Voyage musical en Allemagne et en Italie, II. Hector Berlioz
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Название: Voyage musical en Allemagne et en Italie, II

Автор: Hector Berlioz

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

Серия:

isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/37567

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СКАЧАТЬ l'Académie du cap de Bonne-Espérance?

      » – Oh! par exemple! quelle farce! Une académie au Cap! un institut hottentot! Vous savez bien qu'il n'y en a pas.

      » – Vraiment! et chez les Indiens de Coromandel?

      » – Point.

      » – Et chez les Malais?

      » – Pas davantage.

      » – Ah ça! mais il n'y a donc point d'académie dans l'Orient?

      » – Certainement non.

      » – Les Orientaux sont bien à plaindre!

      » – Ah! oui, ils s'en moquent pas mal!

      » – Les barbares!»

      Là-dessus, je quittai le vieux concierge, gardien, huissier de l'Institut, en songeant à l'immense avantage qu'il y aurait d'envoyer l'Académie civiliser l'île de Java. Je ruminais déjà le plan d'un projet que je voulais adresser aux académiciens eux-mêmes, à l'effet de les prier de vouloir bien se donner la peine d'aller se promener un peu au cap de Bonne-Espérance, comme Pingard. Mais nous sommes si égoïstes, nous autres Occidentaux, notre amour de l'humanité est si faible, que ces pauvres Hottentots, ces malheureux Malais, qui n'ont pas d'académie, ne m'ont occupé sérieusement que deux ou trois heures; le lendemain je n'y songeais plus. Deux ans après, j'obtins enfin le premier grand prix; mon tour était venu. Dans l'intervalle, le pauvre Pingard était mort, et ce fut grand dommage, car s'il eût entendu mon Incendie de Sardanapale, je suis sûr qu'il m'aurait cette fois payé une tasse tout entière.

      Ce fut en 1830 que ce bonheur m'arriva. Je terminais précisément ma cantate le 28 juillet:

      «…Lorsqu'un lourd soleil chauffait les grandes dalles

      »Des ponts et de nos quais déserts;

      »Que les cloches hurlaient, que la grêle des balles

      »Sifflait et pleuvait par les airs;

      »Que dans Paris entier, comme la mer qui monte,

      »Le peuple soulevé grondait;

      »Et qu'au lugubre accent des vieux canons de fonte

      »La Marseillaise répondait3

      L'aspect du palais de l'Institut, habité par de nombreuses familles, était alors curieux; les biscayens traversaient nos portes barricadées, les boulets ébranlaient la façade, les femmes poussaient des cris, et dans les moments de silence, entre les décharges, les hirondelles reprenaient en chœur leur chant joyeux cent fois interrompu. Et j'écrivais, j'écrivais précipitamment les dernières pages de mon orchestre, au bruit sec et mat des balles perdues qui, décrivant une parabole au-dessus des toits, venaient s'applatir près de mes fenêtres, contre la muraille de ma chambre. Enfin, le 29, je fus libre, et je pus sortir et polissonner dans Paris, le pistolet au poing, avec la sainte canaille4, jusqu'au lendemain.

      III

      DISTRIBUTION DES PRIX DE L'INSTITUT

      Deux mois après eurent lieu, comme à l'ordinaire, la distribution des prix et l'exécution à grand orchestre de la cantate couronnée. Cette cérémonie se passe encore de la même façon. Tous les ans, les mêmes musiciens exécutent des partitions qui sont à peu près aussi toujours les mêmes, et les prix donnés avec le même discernement sont distribués avec la même solennité. Tous les ans, le même jour, à la même heure, debout sur la même marche du même escalier de l'Institut, le même académicien répète la même phrase au lauréat qui vient d'être couronné. Le jour est le premier samedi d'octobre; l'heure, la quatrième de l'après-midi; la marche d'escalier, la troisième; l'académicien, tout le monde s'en doute; la phrase, la voici:

      «Allons, jeune homme, macte animo; vous allez faire un beau voyage… la terre classique des beaux-arts… la patrie des Pergolèse, des Piccini… un ciel inspirateur… Vous nous reviendrez avec quelque magnifique partition. Vous êtes en beau chemin.»

