A travers chants: études musicales, adorations, boutades et critiques. Hector Berlioz
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу A travers chants: études musicales, adorations, boutades et critiques - Hector Berlioz страница 16

Название: A travers chants: études musicales, adorations, boutades et critiques

Автор: Hector Berlioz

Издательство: Public Domain

Жанр: Историческая литература

Серия:

isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/37534

isbn:

СКАЧАТЬ on le pratique si bien et de si diverses manières, les correcteurs d'un théâtre voyant en noir ce que ceux d'un autre voient en blanc, que d'une partition qui aurait été, sans protecteur, traînée sur une cinquantaine de scènes, si l'on tenait compte du travail de tous les correcteurs, il resterait à peine dix pages intactes.

      Les seize morceaux du Fidelio de Beethoven ont presque tous une belle et noble physionomie. Mais ils sont beaux de diverses façons, et c'est précisément ce qui me paraît constituer leur mérite principal. Le premier duo entre Marceline et son fiancé se distingue des autres par son style familier, gai, d'une piquante simplicité; le caractère des deux personnages s'y décèle tout d'abord. L'air en ut mineur de la jeune fille semble se rapprocher par sa forme mélodique du style des meilleures pages de Mozart. L'orchestre cependant y est traité avec un soin plus minutieux que ne le fut jamais celui du l'illustre devancier de Beethoven.

      Un quatuor d'une mélodie exquise succède à ce joli morceau. Il est traité en canon à l'octave, chacune des voix entrant à son tour pour dire le thème, de manière à produire d'abord un solo accompagné par un petit orchestre de violoncelles, d'altos et de clarinettes, puis un duo, un trio et enfin un quatuor complet. Rossini écrivit une foule de choses ravissantes dans cette forme; tel est le canon de Moïse: Mi manca la voce. Mais le canon de Fidelio est un andante non suivi de l'allégro de rigueur, avec cabalette et coda bruyante. Et le public, tout charmé qu'il soit par ce gracieux amiante, reste surpris, demeure stupide de ne pas voir arriver son allegro final, sa cadence, son coup de fouet… Au fait, pourquoi ne pas lui donner de coup de fouet?..

      On peut comparer les couplets de Rocko sur la puissance de l'or, écrits par Gaveaux dans sa partition française, à ceux de la partition allemande de Beethoven. C'est peut-être de tous les morceaux de la Léonore de Gaveaux celui qui supporte le mieux une telle comparaison. La chanson de Beethoven charme par sa rondeur joviale, dont une modulation et un changement de mesure survenant brusquement dans le milieu altèrent un peu la vigoureuse simplicité; mais celle de Gaveaux, d'un style moins relevé, n'en est pas moins intéressante par sa franchise mélodique, l'excellente diction des paroles et une orchestration piquante.

      Au trio suivant, Beethoven commence à employer la grande forme, les vastes développements, l'instrumentation plus riche, plus agitée; on sent qu'on entre dans le drame; la passion se décèle par de lointains éclairs.

      Puis vient une marche dont la mélodie et les modulations sont des plus heureuses, bien que la couleur générale en paraisse triste, comme peut l'être du reste une marche de soldats gardiens d'une prison. Les deux premières notes du thème, frappées sourdement par les timbales et un pizzicato des basses, contribuent tout d'abord à l'assombrir. Ni cette marche ni le trio qui la précède n'ont de pendant dans l'opéra de Gaveaux. Il en est de même de beaucoup d'autres morceaux contenus dans la riche partition de Beethoven.

      L'air de Pizarre est de ce nombre. Il n'obtient pas à Paris un seul applaudissement; nous demandons néanmoins la permission de le traiter de chef-d'œuvre. Dans ce morceau terrible, la joie féroce d'un scélérat prêt à satisfaire sa vengeance est peinte avec la plus effrayante vérité. Beethoven dans son opéra a parfaitement observé le précepte de Gluck qui recommande de n'employer les instruments qu'en raison du degré d'intérêt et de passion. Ici, pour la première fois, tout l'orchestre se déchaîne; il débute avec fracas par l'accord de neuvième mineure de ré mineur; tout frémit, tout s'agite, crie et frappe; la partie vocale n'est, il est vrai, qu'une déclamation notée, mais quelle déclamation! et combien son accent, toujours vrai, acquiert de sauvage intensité quand, après avoir établi le mode majeur, l'auteur fait intervenir le chœur des gardes de Pizarre, dont les voix, murmurantes d'abord, accompagnent la sienne et éclatent enfin avec force à la conclusion! C'est admirable.

