste idée de vos sujets, monsieur, répondit la reine.

      – Triste idée, madame! Je les crois, au contraire, très-intelligents, mes sujets, trop intelligents même; et voilà pourquoi je doute qu'ils se fassent tuer pour des affaires qui ne les regardent pas. Ariola nous dit qu'il a 65,000 hommes; parmi ces 65,000 hommes, il y a 15,000 vieux soldats, c'est vrai; mais ces vieux soldats n'ont jamais brûlé une amorce ni entendu siffler une balle. Ceux-là, il est possible, ne se sauveront qu'au second coup de fusil; quant aux 50,000 autres, ils datent de six semaines ou d'un mois, et ces 50,000 hommes, comment ont-ils été recrutés? Ah! vous croyez, messieurs, que je ne fais attention à rien, parce que, la plupart du temps, pendant que vous discutez, je cause avec Jupiter, qui est un animal plein d'intelligence; mais, au contraire, je ne perds pas un mot de ce que vous dites; seulement, je vous laisse faire; si je vous contrariais, je serais forcé de vous prouver que je m'entends mieux que vous à gouverner, et cela ne m'amuse point assez pour que je risque de me brouiller avec la reine, que cela amuse beaucoup. Eh bien, ces hommes, vous ne les avez enrôlés ni en vertu d'une loi, ni à la suite d'un tirage au sort; non, vous les avez enlevés de force à leurs villages, arrachés par violence à leurs familles, et cela selon le caprice de vos intendants et de vos sous-intendants. Chaque commune vous a fourni huit conscrits par mille hommes; mais voulez-vous que je vous dise comment cela s'est fait? On a d'abord СКАЧАТЬ