L'abîme. Чарльз Диккенс
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Название: L'abîme

Автор: Чарльз Диккенс

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ elle dès la première fois que je la vis; c'était l'instinct de la nature… je ne pouvais pourtant la prendre alors que pour une dame étrangère. C'était un Dimanche, nous finissions de dîner là-bas aux Enfants Trouvés… Ah! vous savez bien, Monsieur Bintrey, que je ne rougis point d'avoir été aux Enfants Trouvés. Moi, qui ne me suis jamais connu de père, je désire être un père pour tous ceux qui travaillent sous mes ordres.

      – Honnête désir, – fit observer Bintrey.

      – C'est pourquoi, – continua Wilding qui s'animait et se noyait même un peu dans le flot montant de son éloquence, – c'est pourquoi je demande dans les journaux une excellente femme de charge, pour prendre soin de la maison d'habitation de Wilding et Co., marchand de vins, Carrefour des Écloppés. Je veux rétablir chez moi quelques-uns de nos anciens usages et les rapports touchants qui existaient autrefois entre le patron et l'employé. Il me plait de vivre à l'endroit où je gagne mon argent. Je veux, chaque jour, m'asseoir au haut bout de la table à laquelle les gens qui me servent viendront s'asseoir; et nous mangerons ensemble du même rôti, du même bouilli, et nous boirons la même bière; et mes serviteurs dormiront sous le même toit que Walter Wilding! Et tous tant que nous sommes… Je vous demande pardon, Monsieur Bintrey, voilà que mes bourdonnements dans la tête vont me reprendre… je vous serais obligé si vous me conduisiez à la pompe.

      Alarmé par l'excessive coloration du visage de son client, Bintrey ne perdit pas un moment pour l'entraîner dans la cour. C'était chose facile, car le cabinet dans lequel ils causaient tous les deux y donnait accès de plain-pied du côté de la maison d'habitation. Là, l'homme d'affaires, obéissant à un signe du malade, se mit à pomper de toutes ses forces. Wilding se lava la figure et la tête et but de bon cœur; après quoi il déclara se sentir mieux.

      – Voyez! – dit Bintrey, – voilà ce que c'est que de vous laisser échauffer par vos bons sentiments!

      Ils regagnèrent le bureau, et tandis que Wilding s'essuyait, l'homme de loi le grondait toujours.

      – Bon! – dit le jeune homme, – n'ayez pas peur. Je n'ai pas divagué, n'est-ce pas?

      – Pas le moins du monde. Vous avez été parfaitement raisonnable.

      – Où en étais-je, Monsieur Bintrey?

      – Vous en êtes resté… mais, à votre place, je ne voudrais pas m'agiter en reprenant ce sujet quant à présent…

      – J'y veillerai, je serai sur mes gardes, – dit Wilding. – À quel endroit ce diable de bourdonnement m'a-t-il pris?

      – Au rôti, au bouilli, et à la bière. Vous disiez: logeant sous le même toit, afin que nous puissions tous tant que nous sommes…

      – Tous tant que nous sommes!.. Ah! c'est cela… Tous tant que nous sommes, bourdonnant ensemble…

      – Là… là… – interrompit Bintrey. – Quand je vous disais que vos bons sentiments ne sont propres qu'à vous exalter, à vous faire du mal… Voulez-vous encore essayer de la pompe?

      – Non! non! c'est inutile. Je vais bien, Monsieur Bintrey. Je reprends donc: Afin que nous puissions, tous tant que nous sommes, formant une sorte de famille… Voyez-vous, je n'ai jamais été accoutumé à l'existence personnelle que tout le monde mène dans son enfance. Plus tard j'ai été absorbé par ma pauvre chère mère. Après l'avoir perdue, je me suis trouvé bien plus apte à faire partie d'une association qu'à vivre seul. Je ne suis rien par moi-même… Ah! Monsieur Bintrey, faire mon devoir envers ceux qui dépendent de moi et me les attacher sans réserve, cette idée revêt à mes yeux un charme tout patriarcal et ravissant! Je ne sais quel effet elle peut produire sur vous…

      – Sur moi? – répliqua Bintrey, – il n'importe guère. Que suis-je en cette circonstance? Rien. C'est vous qui êtes tout, Monsieur Wilding? Par conséquent, l'effet que vos idées peuvent produire sur moi est ce qu'il y a de plus indifférent au monde.