      J'ai entendu chanter cet air en Allemagne d'une foudroyante façon par Pischek.

      Le duo entre Rocko et le gouverneur, duo pour deux basses par conséquent, n'est pas tout à fait à cette hauteur; pourtant je ne saurais approuver la liberté qu'on a prise au Théâtre-Lyrique de le supprimer.

      Une liberté semblable, mais au moins avec le consentement plus ou moins réel de l'auteur, fut prise autrefois à Vienne pour le charmant duo de soprani chanté par Fidelio et Marceline, où un seul violon et un seul violoncelle, aidés de quelques entrées de l'orchestre, accompagnent si élégamment les deux voix. Ce duo, retrouvé dans la partition de Leipzig dont je parlais tout à l'heure, a été réintégré au Théâtre-Lyrique dans l'œuvre de Beethoven. Ainsi les savants du théâtre de Paris ne partagent pas l'avis de ceux du théâtre de Vienne!.. Heureusement il y a divergence d'opinions entre eux! Sans cela, nous eussions été privés d'entendre ce dialogue musical, si frais, si doux, si élégant!

      C'est au souffleur du Théâtre-Lyrique, dit-on, que nous devons cette réinstallation. Brave souffleur!

      Le grand air de Fidelio est avec récitatif, adagio cantabile, allegro final et accompagnement obligé de trois cors et d'un basson.

      Je trouve le récitatif d'un beau mouvement dramatique, l'adagio sublime par son accent tendre et sa grâce attristée, l'allegro entraînant, plein d'un noble enthousiasme, magnifique, et bien digne d'avoir servi de modèle à l'air d'Agathe, du Freyschütz. D'excellents critiques, je le sais, ne sont pas de mon avis; je me sens heureux de n'être pas du leur…

      Le thème de l'allegro de cet air admirable est proposé par les trois cors et le basson seuls, qui se bornent à faire entendre successivement les cinq notes de l'accord, si, mi, sol, si, mi. Cela forme quatre mesures d'une incroyable originalité. On pourrait donner à tout musicien qui ne les connaît pas ces cinq notes, en l'autorisant à les combiner de cent manières différentes, et je parie que dans les cent combinaisons ne se trouverait pas la phrase impétueuse et fière que Beethoven en a tirée, tant le rhythme en est imprévu. Cet allegro, pour beaucoup de gens, demeure entaché d'un défaut grave; il n'a pas de petite phrase qu'on puisse aisément retenir. Ces amateurs, insensibles aux nombreuses et éclatantes beautés du morceau, attendent leur phrase de quatre mesures, comme les enfants attendent la fève dans un gâteau des rois, comme les provinciaux attendent le si naturel, la note d'un ténor qui fait son premier début. Le gâteau fût-il exquis, le ténor fût-il le plus délicieux chanteur du monde, ni l'un ni l'autre n'auront de succès sans le précieux accessoire! Il n'a pas de fève! il n'a pas la note!

      L'air d'Agathe, dans le Freyschütz, est presque populaire; il a la note.

      Combien de morceaux, de Rossini lui-même, ce prince des mélodistes, sont restés dans l'ombre faute d'avoir la note!

      Les quatre instruments à vent qui accompagnent la voix dans cet air troublent d'ailleurs tant soit peu la plupart des auditeurs en attirant trop fortement leur attention. Ces instruments ne font pourtant aucun étalage de difficultés inutiles; Beethoven ne les a point traités, comme fit plusieurs fois Mozart du cor de basset, en instruments soli, dans l'acception prétentieuse de ce mot. Mozart, dans Tito, donne à exécuter une espèce de concerto au cor de basset pendant que la prima donna dit qu'elle voit la mort s'avancer, etc. Ce contraste d'un personnage animé des sentiments les plus tristes et d'un virtuose qui, sous prétexte d'accompagner le chant, songe seulement à faire briller l'agilité de ses doigts, est l'un des plus disgracieux, des plus puérils, des plus contraires au bon sens dramatique, des plus défavorables même au bon effet musical. Le rôle dévolu par Beethoven à ses quatre instruments à vent n'est pas le même; il ne s'agit pas de les faire briller, mais d'obtenir d'eux une sorte d'accompagnement parfaitement d'accord avec le sentiment du personnage chantant et d'une sonorité spéciale qu'aucune autre combinaison orchestrale ne saurait produire. Le timbre voilé, un peu pénible même des cors, s'associe on ne peut mieux à la joie douloureuse, à l'espérance inquiète dont le cœur d'Éléonore est rempli; c'est doux et tendre comme le roucoulement СКАЧАТЬ