Robinson Crusoe. II. Defoe Daniel
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Название: Robinson Crusoe. II

Автор: Defoe Daniel

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ le peu que vous avez sauvé des flammes, puis de vous mettre à terre et de vous abandonner; ce serait vous avoir premièrement arrachés aux mains de la mort pour vous tuer ensuite nous-mêmes, vous avoir sauvés du naufrage pour vous faire mourir de faim. Je ne permettrai donc pas qu'on accepte de vous la moindre des choses. – Quant à vous déposer à terre, ajoutai-je, c'est vraiment pour nous d'une difficulté extrême; car le bâtiment est chargé pour les Indes-Orientales; et quoique à une grande distance du côté de l'Ouest, nous soyons entraînés hors de notre course, ce que peut-être le ciel a voulu pour votre délivrance, il nous est néanmoins absolument impossible de changer notre voyage à votre considération particulière. Mon neveu, le capitaine, ne pourrait justifier cela envers ses affréteurs, avec lesquels il s'est engagé par une charte-partie à se rendre à sa destination par la route du Brésil. Tout ce qu'à ma connaissance il peut faire pour vous, c'est de nous mettre en passe de rencontrer des navires revenant des Indes-Occidentales, et, s'il est possible, de vous faire accorder passage pour l'Angleterre ou la France.»

      La première partie de ma réponse était si généreuse et si obligeante qu'ils ne purent que m'en rendre grâces, mais ils tombèrent dans une grande consternation, surtout les passagers, à l'idée d'être emmenés aux Indes-Orientales. Ils me supplièrent, puisque j'étais déjà entraîné si loin à l'Ouest avant de les rencontrer, de vouloir bien au moins tenir la même route jusqu'aux Bancs de Terre-Neuve, où sans doute je rencontrerais quelque navire ou quelque sloop qu'ils pourraient prendre à louage pour retourner au Canada, d'où ils venaient.

      Cette requête ne me parut que raisonnable de leur part, et j'inclinais à l'accorder; car je considérais que, par le fait, transporter tout ce monde aux Indes-Orientales serait non-seulement agir avec trop de dureté envers de pauvres gens, mais encore serait la ruine complète de notre voyage, par l'absorption de toutes nos provisions. Aussi pensai-je que ce n'était point là une infraction à la charte-partie, mais une nécessité qu'un accident imprévu nous imposait, et que nul ne pouvait nous imputer à blâme; car les lois de Dieu et de la nature nous avaient enjoint d'accueillir ces deux bateaux pleins de gens dans une si profonde détresse, et la force des choses nous faisait une obligation, envers nous comme envers ces infortunés, de les déposer à terre quelque part, de les rendre à eux-mêmes. Je consentis donc à les conduire à Terre-Neuve si le vent et le temps le permettaient, et, au cas contraire, à la Martinique, dans les Indes-Occidentales.

      Le vent continua de souffler fortement de l'Est; cependant le temps se maintint assez bon; et, comme le vent s'établit dans les aires intermédiaires entre le Nord-Est et le Sud-Est, nous perdîmes plusieurs occasions d'envoyer nos hôtes en France; car nous rencontrâmes plusieurs navires faisant voile pour l'Europe, entre autres deux bâtiments français venant de Saint-Christophe; mais ils avaient louvoyé si long-temps qu'ils n'osèrent prendre des passagers, dans la crainte de manquer de vivres et pour eux-mêmes et pour ceux qu'ils auraient accueillis. Nous fûmes donc obligés de poursuivre. – Une semaine après environ nous parvînmes aux Bancs de Terre-Neuve, où, pour couper court, nous mîmes touts nos Français à bord d'une embarcation qu'ils prirent à louage en mer, pour les mener à terre, puis ensuite les transporter en France s'ils pouvaient trouver des provisions pour l'avitailler. Quand je dis que touts nos Français nous quittèrent, je dois faire observer que le jeune prêtre dont j'ai parlé, ayant appris que nous allions aux Indes-Orientales, désira faire le voyage avec nous pour débarquer à la côte de Coromandel. J'y consentis volontiers, car je m'étais pris d'affection pour cet homme, et non sans bonne raison, comme on le verra plus tard. – Quatre matelots s'enrôlèrent aussi à bord, et se montrèrent bons compagnons.

      De là nous prîmes la route des Indes-Occidentales, et nous gouvernions Sud et Sud-quart-Est depuis environ vingt jours, parfois avec peu ou point de vent, quand nous rencontrâmes une autre occasion, presque aussi déplorable que la précédente, d'exercer notre humanité.

