Название: Отец Горио. Книга для чиения на французском языке
Автор: Оноре де Бальзак
Издательство: КАРО
Жанр: Литература 19 века
Серия: Чтение в оригинале (Каро)
isbn: 5-89815-656-9
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Où vous rencontrer désormais, madame? – lui avait-il dit brusquement avec cette force de passion qui plaît tant aux femmes.
Mais, dit-elle, au Bois, aux Bouffons, chez moi, partout.
Et l’aventureux Méridional s’était empressé de se lier avec cette délicieuse comtesse, autant qu’un jeune homme peut se lier avec une femme pendant une contredanse et une valse. En se disant cousin de madame de Beauséant, il fut invité par cette femme, qu’il prit pour une grande dame, et eut ses entrées chez elle. Au dernier sourire qu’elle lui jeta, Rastignac crut sa visite nécessaire. Il avait eu le bonheur de rencontrer un homme qui ne s’était pas moqué de son ignorance, défaut mortel au milieu des illustres impertinents de l’époque, les Maulincourt, les Ronquerolles, les Maxime de Trailles, les de Marsay, les Ajuda-Pinto, les Vandenesse, qui étaient là dans la gloire de leurs fatuités et mêlés aux femmes les plus élégantes, lady Grandon, la duchesse de Langeais, la comtesse de Kergarouët, madame de Sérisy, la duchesse de Carigliano, la comtesse Ferraud, madame de Lanty, la marquise d’Aiglemont, madame Firmiani, la marquise de Listomère et la marquise d’Espard, la duchesse de Maufrigneuse et les Grandlieu. Heureusement donc, le naïf étudiant tomba sur le marquis de Montriveau, l’amant de la duchesse de Langeais, un général simple comme un enfant, qui lui apprit que la comtesse de Restaud demeurait rue du Helder. Être jeune, avoir soif du monde, avoir faim d’une femme, et voir s’ouvrir pour soi deux maisons! mettre le pied au faubourg Saint-Germain chez la vicomtesse de Beauséant, le genou dans la Chaussée-d’Antin chez la comtesse de Restaud plonger d’un regard dans les salons de Paris en enfilade, et se croire assez joli garçon pour y trouver aide et protection dans un cœur de femme! se sentir assez ambitieux pour donner un superbe coup de pied à la corde roide sur laquelle il faut marcher avec l’assurance du sauteur qui ne tombera pas, et avoir trouvé dans une charmante femme le meilleur des balanciers! Avec ces pensées et devant cette femme qui se dressait sublime auprès d’un feu de mottes, entre le Code et la misère, qui n’aurait comme Eugène sondé l’avenir par une méditation, qui ne l’aurait meublé de succès? Sa pensée vagabonde escomptait si drûment ses joies futures qu’il se croyait auprès de madame de Restaud quand un soupir semblable à un ban de Saint Joseph troubla le silence de la nuit, retentit au cœur du jeune homme de manière à le lui faire prendre pour le râle d’un moribond. Il ouvrit doucement la porte, et quand il fut dans le corridor, il aperçut une ligne de lumière tracée au bas de la porte du père Goriot. Eugène craignit que son voisin ne se trouvât indisposé, il approcha son œil de la serrure, regarda dans la chambre, et vit le vieillard occupé de travaux qui lui parurent trop criminels pour qu’il ne crût pas rendre service à la société en examinant bien ce que machinait nuitamment le soi-disant vermicellier. Le père Goriot, qui sans doute avait attaché sur la barre d’une table renversée un plat et une espèce de soupière en vermeil, tournait une espèce de câble autour de ces objets richement sculptés, en les serrant avec une si grande force qu’il les tordait vraisemblablement pour les convertir en lingots.
Peste! quel homme! se dit Rastignac en voyant le bras nerveux du vieillard qui, à l’aide de cette corde, pétrissait sans bruit l’argent doré, comme une pâte.
– Mais serait-ce donc un voleur ou un receleur qui, pour se livrer plus sûrement à son commerce, affecterait la bêtise, l’impuissance, et vivrait en mendiant? se dit Eugène en se relevant un moment.
L’étudiant appliqua de nouveau son œil à la serrure. Le père Goriot, qui avait déroulé son câble, prit la masse d’argent, la mit sur la table après y avoir étendu sa couverture, et l’y roula pour l’arrondir en barre, opération dont il s’acquitta avec une facilité merveilleuse.
– Il serait donc aussi fort que l’était Auguste, roi de Pologne? se dit Eugène quand la barre ronde fut à peu près façonnée.
Le père Goriot regarda tristement son ouvrage, des larmes sortirent de ses yeux, il souffla le rat-de-cave à la lueur duquel il avait tordu ce vermeil, et Eugène l’entendit se coucher en poussant un soupir.
– Il est fou, pensa l’étudiant.
– Pauvre enfant! dit à haute voix le père Goriot.
A cette parole, Rastignac jugea prudent de garder le silence sur cet événement, et de ne pas inconsidérément condamner son voisin. Il allait rentrer quand il distingua soudain un bruit assez difficile à exprimer, et qui devait être produit par des hommes en chaussons de lisière montant l’escalier. Eugène prêta l’oreille, et reconnut en effet le son alternatif de la respiration de deux hommes. Sans avoir entendu ni le cri de la porte ni les pas des hommes, il vit tout à coup une faible lueur au second étage, chez monsieur Vautrin.
– Voilà bien des mystères dans une pension bourgeoise! se dit-il.
Il descendit quelques marches, se mit à écouter, et le son de l’or frappa son oreille. Bientôt la lumière fut éteinte, les deux respirations se firent entendre derechef sans que la porte eût crié. Puis, à mesure que les deux hommes descendirent, le bruit alla s’affaiblissant.
– Qui va là? cria madame Vauquer en ouvrant la fenêtre de sa chambre.
– C’est moi qui rentre, maman Vauquer, dit Vautrin de sa grosse voix.
– C’est singulier! Christophe avait mis le verrou, se dit Eugène en rentrant dans sa chambre. Il faut veiller pour bien savoir ce qui se passe autour de soi, dans Paris.
Détourné par ces petits événements de sa méditation ambitieusement amoureuse, il se mit au travail. Distrait par les soupçons qui lui venaient sur le compte du père Goriot plus distrait encore par la figure de madame de Restaud, qui de moments en moments se posait devant lui comme la messagère d’une brillante destinée, il finit par se coucher et par dormir à poings fermés. Sur dix nuits promises au travail par les jeunes gens, ils en donnent sept au sommeil. Il faut avoir plus de vingt ans pour veiller.
Le lendemain matin régnait à Paris un de ces épais brouillards qui l’enveloppent et l’embrument si bien que les gens les plus exacts sont trompés par le temps. Les rendez-vous d’affaires se manquent. Chacun se croit à huit heures quand midi sonne. Il était neuf heures et demie, madame Vauquer n’avait pas encore bougé de son lit. Christophe et la grosse Sylvie, attardés aussi, prenaient tranquillement leur café, préparé avec les couches supérieures du lait destiné aux pensionnaires, et que Sylvie faisait longtemps bouillir, afin que madame Vauquer ne s’aperçût pas de cette dîme[10] illégalement levée.
– Sylvie, dit Christophe en mouillant sa première rôtie, monsieur Vautrin, qu’est un bon homme tout de même, a encore vu deux personnes cette nuit. Si madame СКАЧАТЬ
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