      – Oh! – s'écria Wilding avec un feu extraordinaire, – mon plan me parait, à moi, délicieux…

      – En vérité! – interrompit brusquement l'homme d'affaires, – si j'étais à votre place, je ne voudrais pas m'agi…

      – Ne craignez rien, – fit Wilding. – Tenez! – continua-t-il en prenant sur un meuble un gros livre de musique. – Voici Haendel.

      – Haendel, – répéta Bintrey avec un grognement menaçant, – qui est cela?

      – Haendel!.. Mozart, Haydn, Kent, Purcel, le Docteur Arne, Greene, Mendelssohn, je connais tous les chœurs de ces maîtres. C'est la collection de la chapelle des Enfants Trouvés. Les belles antiennes! Pourquoi ne les apprendrions-nous pas ensemble?

      – Ensemble? que veut dire cet «ensemble?» – s'écria l'homme d'affaires exaspéré, – qui apprendra ces antiennes?

      – Qui?.. le patron et les employés.

      – À la bonne heure! c'est autre chose.

      Pendant un moment il avait cru que Wilding allait lui répondra: l'homme d'affaires et le client: vous et moi!

      – Non, ce n'est pas autre chose, – reprit Wilding, – c'est la même chose. La musique doit surtout servir de lien entre nous. Monsieur Bintrey, nous formerons un chœur dans quelque paisible église, près du Carrefour des Écloppés, après que nous aurons, avec joie, chanté ensemble, nous reviendrons ici dîner ensemble avec plaisir. Ce qui me préoccupe maintenant, c'est de mettre ce système en pratique dans le plus bref délai possible, de façon que mon nouvel associé se trouve établi en arrivant dans la maison.

      – Grand bien vous fasse! – s'écria Bintrey en se levant. – Est-ce que Laddle sera aussi l'associé de Haendel, Mozart, Haydn, Kent, Purcel, le Docteur Arne, Greene, et Mendelssohn?

      – Je l'espère.

      – Je souhaite que ces messieurs en soient contents, reprit Bintrey. – Adieu, monsieur.

      Ils se serrèrent la main et se séparèrent. À peine Bintrey s'était-il éloigné que l'on frappa à la porte. Quelqu'un entra dans le bureau de Wilding par une porte de communication qui s'ouvrait dans la salle où se tenaient les commis. C'était le chef des garçons de cave de Wilding et Co., jadis chef des garçons de cave de Pebblesson Neveu, Joey Laddle, lui-même, un homme lent et grave, comme architecture humaine un portefaix. Il était vêtu d'un vêtement froncé et d'un tablier à bavette qui ressemblait à la fois à un paillasson et à la peau d'un rhinocéros.

      – … Quant à la même nourriture et au même logement, Monsieur Wilding, mon jeune maître… – dit-il, en entrant, d'un ton bourru.

      – Quoi! Joey…

      – Eh bien! s'il faut parler pour moi, Monsieur Wilding… et jamais je n'ai parlé ni ne parlerai pour d'autres que pour moi… je n'ai aucun besoin, ni d'être nourri, ni d'être logé. Si cependant vous désirez me loger et me nourrir, soit… je puis manger comme tout le monde et je me soucie moins de l'endroit où je mangerai que de ce qu'on me fera manger, ne vous en déplaise. Est-ce que tous vos employés vont aussi vivre chez vous, mon jeune maître? Les deux autres garçons de cave, les trois porteurs, les deux apprentis, les hommes de journée… tout le monde?

      – Oui, Joey… et j'espère que nous formerons une famille unie.

      – Bon, – dit СКАЧАТЬ