L'inutile beauté. Guy de Maupassant
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Название: L'inutile beauté

Автор: Guy de Maupassant

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ l’ombre de la voiture, il crut deviner qu’elle était émue, et sentant qu’elle allait enfin parler:

      – Je vous en prie, dit-il, je vous en supplie…

      Elle murmura:

      – J’ai été peut-être plus coupable que vous ne croyez. Mais je ne pouvais pas, je ne pouvais plus continuer cette vie odieuse de grossesses. Je n’avais qu’un moyen de vous chasser de mon lit. J’ai menti devant Dieu, et j’ai menti, la main levée sur la tête de mes enfants, car je ne vous ai jamais trompé.

      Il lui saisit le bras dans l’ombre, et le serrant comme il avait fait au jour terrible de leur promenade au bois, il balbutia:

      – Est-ce vrai?

      – C’est vrai.

      Mais lui, soulevé d’angoisse, gémit:

      – Ah! je vais retomber en de nouveaux doutes qui ne finiront plus! Quel jour avez-vous menti, autrefois ou aujourd’hui? Comment vous croire à présent? Comment croire une femme après cela? Je ne saurai plus jamais ce que je dois penser. J’aimerais mieux que vous m’eussiez dit: «C’est Jacques, ou c’est Jeanne».

      La voiture pénétrait dans la cour de l’hôtel. Quand elle se fut arrêtée devant le perron, le comte descendit le premier et offrit, comme toujours, le bras à sa femme pour gravir les marches.

      Puis, dès qu’ils atteignirent le premier étage:

      – Puis-je vous parler encore quelques instants, dit-il?

      Elle répondit:

      – Je veux bien.

      Ils entrèrent dans un petit salon, dont un valet de pied, un peu surpris, alluma les bougies.

      Puis, quand ils furent seuls, il reprit:

      – Comment savoir la vérité? Je vous ai supplié mille fois de parler, vous êtes restée muette, impénétrable, inflexible, inexorable, et voilà qu’aujourd’hui vous venez me dire que vous avez menti. Pendant six ans vous avez pu me laisser croire une chose pareille! Non, c’est aujourd’hui que vous mentez, je ne sais pourquoi, par pitié pour moi, peut-être?

      Elle répondit avec un air sincère et convaincu:

      – Mais sans cela j’aurais eu encore quatre enfants pendant les six dernières années.

      Il s’écria:

      – C’est une mère qui parle ainsi?

      – Ah! dit-elle, je ne me sens pas du tout la mère des enfants qui ne sont pas nés, il me suffit d’être la mère de ceux que j’ai et de les aimer de tout mon coeur. Je suis, nous sommes des femmes du monde civilisé, monsieur. Nous ne sommes plus et nous refusons d’être de simples femelles qui repeuplent la terre.

      Elle se leva; mais il lui saisit les mains.

      – Un mot, un mot seulement, Gabrielle. Dites-moi la vérité?

      – Je viens de vous la dire. Je ne vous ai jamais trompé.

      Il la regardait bien en face, si belle, avec ses yeux gris comme des ciels froids. Dans sa sombre coiffure, dans cette nuit opaque des cheveux noirs luisait le diadème poudré de diamants, pareil à une voie lactée. Alors, il sentit soudain, il sentit par une sorte d’intuition que cet être-là n’était plus seulement une femme destinée à perpétuer sa race, mais le produit bizarre et mystérieux de tous nos désirs compliqués, amassés en nous par les siècles, détournés de leur but primitif et divin, errant vers une beauté mystique, entrevue et insaisissable. Elles sont ainsi quelques-unes qui fleurissent uniquement pour nos rêves, parées de tout ce que la civilisation a mis de poésie, ce luxe idéal, de coquetterie et de charme esthétique autour de la femme, cette statue de chair qui avive, autant que les fièvres sensuelles, d’immatériels appétits.

      L’époux demeurait debout devant elle, stupéfait de cette tardive et obscure découverte, touchant confusément la cause de sa jalousie ancienne, et comprenant mal tout cela.

      Il dit enfin:

      – Je vous crois. Je sens qu’en ce moment vous ne mentez pas; et, autrefois en effet, il m’avait toujours semblé que vous mentiez.

      Elle lui tendit la main.

      – Alors, nous sommes amis?

      Il prit cette main et la baisa, en répondant:

      – Nous sommes amis. Merci, Gabrielle.

      Puis il sortit, en la regardant toujours, émerveillé qu’elle fût encore si belle, et sentant naître en lui une émotion étrange, plus redoutable peut-être que l’antique et simple amour!

      LE CHAMP D’OLIVIERS

      I. Quand les hommes du port, du petit port provençal de Garandou…

      Quand les hommes du port, du petit port provençal de Garandou, au fond de la baie Pisca, entre Marseille et Toulon, aperçurent la barque de l’abbé Vilbois qui revenait de la pêche, ils descendirent sur la plage pour aider à tirer le bateau.

      L’abbé était seul dedans, et il ramait comme un vrai marin, avec une énergie rare malgré ses cinquante-huit ans. Les manches retroussées sur des bras musculeux, la soutane relevée en bas et serrée entre les genoux, un peu déboutonnée sur la poitrine, son tricorne sur le banc à son côté, et la tête coiffée d’un chapeau cloche en liège recouvert de toile blanche, il avait l’air d’un solide et bizarre ecclésiastique des pays chauds, fait pour les aventures plus que pour dire la messe.

      De temps en temps, il regardait derrière lui pour bien reconnaître le point d’abordage, puis il recommençait à tirer, d’une façon rythmée, méthodique et forte, pour montrer, une fois de plus, à ces mauvais matelots du Midi, comment nagent les hommes du Nord.

      La barque lancée toucha le sable et glissa dessus comme si elle allait gravir toute la plage en y enfonçant sa quille; puis elle s’arrêta net, et les cinq hommes qui regardaient venir le curé s’approchèrent, affables, contents, sympathiques au prêtre.

      – Eh ben! dit l’un avec son fort accent de Provence, bonne pêche, monsieur le curé?

      L’abbé Vilbois rentra ses avirons, retira son chapeau cloche pour se couvrir de son tricorne, abaissa ses manches sur ses bras, reboutonna sa soutane, puis ayant repris sa tenue et sa prestance de desservant du village, il répondit avec fierté:

      – Oui, oui, très bonne, trois loups, deux murènes et quelques girelles.

      Les cinq pêcheurs s’étaient approchés de la barque, et penchés au-dessus du bordage, ils examinaient, avec un air de connaisseurs, les bêtes mortes, les loups gras, les murènes à tête plate, hideux serpents de mer, et les girelles violettes striées en zigzag de bandes dorées de la couleur des peaux d’oranges.

      Un d’eux dit:

      – Je vais vous porter ça dans votre bastide, monsieur le curé.

      – Merci, mon brave.

      Ayant serré les mains, le prêtre se mit en route, suivi d’un СКАЧАТЬ