Le Vicaire de Wakefield. Oliver Goldsmith
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Название: Le Vicaire de Wakefield

Автор: Oliver Goldsmith

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ toutefois, et avec plus de probabilité, qu’elle avait placé ses affections sur un autre objet. Le chapelain avait pour commission de nous informer que M. Thornhill avait fait venir de la musique et des rafraîchissements et comptait donner, le soir même, à ces demoiselles un bal au clair de lune, sur la pelouse devant notre porte. «Et je ne puis nier, continua-t-il, que je n’aie intérêt à être le premier à transmettre ce message, car j’espère, pour ma récompense, que miss Sophia me fera l’honneur de m’accepter pour cavalier.» A ceci la jeune fille répliqua qu’elle le ferait volontiers si elle le pouvait honnêtement.

      «Mais, poursuivit-elle en regardant M. Burchell, voici un gentleman qui a été mon compagnon dans le travail de la journée, et il convient qu’il en partage les amusements.» M. Burchell la remercia poliment de son intention, mais il céda ses droits au chapelain et ajouta qu’il avait cinq milles à faire dans la soirée, étant invité à un souper de moisson. Son refus me parut un peu extraordinaire; et, d’un autre côté, je ne parvenais pas à concevoir comment une jeune personne aussi sensée que ma fille cadette pouvait ainsi préférer un homme ruiné à quelqu’un dont les espérances étaient beaucoup plus hautes. Mais, de même que les hommes sont les plus capables de distinguer le mérite chez les femmes, de même les dames forment souvent de nous les jugements les plus exacts. Les deux sexes semblent être placés comme en observation vis-à-vis l’un de l’autre et sont doués de capacités différentes appropriées à cet examen mutuel.

      CHAPITRE IX

Présentation de deux dames très distinguées. – Il semble toujours que la supériorité de la toilette donne la supériorité de l’éducation

      A PEINE M. Burchell avait-il pris congé et Sophia consenti à danser avec le chapelain, que les petits arrivèrent en courant nous dire que le squire était là, avec une grande compagnie. Nous retournâmes à la maison et trouvâmes notre seigneur accompagné de deux gentilshommes de moindre qualité et de deux jeunes personnes richement habillées, qu’il nous présenta comme des femmes d’une très grande distinction et très à la mode, venues de Londres. Il se trouva que nous n’avions pas assez de chaises pour tout le monde, et aussitôt M. Thornhill proposa que chaque gentleman s’assît sur les genoux d’une dame. Je m’y opposai catégoriquement, malgré un regard improbateur de ma femme. On envoya donc Moïse emprunter une couple de chaises, et comme nous manquions de dames pour compléter une contredanse, les deux messieurs partirent avec lui, en quête d’une couple de danseuses. Chaises et danseuses furent vite trouvées. Les messieurs revinrent avec les roses filles de mon voisin Flamborough, superbes sous leurs coiffures de nœuds de ruban rouge. Mais on n’avait pas prévu une circonstance malencontreuse: les demoiselles Flamborough avaient, à vrai dire, la réputation d’être les meilleures danseuses de la paroisse et entendaient la gigue et la ronde à la perfection; mais elles n’en étaient pas moins totalement étrangères à la contredanse. Ceci nous déconcerta tout d’abord; cependant, après s’être fait un peu pousser et tirer, elles finirent par aller gaiement. Notre musique se composait de deux violons, d’une flûte et d’un tambourin. La lune brillait, claire. M. Thornhill et ma fille aînée menaient le bal, au grand plaisir des spectateurs: les voisins, en effet, ayant appris ce qui se passait, arrivèrent en troupes autour de nous. Ma fille avait les mouvements si gracieux et si vifs que ma femme ne put s’empêcher de découvrir la vanité de son cœur en m’assurant que, si la fillette s’en acquittait si habilement, c’est qu’elle lui avait emprunté tous ses pas. Les dames de la ville s’évertuaient péniblement à montrer la même aisance, mais sans succès. Elles tournoyaient, s’agitaient, languissaient, se démenaient; rien n’y faisait. Les spectateurs, il est vrai, déclaraient que c’était fort bien; mais le voisin Flamborough fit remarquer que les pieds de miss Livy semblaient tomber avec la musique aussi juste qu’un écho. La danse durait depuis une heure lorsque les deux dames, qui craignaient d’attraper un rhume, proposèrent de cesser le bal. L’une d’elles, à ce qu’il me sembla, exprima ses sentiments à cette occasion d’une façon fort grossière, lorsqu’elle déclara que par le bon Dieu vivant, la sueur lui dégouttait partout.

