A travers chants: études musicales, adorations, boutades et critiques. Hector Berlioz
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Название: A travers chants: études musicales, adorations, boutades et critiques

Автор: Hector Berlioz

Издательство: Public Domain

Жанр: Историческая литература

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isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/37534

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СКАЧАТЬ version pourtant a conservé la popularité qui lui était acquise sous le nom d'ouverture d'Eléonore; elle la gardera probablement.

      Cette superbe ouverture, la plus belle peut-être de Beethoven, partagea le sort de plusieurs morceaux de l'opéra, et fut supprimée après les premières représentations. Une autre (en ut majeur, comme les deux précédentes), d'un caractère doux et charmant, mais dont la conclusion ne parut pas propre à exciter les applaudissements, ne fut pas plus heureuse. Enfin l'auteur écrivit, pour la reprise de son opéra modifié, l'ouverture en mi majeur, connue sous le nom d'ouverture de Fidelio, qu'on adopta définitivement de préférence aux trois précédentes. C'est une page magistrale, d'une verve et d'un éclat incomparables, un vrai chef-d'œuvre symphonique, mais qui ne se rattache, ni par son caractère ni par les thèmes qu'il contient, à l'opéra auquel on le fait servir de préface. Les autres ouvertures, au contraire, sont en quelque sorte l'opéra de Fidelio en raccourci. On y trouve, avec les accents tendres d'Éléonore, les lamentables plaintes du prisonnier mourant de faim, les délicieuses mélodies du trio du dernier acte, la fanfare lointaine de la trompette annonçant l'arrivée du ministre qui doit délivrer Florestan; tout y est palpitant d'intérêt dramatique, et ce sont bien des ouvertures de Fidelio.

      Les principaux théâtres d'Allemagne et d'Angleterre s'étant aperçus, après trente ou quarante ans, que la deuxième grande ouverture d'Éléonore (la première publiée) était une œuvre magnifique, l'exécutent maintenant comme un entr'acte avant le second acte de l'opéra, tout en conservant l'ouverture en mi pour le premier. Il est fâcheux que le Théâtre-Lyrique n'ait pas cru devoir suivre cet exemple. Nous voudrions même que le Conservatoire tentât ce que fit un jour Mendelssohn à l'un des concerts du Gewanthaus à Leipzig, et qu'il nous donnât, dans une de ses séances, les quatre ouvertures de l'opéra de Beethoven.

      Mais ceci paraîtrait peut-être à Paris une tentative par trop audacieuse (pourquoi?), et l'audace, on le sait, n'est pas le défaut de nos institutions musicales.

      Le sujet de Fidelio (car il faut dire quelques mots de la pièce) est triste et mélodramatique. Il n'a pas peu contribué à faire naître les préventions que nourrissait le public français contre cet opéra. Il s'agit d'un prisonnier d'état que le gouverneur d'une forteresse veut faire mourir de faim dans son cachot. Sa femme Éléonore, déguisée en jeune garçon, s'est fait agréer de Rocko le geôlier, comme domestique, sous le nom de Fidelio. Marceline, fille de Rocko et fiancée du guichetier Jacquino, bientôt séduite par la bonne mine de Fidelio, ne tarde pas à délaisser pour lui son vulgaire amoureux. Pizarre, le gouverneur, impatient de voir mourir sa victime et trouvant que la faim n'agit pas assez vite, se résout à venir lui-même l'égorger sur son grabat. Ordre est donné à Rocko de creuser dans un coin du cachot une fosse où le prisonnier sera jeté dans quelques heures.

      Fidelio est choisi par Rocko pour l'aider dans ce lugubre office. Angoisses de la pauvre femme en se trouvant ainsi auprès de son mari qu'elle voit prêt à succomber et dont elle n'ose s'approcher. Bientôt le cruel Pizarre se présente; le prisonnier enchaîné se lève, reconnaît son bourreau, l'interpelle; Pizarre s'avance vers lui le poignard à la main, quand Fidelio, s'élançant entre eux, tire un pistolet de son sein et le présente à la face de Pizarre qui recule épouvanté.

      En ce moment même une trompette se fait entendre à quelque distance. C'est le signal pour baisser la herse et ouvrir la porte de la forteresse. On annonce l'arrivée du ministre; le gouverneur n'achèvera pas son œuvre de sang; il sort précipitamment du cachot: le prisonnier est sauvé. En effet, le ministre paraît, reconnaît, dans la victime de Pizarre, son ami Florestan; allégresse générale et confusion de la pauvre Marceline, qui, apprenant ainsi que Fidelio est une femme, revient à son Jacquino.