      Pour cette glorieuse journée, les académiciens endossent leur bel habit brodé de vert; ils rayonnent, ils éblouissent. Ils vont couronner en pompe, un peintre, un sculpteur, un architecte, un graveur et un musicien. Grande est la joie au gynécée des muses.

      Que viens-je d'écrire là?.. cela ressemble à un vers! C'est que j'étais déjà loin de l'Académie, et que je songeais (je ne sais trop à quel propos, en vérité), à cette strophe de Victor Hugo:

      «Aigle qu'ils devaient suivre, aigle de notre armée,

      »Dont la plume sanglante en cent lieux est semée,

      »Dont le tonnerre, un soir, s'éteignit dans les flots;

      »Toi qui les as couvés dans l'aire maternelle,

      »Regarde et sois contente, et crie, et bats de l'aîle,

      «Mère, tes aiglons sont éclos.»

      Revenons à nos lauréats, dont quelques-un ressemblent bien un peu à des hiboux, à ces petits monstres rechignés dont parle La Fontaine, plutôt qu'à des aigles, mais qui se partagent tous également néanmoins les affections de l'Académie.

      C'est donc le premier samedi d'octobre que leur mère radieuse bat de l'aile, et que la cantate couronnée est enfin exécutée sérieusement. On rassemble alors un orchestre tout entier; il n'y manque rien. Les instruments à cordes y sont; on y voit les deux flûtes, les deux hautbois, les deux clarinettes (je dois cependant à la vérité de dire que cette précieuse partie de l'orchestre est complète depuis peu seulement. Quand l'aurore du grand prix se leva pour moi, il n'y avait qu'une clarinette et demie; le vieillard chargé depuis un temps immémorial de la partie de première clarinette, n'ayant plus qu'une dent, ne pouvait faire sortir de son instrument asthmatique que la moitié des notes, tout au plus). On y trouve les quatre cors, les trois trombones, et jusqu'à des cornets à pistons, instruments modernes! Voilà qui est fort. Eh bien! rien n'est plus vrai. L'Académie, ce jour-là, ne se connaît plus, elle fait des folies, de véritables extravagances: elle est contente, et crie et bat de l'aile, ses hiboux (ses aiglons voulais-je dire) sont éclos. Chacun est à son poste. Habeneck, armé de l'archet conducteur, donne le signal.

      Le soleil se lève; solo de violoncelle… léger crescendo.

      Les petits oiseaux se réveillent; solo de flûte, trilles de violons.

      Les petits ruisseaux murmurent, solo d'altos.

      Les petits agneaux bêlent, solo de hautbois.

      Et le crescendo continuant, il se trouve que quand les petits oiseaux, les petits ruisseaux et les petits agneaux ont été entendus successivement, le soleil est au zénith, et qu'il est midi tout au moins. Le récitatif commence:

      «Déjà le jour naissant, etc.»

      Suivent, le premier air, le deuxième récitatif, le deuxième air, le troisième récitatif et le troisième air où le personnage expire ordinairement, mais où le chanteur et les auditeurs respirent. M. le Secrétaire-Perpétuel prononce à haute et intelligible voix les noms et prénoms de l'auteur, tenant d'une main la couronne de laurier artificiel, qui doit ceindre les tempes du triomphateur, et de l'autre une médaille d'or véritable qui lui servira à payer son terme avant le départ pour Rome. Elle vaut 160 francs: j'en suis certain. Le lauréat se lève:

      Son front nouveau СКАЧАТЬ



<p>3</p>

1er Iambe d'Auguste Barbier.

<p>4</p>

Expression du même poète.