      En rentrant à la maison, nous trouvâmes un très élégant souper froid que M. Thornhill avait fait apporter avec lui. Cette fois-ci, la conversation fut plus réservée qu’auparavant. Les deux dames rejetèrent tout à fait mes filles dans l’ombre, car elles ne voulurent parler de rien que de la haute vie et des gens qui la mènent, ou d’autres sujets à la mode, tels que tableaux, bon goût, Shakespeare et harmonica. Il est vrai que deux ou trois fois elles nous mortifièrent sensiblement en laissant échapper un juron; mais cela me parut être la marque la plus certaine de leur distinction (j’ai pourtant appris depuis que jurer n’est nullement à la mode). Quoi qu’il en soit, leurs toilettes jetaient comme un voile sur les grossièretés de leur conversation. Mes filles semblaient regarder avec envie leurs talents supérieurs, et l’on attribuait ce qui apparaissait de défectueux en elles à l’excellence même de leur éducation. Mais la condescendance de ces dames était encore plus grande que leurs autres mérites. L’une d’elles déclara que si miss Olivia avait vu un peu plus de monde, cela lui ferait beaucoup de bien. A quoi l’autre ajouta qu’un seul hiver passé à la ville ferait de la petite Sophia une tout autre personne. Ma femme les approuva chaudement l’une et l’autre, ajoutant qu’il n’y avait rien qu’elle désirât plus ardemment que de donner à ses filles l’avantage de se perfectionner à Londres pendant un seul hiver. Je ne pus me retenir de dire là-dessus que leur éducation était déjà plus haute que leur fortune, et qu’un plus grand raffinement de manières ne ferait que rendre leur pauvreté ridicule et leur donner du goût pour des plaisirs qu’elles n’avaient pas le droit de prendre.

      «Et quels plaisirs, s’écria M. Thornhill, ne méritent-elles pas de prendre, celles qui ont en leur pouvoir d’en accorder tant? Pour ma part, ma fortune est assez considérable; amour, liberté et plaisir, voilà mes maximes; mais, Dieu me maudisse! si le don de la moitié de mes biens pouvait faire plaisir à ma charmante Olivia, ce serait à elle; et la seule faveur que je lui demanderais en retour serait d’ajouter ma propre personne au cadeau.» Je n’étais pas tellement étranger au monde que j’ignorasse que c’était là le tour à la mode pour déguiser l’insolence des plus viles propositions, et je fis un effort pour réprimer ma colère. «Monsieur, m’écriai-je, la famille à laquelle vous voulez bien en ce moment faire la faveur de votre compagnie a été élevée avec un sentiment de l’honneur aussi délicat que vous. Toute tentative pour y porter atteinte pourrait être suivie des plus dangereuses conséquences. L’honneur, monsieur, est aujourd’hui la seule chose que nous possédions, et c’est un dernier trésor dont nous devons être particulièrement soigneux.» Je ne tardai pas à être fâché de la chaleur avec laquelle j’avais parlé, lorsque le jeune gentilhomme, me saisissant la main, jura qu’il appréciait mes sentiments, bien qu’il désapprouvât mes soupçons. «Quant à ce que vous venez de me donner à entendre, continua-t-il, je proteste que rien n’était plus éloigné de mon cœur qu’une telle pensée. Non, par tout ce qui peut tenter, la vertu capable de soutenir un siège régulier ne fut jamais de mon goût, et toutes mes amours sont des coups de main.»

      Les deux dames, qui avaient affecté de ne pas s’apercevoir du reste, semblèrent souverainement choquées de ce dernier trait de franchise, et, très discrètement et sérieusement, entamèrent un dialogue sur la vertu. Ma femme, le chapelain, bientôt moi-même, nous nous joignîmes à elles, et à la fin, nous amenâmes le squire à confesser un sentiment de regret sur ses anciens excès. Nous parlâmes des plaisirs de la tempérance et du soleil qui brille dans le cœur qu’aucune faute n’a souillé. J’étais si content, que l’on garda les enfants plus tard que l’heure habituelle, pour les édifier par une si excellente conversation. M. Thornhill alla même plus loin que moi et demanda si je consentais à faire la prière. J’embrassai la proposition avec joie, et la soirée passa ainsi de la manière la plus satisfaisante, jusqu’au moment où la société finit par songer à s’en retourner. Les dames paraissaient ne se séparer qu’à regret de mes filles, pour lesquelles elles avaient conçu une affection particulière, et elles unirent leurs instances pour avoir le СКАЧАТЬ