      On a cru devoir, au Théâtre-Lyrique, calquer sur les situations de cette pièce de M. Bouilly un drame nouveau, dont la scène se passe en 1495 à Milan, et dont les personnages principaux sont Ludovic Sforza, Jean Galeas, sa femme Isabelle d'Aragon et le roi de France Charles VIII. On a pu introduire ainsi au dénoûment un brillant tableau final et des costumes moins sombres que ceux de la pièce originale. Telle est la raison, fort insuffisante sans doute, qui a porté M. Carvalho, l'habile directeur de ce théâtre, au moment où Fidelio a été mis à l'étude, à désirer une telle substitution. On n'admet pas en France qu'on puisse purement et simplement traduire un opéra étranger. Ce travail a été fait, du reste, sans trop de préjudice pour la partition, dont tous les morceaux restent unis à des situations d'un caractère semblable à celui des scènes pour lesquelles ils furent écrits.

      Ce qui nuit à la musique de Fidelio auprès du public parisien, c'est la chasteté de sa mélodie, le mépris souverain de l'auteur pour l'effet sonore quand il n'est pas motivé, pour les terminaisons banales, pour les périodes prévues; c'est la sobriété opulente de son instrumentation, la hardiesse de son harmonie; c'est surtout, j'ose le dire, la profondeur même de son sentiment de l'expression. Il faut tout écouter dans cette musique complexe, il faut tout entendre pour pouvoir comprendre. Les parties de l'orchestre, les principales dans certains cas, les plus obscures dans d'autres, contiennent quelquefois l'accent expressif, le cri de passion, l'idée enfin que l'auteur n'a pas pu donner à la partie vocale. Ce qui ne veut point dire que cette partie ne soit pas restée prédominante, ainsi que le prétendent les éternels rabâcheurs du reproche adressé par Grétry à Mozart: «Il a mis le piédestal sur la scène et la statue dans l'orchestre,» reproche fait auparavant à Gluck, et plus tard à Weber, à Spontini, à Beethoven, et qui sera toujours fait à quiconque s'abstiendra d'écrire des platitudes pour la voix et donnera à l'orchestre un rôle intéressant, quelle que soit sa savante réserve. Il est vrai que les gens si prompts à blâmer chez les vrais maîtres la prétendue prédominance des instruments sur la voix ne font pas grand cas de cette réserve; et nous voyons tous les jours, depuis dix ans surtout, l'orchestre transformé en bande militaire, en atelier de forgeron, en boutique de chaudronnier, sans que la critique s'indigne, sans qu'elle fasse même à ces énormités la moindre attention. De sorte qu'à tout prendre, si l'orchestre est bruyant, violent, brutal, plat, révoltant, exterminateur des voix et de la mélodie, la critique ne dit rien; s'il est fin, délicat, intelligent, s'il attire parfois sur lui l'attention par sa vivacité, sa grâce ou son éloquence, et s'il reste néanmoins dans le rôle que les exigences dramatiques et musicales lui assignent, il est censuré. On pardonne aisément à l'orchestre de ne rien dire, ou, s'il parle, de ne dire que des sottises ou des grossièretés.

      Il y a seize morceaux dans la partition de Fidelio, sans compter les quatre ouvertures. Il y en avait davantage dans l'origine; quelques-uns ont été supprimés lors de la seconde mise en scène de cet ouvrage à Vienne, et de nombreuses coupures et modifications furent faites à la même époque dans les morceaux conservés. Un éditeur de Leipzig s'avisa (en 1855, je crois), de publier l'œuvre originale complète avec l'indication des coupures et des changements qui lui furent infligés. L'étude de cette partition curieuse donne l'idée des tortures que l'impatient Beethoven a dû subir en se soumettant à de tels remaniements, qu'il fit sans doute avec rage et en se comparant à l'esclave d'Alfieri:

      Servo, si, ma servo ognor fremente.

      En Allemagne, comme en Italie, comme en France, comme partout, dans les théâtres, tout le monde, sans exception, a plus d'esprit que l'auteur. L'auteur y est un ennemi public; et si un garçon machiniste assure que tel morceau de musique, de n'importe quel maître, est trop long, chacun s'empressera de donner raison au garçon machiniste contre Gluck, ou Weber, ou Mozart, ou Beethoven, ou Rossini. Voyez, à propos de Rossini, les insolentes suppressions faites dans son Guillaume Tell, avant et après la première représentation de ce chef-d'œuvre. Le théâtre, pour les poëtes et les musiciens, est une école d'humilité; les uns y reçoivent des leçons de gens qui ignorent la grammaire, les autres, de gens qui ne savent pas la gamme; et tous ces aristarques, en outre, prévenus contre ce qui porte une apparence de nouveauté ou de hardiesse, sont pleins d'un indomptable amour pour les prudentes banalités. Dans les théâtres lyriques СКАЧАТЬ