      Nous étions par 27 degrés 5 minutes de latitude septentrionale, le 19 mars 1694-5, faisant route Sud-Est-quart-Sud, lorsque nous découvrîmes une voile. Nous reconnûmes bientôt que c'était un gros navire, et qu'il arrivait sur nous; mais nous ne sûmes que conclure jusqu'à ce qu'il fut un peu plus approché, et que nous eûmes vu qu'il avait perdu son grand mât de hune, son mât de misaine et son beaupré. Il tira alors un coup de canon en signal de détresse. Le temps était assez bon, un beau frais soufflait du Nord-Nord-Ouest; nous fûmes bientôt à portée de lui parler.

      Nous apprîmes que c'était un navire de Bristol, qui chargeant à la Barbade pour son retour, avait été entraîné hors de la rade par un terrible ouragan, peu de jours avant qu'il fût prêt à mettre à la voile, pendant que le capitaine et le premier lieutenant étaient allés touts deux à terre; de sorte que, à part la terreur qu'imprime une tempête, ces gens ne s'étaient trouvés que dans un cas ordinaire où d'habiles marins auraient ramené le vaisseau. Il y avait déjà neuf semaines qu'ils étaient en mer, et depuis l'ouragan ils avaient essuyé une autre terrible tourmente, qui les avait tout-à-fait égarés et jetés à l'Ouest, et qui les avait démâtés, ainsi que je l'ai noté plus haut. Ils nous dirent qu'ils s'étaient attendu à voir les îles Bahama, mais qu'ils avaient été emportés plus au Sud-Est par un fort coup de vent Nord-Nord-Ouest, le même qui soufflait alors. N'ayant point de voiles pour manœuvrer le navire, si ce n'est la grande voile, et une sorte de tréou sur un mât de misaine de fortune qu'ils avaient élevé, ils ne pouvaient courir au plus près du vent, mais ils s'efforçaient de faire route pour les Canaries.

      Le pire de tout, c'est que pour surcroît des fatigues qu'ils avaient souffertes ils étaient à demi morts de faim. Leur pain et leur viande étaient entièrement consommés, il n'en restait pas une once dans le navire, pas une once depuis onze jours. Pour tout soulagement ils avaient encore de l'eau, environ un demi-baril de farine et pas mal de sucre. Dans l'origine ils avaient eu quelques conserves ou confitures, mais elles avaient été dévorées. Sept barils de rum restaient encore.

      Il se trouvait à bord comme passagers un jeune homme, sa mère et une fille de service, qui, croyant le bâtiment prêt à faire voile, s'y étaient malheureusement embarqués la veille de l'ouragan. Leurs provisions particulières une fois consommées, leur condition était devenue plus déplorable que celle des autres; car l'équipage, réduit lui-même à la dernière extrémité, n'avait eu, la chose est croyable, aucune compassion pour les pauvres passagers: ils étaient vraiment plongés dans une misère douloureuse à dépeindre.

      Je n'aurais peut-être jamais connu ce fait dans touts ses détails si, le temps étant favorable et le vent abattu, ma curiosité ne m'avait conduit à bord de ce navire. – Le lieutenant en second, qui pour lors avait pris le commandement, vint à notre bord, et me dit qu'ils avaient dans la grande cabine trois passagers qui se trouvaient dans un état déplorable. – «Voire même, ajouta-t-il, je pense qu'ils sont morts; car je n'en ai point entendu parler depuis plus de deux jours, et j'ai craint de m'en informer, ne pouvant rien faire pour leur consolation.»

      Nous nous appliquâmes aussitôt à donner tout soulagement possible à ce malheureux navire, et, par le fait, j'influençai si bien mon neveu, que j'aurais pu l'approvisionner, eussions-nous dû aller à la Virginie ou en tout autre lieu de la côte d'Amérique pour nous ravitailler nous-mêmes; mais il n'y eut pas nécessité.

      Ces pauvres gens se trouvaient alors dans un nouveau danger: ils avaient à redouter de manger trop, quel que fût même le peu de nourriture qu'on leur donnât. – Le second ou commandant avait amené avec lui six matelots dans sa chaloupe; mais les infortunés semblaient des squelettes et étaient si faibles qu'ils pouvaient à peine se tenir à leurs rames. Le second lui-même était fort mal et à moitié mort de faim; car il ne s'était rien réservé, déclara-t-il, de plus que ses hommes, et n'avait toujours pris que part égale de chaque pitance.

      Je lui recommandai de manger avec réserve, et je m'empressai de lui présenter de la nourriture; il n'eut pas avalé trois bouchées qu'il commença à éprouver du malaise: aussi s'arrêta-t-il, et notre chirurgien lui mêla avec un peu СКАЧАТЬ